Nantes-À l’hôpital public, des soignants à bout : « Je kiffe mon métier, ma démission est un crève-cœur » (OF.fr-20/09/23)

Marie, 28 ans, infirmière démissionnaire, envisage désormais de travailler dans le domaine social, hors hôpital.

Par Yan Gauchard et Caroline TREMAN (Presse Océan)

Faute de personnels, des fermetures de lits sont encore orchestrées dans des services. Aussi bien dans le public que dans le privé. Au CHU, la psychiatrie voit rouge.

Du plus loin qu’elle se souvienne, Marie, 28 ans, a toujours voulu être infirmière en psychiatrie.  J’adore mon métier, prendre soin des patients, dit-elle. Mais la situation de sous-effectif chronique altère les conditions de travail, on finit par se sentir maltraitant.  La soignante, qui était sous contrat jusqu’à l’été 2024, a posté sa lettre de démission le 25 août dernier et ne remettra plus les pieds à l’unité Chaissac, service de l’hôpital psychiatrique Saint-Jacques, au CHU de Nantes, où elle officiait de nuit depuis 2021.  Cette démission est un crève-cœur, déroule-t-elle. Mais je ne veux pas laisser ma santé au travail. 

« Il y a des gamins en chambre d’isolement faute de moyens »

En cette rentrée, des équipes de l’hôpital Saint-Jacques voient rouge. Des fermetures de lits sont orchestrées du fait de la crise de vocations et des arrêts de travail.

L’étincelle qui met le feu aux poudres cette semaine, c’est la réduction des lits dans plusieurs unités, dont celle baptisée « Espace » – unité de crise pour adolescents manifestant des idées suicidaires – afin de redéployer des soignants sur d’autres services. La mesure entraînera le transfert de patients, la nuit, dans une unité accueillant de jeunes adultes (15-20 ans) présentant des problématiques de soins  totalement différentes ».  Une patiente a fait une crise d’angoisse quand elle a appris la nouvelle car elle a précédemment été victime d’attouchements dans une unité psychiatrique pour adultes , se désole Brigitte, qui compte 34 ans d’ancienneté.

 Notre boulot, c’est d’apporter des soins, tonne Jeanne, diplômée depuis 2013. Là, il y a des gamins qu’on enferme en chambre d’isolement pour les protéger d’eux-mêmes et des autres patients car on n’a pas les moyens humains de les prendre en charge .

 Moi qui suis plus ancienne, j’avais prévu de rester jusqu’en 2026 mais au vu de ce qui se passe, je vais arrêter plus vite , souffle Brigitte. Jeanne se donne deux ans pour  construire un nouveau projet professionnel . La mort dans l’âme, dit-elle, ajoutant : Je kiffe ce que je fais, ce n’est pas pour rien que je suis au CHU, et en psychiatrie. Mais je n’ai pas envie d’être utilisée comme un pion. Là, on casse ce qui marche. Et on prétend vouloir être attractif et recruter avec ça… 

Un projet  génial  de nouvelle unité est dans les cartons, indique-t-on, avec un souci de nuancer le tableau. Mais ce programme  ne peut pas se faire au détriment  d’autres services.

« Ça peut toucher tout le monde »

 Dans quelle famille il n’y a pas une pathologie mentale ou des gens en souffrance ? reprend Jeanne. Ce qui se passe ici, ça peut toucher tout le monde. 

Pendant la crise Covid, des gens  bien insérés  ont  décompensé  et se sont retrouvés en unité fermée, rappelle Jeanne, soulignant : Les grands fous de 40 ans, ils sont fous mais on peut les accompagner, les apaiser. Les jeunes de 15 ans qui viennent nous voir, il faut les aider maintenant avant qu’ils basculent. Si on passe à côté de ces gamins, l’avenir que l’on prépare va être terrible… 

Des jeunes placés en psy adulte faute de places

Tous les établissements de santé sont impactés par des fermetures de lits. Dans le public, la psychiatrie est notamment touchée au CHU avec « 20 lits fermés à Saint-Jacques et 50 postes d’infirmiers qui manquent » selon la CGT. Les conséquences sont très complexes pour la pédopsychiatrie. Faute de lits, des jeunes sont pris en charge dans les services adultes. « En 2021, 108 mineurs ont été hospitalisés en psychiatrie adulte contre 82 en 2020. On ne sait pas pour 2022… », s’alarme Élise Le Bail, « ça touche à nos valeurs profondes… ». Même constat au centre hospitalier spécialisé Epsylan de Blain. « Cela pose des soucis d’insécurité pour ces jeunes… », selon Christophe, infirmier du CHS, qui rappelle qu’« en février, 17 lits d’une unité d’admission ont fermé. On ne peut plus accueillir les gens comme il y a dix ans. » À Saint-Nazaire, 30 lits ont fermé en psy depuis 2022, selon les syndicats, dont 11 lits pour adolescents.

Source: https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/a-lhopital-public-des-soignants-a-bout-je-kiffe-mon-metier-ma-demission-est-un-creve-cur-a5ea847a-56cf-11ee-b6ba-7dd572906796

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/nantes-a-lhopital-public-des-soignants-a-bout-je-kiffe-mon-metier-ma-demission-est-un-creve-coeur-of-fr-20-09-23/

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