Pénuries de médicaments: et maintenant, l’amoxicilline ! (LH.fr-18/11/22)

L’antibiotique amoxicilline est le plus concerné par les risques de pénuries, obligeant les autorités sanitaires à décréter des mesures d’urgence.

Y aura-t-il des antibiotiques à Noël ? La question peut paraître saugrenue mais, compte tenu des difficultés rencontrées pour obtenir ce type de médicaments dans les pharmacies ces dernières semaines, beaucoup de familles se demandent s’il ne va pas falloir écrire au Père Noël pour respecter les prescriptions des médecins !

Après les tensions rencontrées sur le paracétamol, dont la distribution a connu de nouvelles restrictions le 19 octobre, avec notamment une limite de deux boîtes délivrées en officine pour les patients sans ordonnance, c’est l’amoxicilline, l’antibiotique phare des traitements destinés aux enfants (80 % en contiennent), qui frôle la rupture de stock. Utilisé en cas d’otite, d’angine, de pneumonie, de cystite ou encore d’abcès dentaire, ce produit « fait l’objet de fortes tensions d’approvisionnement en France, qui pourraient durer jusqu’en mars 2023 », nous a confirmé vendredi matin l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM), qui avait organisé une réunion sur le sujet la veille au soir.

Les formes les plus touchées par ces tensions sont précisément celles utilisées pour les mineurs : les poudres pour suspension buvable 125 mg/5 ml, 250 mg/5 ml et 500 mg/5 ml.

On « ne s’attaque pas aux causes structurelles » des pénuries

L’agence indique « tout mettre en œuvre pour sécuriser la situation et garantir la couverture des besoins des patients » et dit avoir déjà mis en place « un contingentement auprès des pharmacies de ville et dans les établissements de santé pour gérer au mieux les stocks disponibles ». Une « solution » qui expliquerait les problèmes rencontrés dans certaines pharmacies. L’ANSM précise que ces pénuries « concernent toute l’Europe, ainsi que d’autres marchés internationaux » et qu’elles « sont la conséquence d’une augmentation très importante de la consommation en antibiotiques couplée à des difficultés sur les lignes de production industrielle qui n’ont pas retrouvé leur capacité d’avant la pandémie de Covid-19 ».

Outre le rationnement déjà mis en place, l’agence invite les professionnels de santé à bien respecter les recommandations thérapeutiques, et en particulier à vérifier que les maladies visées, en particulier l’angine, sont bien d’origine bactérienne et non virale. Une façon pas très élégante de rejeter la faute sur les médecins, alors que ces difficultés d’approvisionnement ont d’abord pour origine une production massivement sous-traitée en Asie et des pouvoirs publics trop conciliants avec les labos, guère intéressés par ces produits peu rémunérateurs.

Icon VideoEn vidéo Jérôme Martin, co-fondateur de l’observatoire de la transparence dans les politiques du médicament : « Sortir le médicament de la marchandisation »

Cette timide alerte de l’ANSM, qui devrait être suivie de « recommandations de prise en charge adaptées à ce contexte de tensions » (avec une possible limite des prescriptions à 5 jours au lieu de 7), est jugée « très tardive » par l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds). « Cela fait des semaines que les médias américains titrent sur les pénuries et tensions de l’amoxicilline. Cela interroge sur la réactivité et la pro-activité de notre système de veille », accuse l’association, qui regrette que les autorités sanitaires « ne s’attaquent pas aux causes structurelles » de ces pénuries.

« Confier la production à des acteurs publics »

Avec la crise du Covid, le besoin en antibiotiques avait en effet chuté nettement, conduisant les industriels à fermer ou ralentir leurs chaînes de production. Or, faire le chemin inverse prend du temps. « Il faut sortir les médicaments essentiels de cette logique marchande et mettre en place une planification sanitaire », plaide OTMeds, en particulier pour ces molécules peu chères. « Les multinationales pharmaceutiques arguent du fait que le prix des médicaments serait trop bas. C’est une raison de plus pour confier la production à des acteurs publics, qui permettront d’éviter des ruptures aux conséquences dramatiques », conclut l’Observatoire. La démarche serait en tout cas plus efficace que de s’en remettre au Père Noël…

Alexandre FACHE

source: https://www.humanite.fr/societe/medicaments/penuries-et-maintenant-l-amoxicilline-771569

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