Par Julien RENON et Olivier CUAU (Le Courrier de l’Ouest-9/09/23)
Le procès de neuf anti-bassines a démarré à 13 h 30 ce vendredi 8 septembre, à Niort. Les débats ont été suspendus à 21 h 45 ce soir. Ils reprendront le mardi 28 novembre à 9 heures.
Ils sont arrivés au pied des marches du tribunal de Niort peu avant 13 h 30, portés par le souffle et les cris de 2 400 personnes dans le dos contraintes de stopper leur marche à l’entrée du périmètre de sécurité mis en place par la préfecture. Fouillés et palpés comme l’ensemble des personnes présentes à leur audience, y compris la vingtaine de journalistes, ils ont pénétré dans la salle correctionnelle pour s’installer sur les neuf sièges disposés sur trois rangées face au président Eric Duraffour, coincés entre leurs avocats d’un côté et les irrigants et leur conseil, Me Sébastien Rey, de l’autre. De la touffeur de la Brèche à l’étuve du palais. Prêts pour un nouveau combat incertain
loin du champ de bataille de Sainte-Soline, du fracas des grenades, des nuages de gaz lacrymogène, des tirs de mortier et de cocktails Molotov.
« Peu importe les jugements que vous rendrez, nous avons gagné »
Attendu depuis la fin du mois de juin et une vague de gardes à vue, le procès de neuf militants anti-bassines dont sept figures de Bassines non merci !
, des Soulèvements de la Terre, de la Confédération paysanne, de la CGT et de Solidaires a, comme prévu, tourné au marathon ce vendredi 8 septembre, les débats étant suspendus vers 21 h 45. Ils repre
Soucieux de ne pas joindre les dossiers, les six avocats de la défense ont été les premiers à s’exprimer pour réclamer la nullité des citations à comparaître, les jugeant inachevées, incompréhensibles, confusantes et très légères intellectuellement. Nous avançons à l’aveugle sans savoir pourquoi nos clients sont là.
Une charge vaine contre le procureur de la République, Julien Wattebled, agacé par le ton de ce début d’audience
.
Choisissant de remonter le fil des événements de manière chronologique, Eric Duraffour a, d’abord, donné la parole à Sébastien, agriculteur bio dans l’Ariège, qui s’est défendu d’avoir participé au démantèlement d’une canalisation le 26 mars 2022, à Vallans, lors d’une manifestation. Celui qui était là pour planter des bulbes
est le seul à avoir accepté de répondre aux questions, ses camarades
faisant de leur passage à la barre une tribune en faveur du vivant
et contre la criminalisation des militants
, réclamant une vraie justice pour l’eau
, appelant au dialogue et au moratoire des projets de bassines
, s’indignant de l’accaparement de la ressource pour quelques-uns
, mettant en regard l’étroitesse des militaires et la répression de l’État pour défendre un cratère vide
face à la solidarité, l’ingéniosité et l’intelligence collective d’un mouvement dépourvu de chef
, invitant le président et ses deux assesseurs à prendre la mesure de l’urgence
.
« Condamnez-vous ces violences ? »
Le débat que vous posez est important
, a reconnu le maître des débats tout en regrettant le silence des prévenus à la suite de la diffusion d’images de la gendarmerie dévoilant la violence de certains individus lors de la première manifestation à Sainte-Soline, le 29 octobre 2022. Condamnez-vous ces violences (celles du 29 octobre et du 25 mars) ? Il y avait un groupe plus violent, équipé. Ne fallait-il pas s’écarter, partir car il y avait un risque que des violences surviennent ? Le fait d’avoir des éléments radicaux n’était-il pas un moyen d’atteindre votre but, d’entrer sur le chantier de la bassine ?
Autant de questions restées sans réponse. Votre mutisme me met en position inconfortable
, a commenté Eric Duraffour.
Ciblé par la partie civile comme par le parquet, Julien Le Guet, porte-parole de Bassines non merci !
depuis près de sept ans, a avoué être fier d’être devant le tribunal. Je le dis en toute humilité. Je ne suis pas là pour fanfaronner mais je suis à ma place, en phase avec mes convictions. Sainte-Soline aujourd’hui, Priaires demain, nous sommes le dernier verrou avant que la privatisation de l’eau ne contamine toute la France
, a déclaré le batelier de 46 ans, fer de lance de la contestation depuis près de sept ans. Peu importe les décisions que vous prendrez à notre encontre, nous avons gagné. Soit vous ferez de nous des hommes libres et des lanceurs d’alerte, soit vous ferez de nous des martyrs d’une guerre de l’eau qui a déjà commencé.
L’émotion de Benoit Jaunet
Il est le dernier prévenu à s’être avancé à la barre. Agriculteur bio à Nueil-les-Aubiers et porte-parole de la Confédération paysanne, Benoit Jaunet a été rattrapé par l’émotion à l’heure de revenir sur les affrontements de Sainte-Soline, du 25 mars dernier. Alors qu’il y avait des personnes grièvement blessées, les secours ne pouvaient pas accéder librement
, a-t-il lâché la gorge nouée. J’ai été identifié par les renseignements territoriaux. On m’a dit que les blessés devaient être remis aux forces de l’ordre pour pouvoir être pris en charge
, s’est-il indigné. J’ai essayé de sauver des vies. Je trouve profondément injuste que l’on utilise ma présence contre moi aujourd’hui. Après la manifestation de mars 2022, des menaces de mort ont été proférées contre moi et ma famille. J’ai reçu des appels anonymes malveillants et intimidants. J’ai déposé plainte et ceux qui en sont à l’origine – dont un n’est autre qu’un représentant de la section Jeunes de la FNSEA – n’ont toujours pas à répondre de leurs actes. Moi, je suis debout face à la justice. J’aimerais qu’il en soit de même pour ces personnes.
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