Quelles sont les causes du mal-être agricole ? Le point de vue d’Olivier Morin, Secrétaire national du Modef (H.fr-28/01/24)

Un revenu décent pour les agriculteurs ne pourra passer que par la fixation de prix planchers rémunérateurs garantis par l’État et non par la loi du marché, revendique le Modef ( mouvement pour la défense des exploitants familiaux ).
© Sameer Al-Doumy / AFP

Les bas salaires et le fait de travailler seul nourrissent un sentiment de solitude et d’impuissance, mais l’attachement au métier demeure.

Par Olivier MORIN, Secrétaire National du MODEF (Mouvement pour la Défense des Exploitants Familiaux)

La traite du soir est finie. Les vaches sont repues et le tank à lait est plein. Le camion du laitier passera dans la nuit le vider dans sa citerne. En s’endormant, le paysan pense à sa journée de travail commencée tôt et terminée tard, à la traite du lendemain matin et, surtout, au prix auquel l’industrie laitière va lui payer son lait. Pas assez pour recouvrer ses coûts de production, pas assez pour rémunérer toutes ses heures de travail, pas assez pour ne pas avoir peur du lendemain.

Nos collègues qui vendent de la viande ont ce même sentiment, corroboré par les chiffres implacables des exercices comptables annuels successifs. Pareil pour les légumes, les œufs, le vin, etc., y compris les céréales, particulièrement ces derniers temps quand ils sont cultivés en agriculture biologique. Même les paysans qui sont en circuit court peinent à vendre leur production aux citoyens, eux aussi pressurisés par des salaires gelés et des pensions de retraite qui n’augmentent pas.

Dans le même temps, on apprend que les industries du lait font gagner des bénéfices record à leurs propriétaires, Emmanuel Besnier, patron de Lactalis, en tête. On écarquille les yeux en découvrant que les prix des tracteurs ont augmenté de 12 % entre 2020 et 2022. Autant de valeur ajoutée produite par le travail patient et rigoureux des paysans et qui est extorquée d’une façon ou d’une autre par l’amont et l’aval de la production agricole. Reste le paysan, qui, au milieu des factures qui semblent ne jamais s’arrêter de croître, des règlements de sa production qui stagne et des investissements obligatoires à réaliser, demeure la seule profession qui ne peut pas répercuter ses coûts de production sur son prix de vente.

Ce malaise paysan, le Modef (Confédération syndicale agricole des exploitants familiaux) ne le connaît que trop bien pour le dénoncer depuis des années. Ce sont en effet les petites et moyennes exploitations agricoles qui disparaissent le plus vite à cause de revenus insuffisants. L’agricultrice et l’agriculteur sont également des citoyens comme les autres, ils subissent aussi l’augmentation du coût de la vie : hausse des tarifs de l’énergie, des produits alimentaires, etc.

Et comme on travaille souvent seuls dans nos exploitations, que les fermes autour de nous disparaissent les unes après les autres et que le syndicalisme paysan recule, le sentiment de solitude et d’impuissance face à une montagne grandissante de soucis peut être parfois funeste.

Mais ce tableau sombre ne doit pas cacher l’attachement qu’ont les exploitants agricoles à leur métier, à leurs bêtes, à leur terre. La volonté de transmettre des savoir-faire et des fermes viables et vivables, et la nécessité d’avoir des paysans nombreux sur les territoires. Au Modef, nous nous réjouissons que nos revendications d’un revenu décent pour les paysans soient reprises dans les mobilisations. Cela ne pourra passer que par la fixation de prix planchers rémunérateurs garantis par l’État et non par la loi du marché.

Source: https://www.humanite.fr/en-debat/agriculteurs/quelles-sont-les-causes-du-mal-etre-agricole

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