Nantes-Procès de militants d’extrême droite. « Je ne sais pas comment elle a la force d’être là » (OF.fr-20/09/23)

Ce mercredi 20 septembre, devant le palais de justice de Vannes (Morbihan) : Erwan David, sa mère Corinne Dilasser et Steven Dardenne, parties civiles.

Par Nathalie HAMON

La troisième journée du procès d’assises en appel de l’agression ultra-violente, dont ont été victimes deux jeunes hommes de 18 et 16 ans, le soir de l’élection d’Emmanuel Macron, la nuit du 7 au 8 mai 2017, à Nantes, a été consacrée aux témoins et aux victimes, ce mercredi 20 septembre, à Vannes (Morbihan).

Dans la salle d’audience de la cour d’assises du Morbihan, ce mercredi 20 septembre, le regard d’une mère se pose régulièrement sur son garçon au corps filiforme et aux joues creusées. Ses yeux, entre inquiétude et torpeur, semblent porter le poids d’une tristesse indicible qui ne la quitte pas.

En mars 2022, Corinne Dilasser n’assistait pas au premier procès de l’agression ultra-violente dont ont été victimes, la nuit du 7 au 8 mai 2017, à Nantes, Erwan David, son fils de 18 ans, et un ami d’enfance, Steven Dardenne, alors 16 ans.

Les quatre accusés, militant ou gravitant autour de groupuscules de l’ultra-droite tel que le Gud, avaient été condamnés à huit et six ans de prison ferme et, pour deux d’entre eux, à trois mois de prison avec sursis probatoire. Cette affaire est jugée en appel, à Vannes, depuis lundi 18 septembre, pour un verdict vendredi 22.

« Des vrais remords exprimés »

Ce mercredi, cette femme de 50 ans à la santé fragile ne vient pas témoigner devant les jurés. Trop fatiguée. Trop d’émotion, sans doute aussi. Sa fille de 26 ans, également partie civile, l’explique. « Ma mère est tombée dans une grave dépression. Elle a tout pris en pleine face. L’agression, la rééducation d’Erwan à la maison, ses sautes d’humeur liées aux séquelles neurologiques. Au début, elle participe à tout, aux soins. Elle l’accompagne partout. » Jusqu’à ce qu’elle lâche. « Je ne sais pas comment elle a la force d’être là, aujourd’hui. »

L’employée hospitalière livre un ressenti sans filtre, au rythme de sanglots ininterrompus.Épuisée elle aussi, « déçue de voir que beaucoup de versions (des accusés, N.D.L.R.) ont changé. Au premier procès, de vrais remords avaient été exprimés : ils avaient pris leurs responsabilités. Là, je n’ai pas l’impression. »

Elle contient de la colère. « Ils ont pris la vie de mon frère, de ma mère, de Steven aussi. » Sans parler de la sienne, note la présidente Claire Le Bonnois. « J’essaye… Je me dis que si je ne suis pas là, il n’y a plus personne. »

Une famille improvisée enquêtrice

Un peu comme il y a six ans. Si sa mère et elle n’avaient pas remué ciel et terre, les cinq hommes embarqués dans leur virée mortifère auraient-ils été trouvés, arrêtés ? Que resterait-il des traces et des éléments matériels laissés sur les lieux du guet-apens ? Les questions demeurent.

L’appel à témoins diffusé dès le lendemain sur les réseaux sociaux, accompagné de photos d’Erwan David sur son lit d’hôpital, dans le coma, le corps dans une coque ; les tessons de bouteille avec l’ADN d’un agresseur, « éléments de preuve » récupérés dans la rue dès le lundi 8 mai et ramenés au commissariat dans un sac-poubelle avec les vêtements ensanglantés du jeune majeur ; un témoin visuel amené lui aussi à l’hôtel de police…

Par défaut, une famille dans le désarroi s’est improvisée enquêtrice avec Steven Dardenne, la seconde victime atteinte de blessures physiques plus légères (cinq jours d’incapacité totale de travail). « Heureusement », appuie Claire Le Bonnois.

À la barre, l’enquêteur de la crim’de la direction territoriale de la police judiciaire de Nantes n’évacue pas le sujet. Cette nuit-là, malgré les appels de Steven Dardenne, d’un témoin sur place et même des sapeurs-pompiers à Police-secours, « aucun équipage ne se déplace sur le lieu des faits. Des constatations ont été faites à retardement », introduit-il, lors de sa déposition devant la cour. Avant d’ajouter, en réponse à des demandes de précisions de la présidente : « Ce n’est absolument pas normal. Heureusement que la mère d’Erwan David a rattrapé la carence de nos services. »

Source: https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/proces-de-militants-dextreme-droite-je-ne-sais-pas-comment-elle-a-la-force-detre-la-3f174862-57da-11ee-8e17-c0c2a8a6f053

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/nantes-proces-de-militants-dextreme-droite-je-ne-sais-pas-comment-elle-a-la-force-detre-la-of-fr-20-09-23/

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