Aziliz Uguen et Ynes Mercier sont deux des huit filles que compte le lycée professionnel des métiers de l’automobile, de Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h (Finistère). Dans un univers encore doublement genré et masculin, les jeunes femmes se taillent des places sur-mesure. À contre-courant, des clichés de la filière.
« En début d’année, on a eu des remarques sexistes de la part des gars. Comme « les femmes à la cuisine ou derrière le balai ». Être une fille ici, ça demande un peu de caractère… mais ça s’apprend. » Le discours d’Ynès Mercier et d’Aziliz Uguen est sans fard, ni détours.
Des promotions de plus en plus féminines
Toutes deux âgées de 16 ans, elles sont élèves au lycée des métiers de l’automobile de Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h (Finistère). Un lycée professionnel qui compte 12 filles pour environ 150 élèves. « C’est 9 % de plus que l’année précédente », rapporte la proviseure, Florence Vourc’h. Et de souligner, « en 2019, ici, il y avait deux filles ».
Originaire de Gourin, Ynes Mercier suit une formation de trois ans en mécanique automobile. Depuis 2021, elle y apprend le métier et devrait valider l’année prochaine son Bac Pro.
Après une première année passée à faire des vidanges, vérifier le gonflage des pneus, des niveaux divers et régler les phares, elle s’exerce désormais à démonter les moteurs des voitures et « commence à toucher un peu à l’électrique. […] La sécurité, en première année, c’était nécessaire mais c’est bien que ça s’enchaîne vite. Et qu’on fasse du concret. »
Même envie pour Aziliz. Originaire de Port-Launay, la jeune femme s’ennuyait ferme dans la filière générale de son collège de Châteaulin. Et ce, malgré de bonnes notes. Elle a intégré la formation Bac Pro carrosserie en septembre 2022.
Merci les mini-stages, stop à l’autocensure !
Les deux jeunes femmes qui avaient entendu parler du lycée par le bouche-à-oreille ont entrouvert la porte de l’établissement via des mini-stages réalisés lors de leur année de 3e. « J’ai testé d’autres filières comme le monde agricole, se souvient Ynes. Mais c’est avec les véhicules que j’avais le plus d’affinités. »
Las. Le secteur professionnel et en particulier celui de l’automobile demeure très masculin. « Pour les familles, la voix générale reste encore la voie à privilégier, souligne Nathalie Glez, la directrice déléguée à la formation professionnelle. Les élèves d’aujourd’hui se mettent moins de freins qu’avant mais, au sein des familles, il peut avoir encore de l’auto-censure, se dire que les filles ne sont pas faites pour certaines filières. Nous avons actionné plusieurs leviers depuis trois ans et ça paie aujourd’hui. Mais rien n’est acquis. »
La motivation avant tout
Ynes et Aziliz ont, elles, pu compter sur le soutien de leurs familles. « Ma mère m’a encouragée » raconte Ynès. Dans l’entourage d’Aziliz, on n’a visiblement « pas été étonné. Ils ont trouvé ça bien. »
Pour autant, pas de discrimination positive au lycée des métiers de l’auto pour tenter de changer les a priori sur la filière. « Ici, t’es jugé sur ta motivation sinon, ta place, tu l’as plus », soulignent les deux jeunes femmes.
D’autant que le frein ultime à l’autonomie des femmes dans leurs métiers, à savoir la capacité physique à réaliser telle ou telle action, existe peu ou se compense. « Aujourd’hui, il y a des équipements pour le levage et le port des charges » souligne Nathalie Glez.
« Si les choses peuvent se porter à une seule personne, il n’y a pas de question à se poser, rapportent Ynes et Aziliz. On peut porter les mêmes choses que les gars. »
Un petit-déjeuner entre femmes au lycée, pour la journée internationale
Pour aller plus loin dans cette ouverture du champ des possibles, l’équipe encadrante du lycée de Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h organise ce mercredi 8 mars 2023, journée internationale des droits de la femme, une rencontre pour les filles de l’établissement.
À l’occasion d’un petit-déjeuner, les élèves pourront échanger avec quatre femmes occupant des postes dans des domaines professionnels encore assez masculins. Dans le détail, il y aura le capitaine d’une compagnie de l’école de gendarmerie de Ty-Vougeret, deux agents de la Région Bretagne, pour les ports et les espaces verts, ainsi qu’une responsable en ressources humaines d’un grand groupe automobile local.
« Ni victimisation, ni revendication »
« L’aspect féministe est absent de cette rencontre, souligne Nathalie Glez. Il n’est pas question de victimiser ou de revendiquer quelque chose. Juste de montrer que c’est possible. »
« Ce sera notre petit moment à nous, se réjouit Ynes. On s’entend très bien entre toutes les filles du lycée. On est peu nombreuses donc c’est mieux qu’on s’entende bien… mais cette solidarité se fait naturellement. »
Bien accueillir les nouvelles
Pas féministes pour un sou, les deux jeunes qui « vivent, tout simplement » sont ravies d’ouvrir la voie à d’autres. Elles aimeraient ainsi proposer une action de sensibilisation aux garçons sur le thème des femmes. « Ils râlent depuis une semaine parce qu’on a une journée rien que pour nous mais ce n’est pas de notre faute si on est des femmes. Heureusement, on aime être tous ensemble, on rigole beaucoup et il y a une bonne entente. »
Aziliz et Ynes veulent également mettre en place un temps, à la rentrée prochaine, pour bien accueillir les nouvelles arrivantes. « Un moment rien que pour les filles pour qu’elles ne se découragent pas durant le premier semestre, qui peut être dur. »
Samedi 11 mars 2023, de 8 h 30 à 12 h 30, opération « portes ouvertes » du lycée des métiers de l’automobile.
Carole TYMEN
URL de l’article: https://lherminerouge.fr/pont-de-buis-29-temoignage-dans-un-lycee-de-lautomobile-etre-une-fille-ici-ca-demande-un-peu-de-caractere-of-fr-8-03-23/