Pierre Dharréville : « Un véritable Hold Up sur la gouvernance de l’assurance chômage »(LH.fr-3/10/22)

Pierre Dharréville

Assemblée nationale. Le texte qui prévoit la possibilité pour le gouvernement de moduler par décret les droits des chômeurs jusqu’à fin 2023, sera examiné lundi, dans l’hémicycle. Entretien avec Pierre Dharréville, le chef de file des députés communistes sur cette réforme.

Le premier texte examiné par l’Assemblée nationale, à l’occasion de la nouvelle session parlementaire qui s’ouvre lundi, porte sur l’assurance chômage. Après son passage en commission cette semaine, le député PCF Pierre Dharréville alerte sur la poursuite de «  l’étatisation » de l’Unédic.

Le projet de loi sur l’assurance chômage est étudié dans l’hémicycle à partir de ce lundi. Il prolonge la réforme entrée en vigueur en 2021. Quelles conséquences pour les chômeurs ?

Avec la précédente réforme, beaucoup d’entre eux ont vu leurs droits diminués, ou ont même été empêchés d’y accéder. Cette régression a été présentée par le gouvernement comme une façon de, soi-disant, s’attaquer aux contrats courts. Mais en réalité, elle ciblait déjà les privés d’emploi. Désormais, en plus de prolonger ces mesures, l’exécutif veut moduler les droits des chômeurs en fonction de la conjoncture économique. Nous assistons donc à un changement profond de la philosophie de l’assurance chômage, visant à la transformer en levier des politiques publiques. Et non, comme son nom l’indique pourtant, en une protection sociale qui garantit des droits en cas d’aléa dans la vie professionnelle. D’autres mesures sont à attendre par amendement, dont nous ne connaissons pas la teneur, comme sur la Validation des acquis de l’expérience (VAE) qui pourraient pénaliser les métiers du lien. En réalité, le gouvernement considère comme responsable de la situation du marché de l’emploi les chômeurs qui ne souhaiteraient pas traverser la rue pour trouver un travail. Mais au-delà des privés d’emploi, cette réforme est une attaque en règle à l’encontre des salariés. Car c’est bien le travail qui produit ces droits sociaux.

En prenant la main avec la possibilité de légiférer par décret sur la durée d’indemnité, vers quel mode de gouvernance de l’assurance chômage le gouvernement veut-il aller ?

L’étatisation progresse à chaque réforme. D’abord rappelons qu’en 2018, pour la précédente réforme, les négociations entre le gouvernement et les partenaires sociaux avaient échoué parce que l’exécutif voulait en réalité réaliser des économies. Les macronistes affichaient déjà la volonté de reprendre la main sur l’Unédic. Cette dernière a d’ailleurs vu une partie de la dette covid, liée au chômage partiel, lui être transférée. Sa contribution au financement du service public de l’emploi a aussi été augmentée. Mais ce texte est un véritable Hold Up sur la gouvernance de l’assurance chômage, avec un gouvernement qui, malgré les consultations, décidera de manière pérenne en lieu et place des partenaires sociaux, qui ont normalement la responsabilité de sa gestion. La logique sous-jacente est d’en faire un simple filet de secours minimum et non plus un élément de la protection sociale.

Pourtant, le gouvernement annonce ouvrir un cycle de négociations…

Ces discussions n’auront pas uniquement pour objet cette réforme. Elles s’intègrent plus largement dans la démarche « France-Travail », annoncée par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle. Ce projet (dont l’objectif affiché est de mieux coordonner différents organismes comme Pôle emploi ou les missions locales, NDLR) est déjà la toile de fond de nos discussions parlementaires. L’incertitude est grande, c’est une idée tirée du chapeau, dont on ne connaît ni les attendus, ni les contours. À quoi « France-Travail » est-il censé répondre ? Quel défi ? Quels objectifs se cachent derrière ? Nous continuerons dans les mois qui viennent à débattre de l’assurance chômage, mais nous pouvons légitimement nous inquiéter des velléités du gouvernement. De concert avec le patronat, celui-ci craint une amélioration du rapport de force en faveur des salariés pour de meilleures conditions de travail. Cette réforme est une pièce du puzzle pour juguler cette évolution. C’est un texte de classe.

Comment l’intergroupes de la Nupes se coordonne-t-il pour riposter ? Quelles propositions portent les députés PCF ?

Notre travail est commun et régulier. En commission, nous avons fait bloc contre cette réforme, en respectant les approches de chacun. Nos amendements reflètent nos particularités, mais convergent. Notre tribune commune parue cette semaine donne le ton : nous cherchons un plan de résistance face à cette offensive. Et ce, en nous nourrissant de nos contacts respectifs avec les organisations syndicales. Mais compte tenu du règlement de l’Assemblée, notre espace d’action est assez restreint pour revenir sur les mauvaises réformes déjà à l’œuvre et défendre la démocratisation de l’assurance chômage. Les députés communistes veulent aller plus loin pour instaurer une Sécurité d’emploi et de formation. Car pour relever les défis sociaux, numériques, écologiques, nous avons besoin de sécuriser les parcours de vie.

Entretien réalisé par Naïm SAKHI

source: https://www.humanite.fr/politique/reforme-assurance-chomage/pierre-dharreville-un-veritable-hold-sur-la-gouvernance-de-l-assurance-chomage-765756

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