« Ce n’est pas acceptable qu’on utilise la mémoire des héros du ghetto de Varsovie pour justifier aujourd’hui le bombardement du ghetto de Gaza », estime le syndicaliste.
Présentation : on lira ci-dessous des extraits de l’intervention de Frédéric Bochard à la commission exécutive confédérale de Force ouvrière du 26 octobre, transmise à la rédaction de l’hebdomadaire “Informations Ouvrières”.
« Concernant la situation au Proche-Orient, il ne peut y avoir qu’une seule position : le cessez-le-feu immédiat, la levée du blocus à Gaza, l’arrêt des bombardements. La position de Macron et du gouvernement, ce n’est pas la “trêve humanitaire” ou l’arrêt des combats, c’est bien le soutien au gouvernement d’extrême droite de Netanyahou. Et à Tel-Aviv, Macron a même fait la proposition d’une force d’intervention européenne. Fred (Frédéric Souillot, secrétaire général de FO, Ndlr) a eu raison de partir de la situation internationale et d’évoquer le conflit au Moyen-Orient. La confédération a eu absolument raison de publier deux communiqués réclamant le cessez-le-feu immédiat en Palestine et en Israël, d’autant qu’on assiste à une exploitation éhontée, terrible, effroyable de la situation (…).
Nous devons nous exprimer clairement : la tradition du syndicalisme, c’est le pacifisme et l’internationalisme (…).
Ce sont toujours les travailleurs, les peuples qui sont les victimes des conflits. Pour aborder la manière dont est traité ce conflit, il faut rappeler que depuis 1945, depuis la Shoah, la “question juive” a pris une force émotionnelle intense que certains n’hésitent pas à exploiter politiquement.
« On peut être juif et ne pas être sioniste »
J’ai entendu ce que Fred a dit concernant le Crif (…). C’est normal d’avoir des échanges avec cette institution (…). Mais le Crif, ce n’est pas toute la communauté juive de France (…).
Ainsi, l’Union juive française pour la paix ou l’Union des juifs pour la résistance et l’entraide, qui sont deux associations importantes, l’UJRE inscrivant même son action dans la lignée de la Résistance FTP-MOI, n’en sont plus membres.
Il y a une confusion entre l’antisionisme et l’antisémitisme (…). Le sionisme, c’est une position politique (…). On peut être juif et ne pas être sioniste. Je rappelle que la tradition socialiste juive avant la guerre était opposée au sionisme. C’était la position de l’Union générale des travailleurs juifs, le Bund, le parti socialiste qui existait en Europe centrale de la fin du XIX e siècle jusqu’à sa dissolution en 1949 lors du Congrès de Wroclaw en 1949 (…). Lors de chaque congrès du Bund était réaffirmée la position d’opposition au sionisme considéré comme une orientation réactionnaire et bourgeoise.
Lors de mon discours du 1 er mai 2023, j’ai conclu en faisant référence à un événement que beaucoup ont oublié (…). Le 1er mai 1943, dans cette Europe sous la botte des nazis, des fascistes et de leurs affidés, il y a eu un endroit où l’on a célébré le 1 er mai et où l’on a chanté l’Internationale, c’est dans le ghetto de Varsovie assiégé (…). Les jeunes insurgés du ghetto, qui ont combattu jusqu’au bout contre la tyrannie, ont chanté l’Internationale (…).
Et aujourd’hui,ce n’est pas acceptable qu’on utilise la mémoire des héros du ghetto de Varsovie pour justifier aujourd’hui le bombardement du ghetto de Gaza…
Car Gaza, c’est bien un ghetto dans lequel sont enfermées 2 millions de personnes (…). Et c’est bien un génocide qui est cours aujourd’hui à Gaza !
« Depuis 1948, c’est la guerre contre un peuple à qui on nie tous ses droits : le peuple palestinien »
On nous parle de “terrorisme”. On pourrait s’amuser si ce n’était pas aussi dramatique : le Hamas a été aidé d’une certaine manière par le gouvernement israélien qui préférait un mouvement ultrareligieux à un mouvement laïque comme le Fatah ou l’OLP. Le gouvernement israélien a laissé le Qatar financer le Hamas. Le gouvernement français dit que le Qatar est un pays ami. Donc on va dire : le Qatar soutient les terroristes et le gouvernement français, qui soutient le Qatar, soutient les terroristes. On peut aller loin là-dessus. C’est pourquoi il faut faire attention aux mots. Ce qui se passe en Israël et en Palestine, c’est la guerre. C’est la guerre depuis 1948 et c’est la guerre contre un peuple à qui on nie tous ses droits : le peuple palestinien. Je le redis : la confédération a eu raison de faire un communiqué parce que nous sommes dans la tradition du mouvement ouvrier, du mouvement syndicaliste.
La paix, le pain, la liberté. Il y a tout dans ce triptyque. Nous combattons pour la paix, l’arrêt des combats, pour la paix immédiatement.
La Paix maintenant, Shalom Arshav, c’est un mouvement qui existe en Israël : la paix maintenant et moi je soutiens ça. D’ailleurs, dans mon discours lors du rassemblement syndical interdit mardi, j’ai terminé en le disant dans les deux langues, en hébreu et en arabe : la paix immédiatement. Et le droit respecté pour tous les peuples. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, cela vaut pour tous les peuples, cela ne se divise pas, y compris pour le peuple palestinien.
« On ne s’est pas soumis »
Et donc, mes chers camarades, sur la question de la défense des libertés, j’ai dit à plusieurs occasions qu’il fallait qu’on soit insistant sur cette question-là (…). Cette histoire de manifestation interdite, c’est quand même très important (…). Je tiens à remercier la confédération sur l’aide qu’elle a apportée pour qu’on puisse tenir ce rassemblement interdit. Il était toujours interdit mais il a été “permis”. J’ai pu y dire tout ce que j’avais à dire. On ne s’est pas soumis. On a fait entendre la voix syndicale (…). »
(Les intertitres sont de la rédaction d’IO.)
Source: https://infos-ouvrieres.fr/2023/11/01/le-point-de-vue-de-frederic-bochard-syndicaliste/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/palestine-le-point-de-vue-de-frederic-bochard-syndicaliste-io-fr-1-11-23/