Pour les JO, l’État veut réquisitionner des milliers de logements étudiants. ( Basta – 23/05/23)

Les étudiants logés par le Crous en région parisienne seront mis à la porte à l’été 2024, pour loger le personnel des Jeux olympiques. L’annonce vient d’être envoyée aux locataires. Les syndicats étudiants s’y opposent.

C’est un mail qui inquiète dans les résidences étudiantes. Le 10 mai, une première salve de courriels a été envoyée aux locataires des logements étudiants gérés par le Crous de Versailles, notamment à Antony. « La résidence devra être vide de tout occupant à compter du 1er juillet 2024 »peut-on lire dans un message posté sur Twitter. Le Crous annonce raccourcir de deux mois les baux de logements l’année prochaine, afin de mettre certaines résidences à disposition du personnel des Jeux olympiques de Paris.

Le lendemain, le Crous réagissait sur le même réseau social, affirmant que « moins de 7 % des logements sont concernés », et que des solutions de relogement étaient proposées pour les étudiants souhaitant rester sur la région parisienne durant les mois de juillet et août 2024. D’après un rapport d’information sur le logement et la précarité étudiante déposé à l’Assemblée nationale, les Crous d’Île-de-France disposent d’environ 21 000 places. Selon les chiffres annoncés, 3200 logements seraient réquisitionnés pour les JO. Cela représenterait donc plutôt 15 % des logements en résidence Crous de la région.

Loger les forces de l’ordre

« Ces réquisitions démontrent la déconnexion du gouvernement par rapport à la situation des étudiants, dénonce Éléonore Schmitt, porte-parole de l’Union étudiante. On nous a dit en conseil d’administration que ce serait pour loger les forces de l’ordre, des bénévoles et des agents de sécurité privés. » Contacté par téléphone, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) nous a répondu qu’« il s’agira de loger le personnel prioritaire, des fonctionnaires de l’État, mais en aucun cas des athlètes ou des touristes ».

Au total, 3200 logements seront concernés, soit une dizaine de résidences réparties en Île-de-France, situées à proximité des sites des Jeux ou des lignes de transport. « On trouve ça inacceptable de forcer des étudiants à quitter leur logement en fin d’année. L’argument avancé est que certains quittent leur logement l’été. C’est vrai pour un grand nombre [30 % selon le Cnous], mais certains étudiants restent pour faire des stages ou passer leurs examens de rattrapage. On ne peut pas les forcer à déménager », défend Adrien Liénard, secrétaire général de l’Union nationale des étudiants de France (Unef) et vice-président du conseil d’administration du Crous de Créteil.

« L’été, c’est une période de révision pour les étudiants en médecine, d’autres préparent les concours d’administration », rappelle de son côté Félix Sosso, porte-parole de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage).

D’autres mails ont par la suite été envoyés par les Crous de Créteil et de Paris, comme en témoigne le courrier ci-dessous.

Exemple de mail annonçant la réquisition de certains logements, envoyé aux résidents du Crous de Créteil le 15 mai 2023.
Mail adressé aux résidents de logements CrousExemple de mail annonçant la réquisition de certains logements, envoyé aux résidents du Crous de Créteil le 15 mai 2023.

Pour le responsable de l’Unef Adrien Liénard, « que l’État utilise des logements étudiants de manière exceptionnelle, ce n’est pas un problème, mais ça ne doit pas se faire au détriment des étudiants. Il faudrait prendre des logements vides plutôt que de forcer certains à déménager », propose-t-il. Cette solution « aurait été ingérable », se défend le Cnous, qui préfère réquisitionner des résidences entières. Concernant les conditions de relogement, l’établissement public assure qu’il effectuera un « accompagnement individualisé des étudiants en fonction de leurs besoins ».

Un manque criant de logements étudiants

Le Crous n’est ici qu’un intermédiaire : la demande émane de la Délégation interministérielle aux Jeux olympiques et paralympiques (Dijop). Contactée, cette dernière ne nous a pas répondu, mais s’est notamment adressée à Libération« Soit ils acceptent de quitter leur logement pour l’été, soit ils souhaitent continuer à occuper un logement et seront relogés sans frais de déménagement », a déclaré l’organisme au quotidien national.

Pour certains syndicats étudiants, cette polémique soulève le problème global de l’encadrement des résidences publiques étudiantes. « Il y a un tas de droits des locataires qui ne s’appliquent pas en résidences Crous, qui disposent d’un schéma dérogatoire. Ce qui leur permet notamment de faire des baux d’un an et de les modifier ensuite », regrette Adrien Liénard. 

Pour Félix Sosso, de la Fage, la séquence relève d’un acte manqué. « C’était le moment de lancer un plan de construction de logements étudiants, pointe-t-il. Mais à partir du moment où il y a une réquisition, ce n’est pas du tout pensé comme un plan d’investissement. » À l’Union étudiante, on demande le retrait de la mesure. L’Unef suggère de son côté « que les logements construits pour les athlètes des JO puissent ensuite être donnés aux Crous ».

Selon l’Institut Paris-Région, l’offre de logements pour les étudiants en Île-de-France était de l’ordre de 89 000 places en 2019 (dont les logements du marché locatif privé), pour près de 707 000 étudiants. Il manque donc des dizaines de milliers de logements, mais l’État souhaite réquisitionner ceux qui existent pour accueillir les JO.

Auteur : Maÿlis Dudouet

Photo d’illustration : Dans une résidence du Crous de Lyon en 2021/© Jean de Peña, Collectif à-vif(s).

Source : Pour les JO, l’État veut réquisitionner des milliers de logements étudiants – Basta!

URL de cet article : Pour les JO, l’État veut réquisitionner des milliers de logements étudiants. ( Basta – 23/05/23) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)

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