La situation politique et sociale reste très tendue au Sénégal ! Au premier rang des opposants : Ousmane Sonko et son parti qui sont menacés d’interdiction pour terrorisme. Rien que ça ! De grandes mobilisations sont annoncées le 29 mars, 30 mars et 03 avril. Malgré l’interdiction décrétée par le préfet, Yewwi Askan Wi, la coalition de l’opposition (qui signifie Libérer le peuple, briser les chaines de l’esclavage en wolof) maintient le mot d’ordre de la manifestation. La coalition dénonce la justice corrompue par le président pour le laisser se représenter une troisième fois aux élections présidentielles et éteindre toute candidature alternative. Nous avons interviewé le porte parole du PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), également avocat d’Ousmane Sonko.
Nous proposons également quelques compléments d’informations utiles pour mieux comprendre le contexte.
Quelle est la situation d’Ousmane Sonko actuellement ?
Elle est très préoccupante, il est sorti de l’hôpital avec des certificats médicaux, il doit être au repos. Il a beaucoup de blessures à cause des coups reçus. Ces violences et coups se sont ajoutés à d’autres de février.1
Les nervis (terme utilisé au Sénégal pour parler des milices utilisées par le pouvoir exécutif), ne sont pas habilités par les forces de l’ordre. Le pouvoir en place recrute des éléments qui ne sont pas de la police régulière. Ousmane Sonko a été attaqué à plusieurs reprises et malmené. Il ne fait pas confiance aux itinéraires que la police lui impose car deux fois déjà il a subi des violences physiques lors de ces trajets. Certains de ses proches ont été arrêtes sous des motifs fallacieux2
Nous ne sommes plus dans un État de droit mais plutôt dans un État qui fout le droit en l’air !
Vous portez plainte contre ce traitement?
Oui, devant la Cour internationale de Justice et la CEDEAO. Cette justice du Sénégal a montré ses limites pour protéger Ousmane Sonko. La justice du pays subit une mainmise du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire. Nous ne leurs faisons pas confiance.
Le Sénégal est devenu un pays où la dictature étale ses pouvoirs et cherche à écarter ses adversaires ! Il ne reste que onze mois pour les élections présidentielles, la campagne devrait démarrer! On ne laisse pas la possibilités aux opposants de se présenter3, le président choisit ses propres adversaires.
Au delà du Sénégal, est-ce que Ousmane Sonko est dérangeant pour occidentaux ?
Il n’a rien contres les Occidentaux. Il est pour le Sénégal. Ousmane Sonko propose avant tout la renégociation des contrats. Défendre son pays ne signifie pas être contre les autres!
Il faut plus de protectionnisme, de rigueur dans les contrats! Le déséquilibre est manifeste, ça n’a rien à voir avec être contre les Occidentaux. Sur le pouvoir en place, il dérange depuis la naissance du PASTEF. Ses discours sont très écoutés par les Sénégalais. Le pouvoir cache des choses, il multiplie les projets non transparents. Ce qui explique les persécutions.
De quels type de contrats parlez-vous ?
Il y a les contrats sur ressources naturelles : gaz pétrole, or, zircon (zirconium),…
Mais aussi l’exploitation des services publics : eau, électricité, transport…
Par exemple, le Sénégal a signé un contrat de construction d’un Ter (Train Express Régional) avec la société Alstrom qui était en faillite en ce moment là. François Hollande a « convaincu » Macky Sall de s’engager sur ce projet d’un montant de plus 2 milliards d’euros pour une distance de 36km. Le Sénégal est totalement perdant et d’ailleurs le Figaro avait titré il y a quelques semaines à la Une « France 1- Sénégal 0 ». Les sociétés Françaises font de la surfacturation des marchés publics et sans appel d’offre. On peut comparer cette dépense colossale avec le coût du TGV au Nigeria qui était de 720 millions d’euros pour un parcours de 187 km ! Le Sénégal doit payer et rembourser pour un manque à gagner alors qu’il s’agit de contrats léonins !
Notre souveraineté dépend des sociétés occidentales. Nous voulons notre souveraineté économique, elle ne doit pas dépendre des autres.
En France, dans les grands médias, on parle d’Ousmane Sonko comme vaguement « opposant » et des accusations de viol…
La procédure est terminée, de notre côté nous attaquons cette procédure parce qu’il y a violations de ses droits. C’est un dossier organisé qui implique le régime en place. Les autorités judiciaires n’ont pas pris leur responsabilités. Nous allons vers une relaxe pure et simple. Le dossier est vide. Le médecin qui a examiné la fille a dit qu’il n’y a pas eu de rapport. Le représentant religieux de la fille a parlé de contrepartie, de l’argent qu’on lui a donné. Tout ça est visible sur les réseaux sociaux. Les gens n’ont pas respecté leur parole. L’officier enquêteur a parlé de dossier vide.
Qu’en est-il des sociétés israéliennes qui seraient proches du pouvoir?
Nous sommes inquiets car c’est un vrai scandale. Ce ne sont plus les peuples qui décident lors des élections avec ces agences qui permettent de falsifier les résultats. Cela nous a permis de nous organiser davantage pour les échéances qui se dessinent, nous voulons que le suffrage des Sénégalais soit respecté. Il faut sensibiliser davantage l’opinion, que nous ayons des élections dans des conditions libres, apaisées ! La candidature de Monsieur Sall est anticonstitutionnelle, on va se battre comme on l’a fait en 2011.
Est-ce que vous avez des soutiens de mouvements panafricanistes ?
Oui au Mali, en Cote d’ivoire, en Guinée, des organisations lancent des appels.
L’exception sénégalaise doit demeurer. Il faut selon moi soutenir Ousmane Sonko si l’on veut stopper cette dérive plus qu’autoritaire ! Le Sénégal fait partie des rares pays qui n’ont pas connu des coups d’états. Les pays frontaliers en ont connu, avec les coups d’état au Mali, au Burkina Faso,… Depuis son indépendance, le Sénégal n’en a jamais eu.
N’est-ce pas parce que le Sénégal était la chasse gardée de la France ?
Il faut tout de même souligner qu’il y a eu alternance en 2000 et en 2012. Même si la rue a poussé, les présidents ont finir par accepter leurs défaites.
Notes complémentaires transmises par un soutien du PASTEF :
1 En février dernier, il est parti au tribunal avec ses partisans mais sur le chemin les gendarmes ont percuté son cortège et ont gazé les militants et sympathisants d’Ousmane Sonko. Le pouvoir de Macky Sall fait disperser les foules à chacune de ses sorties pour que sa popularité n’apparaisse pas au grand jour. Au tribunal, ils ont bloqué son convoi avec des personnes en tenue de gendarmes non identifiés (avec des Israéliens selon certaines sources à l’intérieur de la gendarmerie). Après le blocage, ils ont gazé les partisans et éloigné sa sécurité. C’est à ce moment qu’un milicien a aidé un agent de la gendarmerie pour casser la vitre arrière où était assis Ousmane Sonko, ce qui l’a blessé. Les gendarmes l’ont pris de force et l’ont ramené chez lui. Ils ont menti en prétextant que c’était pour le protéger.
2 Les proches d’Ousmane Sonko sont arrêtés à tout azimuts (près de 600 arrestations en ce moment). Les chargés de communication, et de l’organisation de la tournée de Ousmane Sonko (Elhadji Malick Ndiaye et Fadilou Keita) sont écroués pour « diffusion de fausses nouvelles », un maire d’une localité aussi pour « appel à l’insurrection ». Un administrateur d’un site qui soutient Sonko a fait 6 mois en prison pour avoir partagé un post avec des « Emoji LOL ». Il y a une répression inouïe sur les réseaux sociaux.
3 Depuis 2012 Macky instrumentalise la justice :
– 8 mars 2016 il fait condamner Karim Wade, fils de l’ancien président de la république qui était un adversaire redoutable avec un appareil politique très actif. Il est condamné et emprisonné par une juridiction d’exception et il a perd ses droits civiques et politiques. Karim Wade est extrait de force de sa cellule de prison une nuit son passeport fait la nuit même et mis dans jet privé il est exilé au Qatar et interdit de venir au Sénégal.
– 8 mars 2018 le maire de la capitale est accusé de malversations sur la caisse d’avance pour un montant de 2 millions d’euros, il a donné une caution de 5 millions d’euros, sa caution refusée il est condamné et incarcéré en violation de toute la procédure. Il a perdu ses droits civiques et politiques.
– 8mars 2021 Ousmane Sonko est accusé de viol par une masseuse dans un salon de massage où la patronne vit avec son mari et ses enfants et d’autres employés du salon. Ils ont tous témoigné en faveur de Sonko. Le procureur de la république et un officier de la gendarmerie (Bassirou guèye et Abou Mbengue) ont modifié les procès-verbaux d’enquête en enlevant les parties qui innocentent Ousmane Sonko et rajoute de faux éléments, des photos de prostitués pour charger le dossier.
Des gens ont alerté Ousmane Sonko que sa cellule était déjà prête et qu’il va être incarcéré. Toute la presse privée est préparée pour des éléments de langage visant à plonger Sonko à le discréditer. Ils cherchaient à ternir son image vis-à-vis des chefs religieux. Le capitaine (Oumar Touré) enquêteur qui a traité plus de 1500 dossiers a subi une pression du parquet pour truquer le PV d’enquête. Il a fini par démissionner et alerter l’opinion car sa vie était en danger. Le marabout de la plaignante a enregistré la fille qui a avoué que des proches du président Macky Sall lui ont proposé 300 000€ et un passeport diplomatique pour accuser Ousmane Sonko.
Photo: Wiki commons
Propos recueillis par Robin Delobel
Source : https://www.investigaction.net/fr/ousmane-sonko-propose-avant-tout-la-renegociation-des-contrats/