Paris 2024 : pourquoi la colère monte à l’AP-HP ? (H.fr-14/05/24)

Les syndicats de soignants appellent à la grève après l’annonce des primes versées aux soignants travaillant durant les Jeux, inégalitaires et insuffisantes. © Riccardo Milani / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Mobilisés pendant la compétition, seuls quelques milliers d’agents hospitaliers toucheront une prime qui, pire, est inégalement répartie. L’injustice de trop pour l’intersyndicale CGT-FO-CFDT et Unsa, qui lançait ce mardi une première journée de grève et de mobilisation.

Par Pierric MARISSAL.

« Le temps est aussi pourri que leur politique », grince Olivier Commas, secrétaire général de l’union syndicale CGT de l’Assistance publique. Malgré la pluie aussi persistante que pénétrante, plusieurs dizaines de personnels des hôpitaux de Paris se sont réunis, ce mardi 14 mai, pour manifester devant le siège de l’AP-HP et interpeller Nicolas Revel, le directeur général de l’établissement public. « S’il le faut, on ira jusqu’au ministère ! » lance Jean-Emmanuel Cabo, de FO AP-HP, sous les hourras des militants qui s’abritent tant bien que mal sans gêner l’accueil des urgences de l’hôpital Saint-Antoine voisin.

La goutte d’eau de trop à l’origine de cette grève, à l’appel de l’intersyndicale CGT-FO-CFDT et Unsa, est la répartition des primes pour les personnels mobilisés pendant les jeux Olympiques. Celle-ci ne concernera qu’à peine un agent sur dix. Les syndicats qui étaient reçus par la direction, lundi soir, se sont vu confirmer que seuls 80 services des 12 hôpitaux mobilisés pendant la période pourraient toucher cette prime. « Et il faut spécifiquement que l’agent ait ses congés écourtés par sa hiérarchie », insiste Jean-Emmanuel Cabo.

Olivier Commas renchérit : « Le pire est que cette prime est complètement inégalitaire et discriminante, les fonctionnaires de catégorie C ne toucheront que 800 euros, ceux de catégorie B, 1 000 euros, les cadres 1 200 euros et les médecins, eux, gagneront 2 500 euros ! » L’intersyndicale parle d’une seule voix et demande 2 000 euros pour tous. L’actualité semble leur donner raison puisque c’est, en substance, la prime que vont toucher les policiers et gendarmes mobilisés pendant la même période.

15 millions de visiteurs attendus

Les représentants des personnels des hôpitaux de Paris ont ainsi raconté à leurs collègues, clairement inquiets quant à l’organisation de leur travail pendant les JO, que la direction ne se faisait pas de souci, elle. « Ils nous ont expliqué qu’il n’y aura pas vraiment d’affluence supplémentaire, malgré les 15 millions de visiteurs attendus, puisque les Parisiens seront partis en vacances, raconte Jean-Emmanuel Cabo. Ils misent aussi sur le fait que les touristes seront tous en bonne santé puisqu’il n’y aura aucun renfort en pédiatrie, en gériatrie, en maladies infectieuses… » En se basant sur les jeux Olympiques de Londres, la direction estime ainsi qu’il n’y aura pas plus de 150 passages aux urgences supplémentaires quotidiens.

Dans l’assistance, ce récit fait grincer des dents. De nombreux services se préparent en effet déjà à déclencher le plan blanc au moindre imprévu, ce dispositif de crise qui permet de mobiliser immédiatement les personnels. Les agents doivent d’ores et déjà donner des numéros de téléphone où ils seront joignables pendant leurs vacances, et des groupes WhatsApp dédiés à l’organisation de plans blancs ont été créés par des managers.

« C’est une manière de banaliser une mesure exceptionnelle, qui en plus leur permet de contourner la réglementation sur le temps de travail pour nous faire travailler plus de deux week-ends de suite ou ne pas respecter notre droit à trois semaines de congés au minimum, dénonce Olivier Commas. Il y a une forme de cynisme de la direction qui sait, depuis le Covid, que malgré son incurie, ce sont les personnels, leur engagement, leur abnégation, qui portent l’hôpital à bout de bras. »

« Le gouvernement a peur d’une grève pendant les JO »

Trois hôpitaux de référence seront au cœur du dispositif des jeux Olympiques. Avicenne, établissement de Bobigny (93), s’occupera des journalistes – les urgentistes n’y bénéficieront pourtant pas de la prime, la direction leur a dit qu’ils étaient habitués à gérer l’affluence – et Pompidou accueillera la « famille olympique ». Au nord de Paris, Bichat devra s’occuper des athlètes gravement blessés.

« Mais la direction a estimé qu’on ne pouvait maintenir que 8 lits en orthopédie », pointe Simon Chiaroni, secrétaire général du syndicat CGT de l’hôpital Bichat. Pour lui, le manque d’effectifs, qui détermine le nombre de lits ouverts, est déjà une réalité. « Récemment, on a dû admettre un patient soigné en gérontologie dans le service de gynécologie. Il n’y a déjà pas assez de manipulateurs radio, de préparateurs en pharmacie, de sages-femmes, d’infirmiers… » énumère-t-il.

L’intersyndicale des personnels de l’AP-HP n’en est qu’au début de sa mobilisation. Une pétition pour la prime à 2 000 euros pour tous a déjà rassemblé plus de 10 000 signatures parmi les agents. « Nous l’avons vu avec les cheminots ou à la RATP, l’heure est au rapport de force, le gouvernement a peur d’une grève pendant les JO, assure Olivier Commas. On a jusqu’à juillet pour faire grossir la mobilisation et obtenir une vague d’embauches ! »

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Source; https://www.humanite.fr/social-et-economie/ap-hp/paris-2024-pourquoi-la-colere-monte-a-lap-hp

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/paris-2024-pourquoi-la-colere-monte-a-lap-hp-h-fr-14-05-24/

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