Mort de Tom, 18 ans, dans un abattoir : « La justice ne pourra pas être à la hauteur de votre douleur » (LT 30/03/2023 21h56)

Le père de Tom Le Duault, au tribunal judiciaire de Saint-Brieuc, avec une photographie de son fils. (Photo Dimitri Rouchon-Borie/Le Télégramme)

Ce jeudi 30 mars 2023, à Saint-Brieuc, une femme entre dans la salle d’audience du tribunal en serrant le portrait de son fils, mort dans un abattoir en 2021. Son dirigeant, à la barre, est ému. Mais les chagrins sont inconciliables, à cause d’un gouffre : celui de la responsabilité.

C’est un choc immense. Celui de la justice pénale, heurtée de plein fouet par le drame humain. Le drame qui arrive, sans raison, sans prévenir. Et qui vole un enfant à une famille. Tom Le Duault, 18 ans, mort le 25 octobre 2021 dans un abattoir, à Lanfains (22), au premier jour de son embauche comme saisonnier.

Ce jeudi 30 mars 2023 s’est ouvert, à Saint-Brieuc, le procès de l’entreprise LDC Bretagne, et de son dirigeant, poursuivis pour homicide involontaire. À l’extérieur du tribunal, en ce milieu d’après-midi, le vent se lève, secouant fort les branches des arbres. À l’intérieur du bâtiment, la tempête est contenue. Mais elle est bien là, dans le chagrin et la colère d’une mère, qui s’avance en tremblant dans la salle d’audience. Serrant contre elle le portrait de son fils. Les juges observent. Ils vont devoir faire du droit.

Ils l’ont laissé seul, rentrer dans ce frigo. Pourquoi ils n’ont pas pris soin de lui ?

Mort de Tom, 18 ans, dans un abattoir : « La justice ne pourra pas être à la hauteur de votre douleur »
(Photo Dimitri Rouchon-Borie)

Des bottes qui dépassent

La présidente raconte, ce jour où le jeune homme est retrouvé, mort, sous des centaines de kilos de carcasses. C’est un collègue qui le découvre. Il y a le chaos et des bottes qui dépassent. La suite, c’est l’enquête judiciaire. Et à la fin de la procédure : le doute et quelques hypothèses : Tom serait-il monté sur l’édifice chancelant de ces box de 500 kg qu’il devait empiler par trois, pour attraper une fiche produit ? Aurait-il essayé de les stabiliser, lui qui n’avait pas été formé à la manœuvre ?

« On ne peut pas mourir au travail »

Il avait subi un premier accident du travail, quelques semaines plus tôt. En manipulant, déjà, une machine sans y être formé. Les responsables sont identifiés, et nombreux. Mais la structure juridique de l’entreprise fait qu’une seule personne physique peut être poursuivie : le dirigeant. À la barre, ce jeudi, il s’efforce de ne pas pleurer. « Je suis responsable. On ne peut pas mourir au travail », souffle-t-il.

La justice ne pourra pas vous rendre votre fils, cette souffrance, vous l’aurez toute votre vie

La mère de Tom, debout, lui répond : « C’est pas possible de me dire que mon fils est parti dans l’entreprise où je travaille. Je vais travailler, parce que sinon je m’effondre. Mais je suis détruite. J’avais confiance en eux, ils l’ont laissé seul, rentrer dans ce frigo. Pourquoi ils n’ont pas pris soin de lui ? » Jean-Claude, son père, s’adresse aux juges, en désignant le prévenu : « Il faut que sa peine soit à la hauteur de notre douleur », demande-t-il.

« Y ajouter de la douleur »

« C’est impossible monsieur », répond doucement la présidente. « Alors justice ne sera pas rendue ». « La justice ne pourra pas vous rendre votre fils, cette souffrance, vous l’aurez toute votre vie », poursuit la juge. « Il ne faudrait pas y ajouter de la douleur », souffle le père.

Mort de Tom, 18 ans, dans un abattoir : « La justice ne pourra pas être à la hauteur de votre douleur »
(Photo Dimitri Rouchon-Borie)

La procureure secoue la tête. Parce que c’est « déchirant ». Et « accablant aussi », à l’endroit des prévenus. Il n’y a pas de « négligence ici », dit-elle. Mais une organisation. Des choix. « Je crois que le chagrin de son dirigeant est sincère. La catharsis, dans ce dossier, il faut qu’on la cherche », adresse-t-elle aux juges.

Elle requiert la « peine maximale » contre l’entreprise, personne morale : 75 000 euros d’amende. Et 15 mois de prison avec sursis contre le dirigeant. Le délibéré sera rendu le 25 mai 2023.

Auteur : Dimitri Rouchon-Borie

Source : Mort de Tom, 18 ans, dans un abattoir : « La justice ne pourra pas être à la hauteur de votre douleur » – Bretagne – Le Télégramme (letelegramme.fr)

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