Qui est vraiment Stepan Bandera : Un héros romantique ou le Pierre Laval ukrainien ? (Donbass Insider-28/12/22)

Stepan Bandera, voilà un nom que personne ou presque ne connaissait en Occident à l’orée des années 2000. Lorsque les Maïdans de la Révolution Orange (hiver 2004-2005), puis de « la Révolution de la Dignité » (hiver 2013-2014) furent financés et lancés par les Américains, alors ce nom commença à se répandre dans les médias. C’est sur les barricades de Kiev que les médias durent montrer quelques brides du « héros » Bandera. On se garda bien d’expliquer ni l’homme, ni les drapeaux noir et rouge, ni les slogans, ni qui quoi que se soit. Des pseudos spécialistes, en réalité propagandistes comme Galia Akkerman, des professeurs d’universités douteux, comme Cécile Vaissier, des russophobes patentés invités permanents des cocktails de l’ambassade d’Ukraine à Paris, comme Bernard-Henri Levy ou Nathalie Pasternak, voilà ce qui fut présenté à un public français manipulé et désinformé, pour expliquer le Maïdan et à travers lui Bandera. Nous ne parlerons pas non plus des cohortes de journalistes, chiens de garde du système, que nous avons déjà souvent dénoncés, et qui furent déversés sur nos têtes par tombereaux entiers. Fruits gâtés de Sciences-Po, de l’ESJ ou autre usine à gaz de production de gens entraînés à défendre le système par tous les moyens, y compris le mensonge, la diffamation, la manipulation, le révisionnisme historique, la désinformation, la négation, les accusations inversées et la fausse nouvelle, le citoyen français lambda fut littéralement noyé, jusqu’à refuser de vouloir lui-même y comprendre quelque chose. Alors qui était vraiment Stepan Bandera ? Il y a peu le journal Le Figaro faisait entrer en scène un historien… Jean-Claude Panné, homme de gauche qui s’est déshonoré à défendre l’indéfendable (12 août 2022). Alors voici simplement la biographie de Bandera, elle parle toute seule.

Stepan Bandera, fils d’un nationaliste antisémite et progromiste. Bandera naquit en 1909, dans un village de Galicie alors que la région était encore sous le contrôle de l’Empire des Habsbourg. Il fut élevé dans une famille catholique farouchement nationaliste. Son père à la défaite des Empires centraux s’enrôla dans les troupes ukrainiennes nationalistes et devint un député de la Rada de la République populaire d’Ukraine occidentale ZUNR (dirigée par Petrouchevytch). L’affaire tourna mal, aussi son père s’enrôla dans l’Armée ukrainienne de Galicie (UGA), qui se battit contre les Polonais, les Russes blancs, les bolcheviques et les verts de Makhno (1918-1921). Cette armée se livra à d’importants pogroms et massacres de Juifs (déjà… estimés entre 60 et 120 000 victimes). Très jeune, il fut inscrit par ses parents dans l’organisation nationaliste souterraine « des écoliers » ainsi que de l’Association ukrainienne des Scouts « Plast » (refondée dans l’Ukraine d’aujourd’hui, à la manière de la Hitlerjugend). Durant tout son parcours d’étudiant, il passa d’associations nationalistes en associations nationalistes, du GUGM à l’OSKUG qui fusionnèrent pour former l’Union de la Jeunesse Nationaliste ukrainienne (1926). En 1927, alors qu’il souhaitait entrer dans une Académie ukrainienne à Podebrady en Tchécoslovaquie, les autorités polonaises lui refusèrent un passeport. Il dut rester au village et entra finalement à l’École polytechnique de Lvov, étudiant en Agronomie (1928). Il fut membre dès cette époque de l’UVO, l’Organisation militaire ukrainienne, dont il devint vite un cadre dans le renseignement et la propagande (1931). Il intégra l’OUN fondée en 1929, l’Organisation des nationalistes ukrainiens, et continua ses études jusqu’en 1934.

L’ascension d’un chef extrémiste, prêt à tout, jusqu’au terrorisme et l’assassinat. Il devint très vite l’un des principaux chefs nationalistes ukrainiens, mais contrairement à beaucoup, son jeune âge ne lui avait pas permis de participer aux combats de la Guerre civile russe, aux actions terroristes et assassinats menés activement par les premiers nationalistes ukrainiens (milieu et fin années 20). Cependant, il se rattrapa très vite, participant à des commandos (1931-1933) et partit pour l’Allemagne pour apprendre des techniques de renseignements et de propagande (1933). Les nationalistes ukrainiens entrèrent en contact avec les nazis dès avant 1933, qui commencèrent de les financer et de les armer. Stepan Bandera devînt lui-même un agent de l’Abwehr, les services secrets nazis et un agent de la Gestapo (1934). Il prit encore du galon en se rendant à la Conférence de l’OUN, à Berlin (avril 1933), ayant la responsabilité de toute la partie Ouest de l’Ukraine, alors entre les mains des Polonais (les deux Galicie, occidentale et orientale). Il organisa l’assassinat du Consul soviétique à Lvov (juin 1933), qui fut un fiasco, le tueur abattit un simple employé. Il organisa toutefois des actions spectaculaires notamment « l’action de l’école » (septembre), où écoliers et étudiants boycottèrent la langue officielle polonaise et mirent à bas des symboles polonais. Il rationalisa les actions terroristes pour éviter d’instaurer la terreur, préférant des actions ciblées contre des personnalités polonaises, ukrainiennes ou soviétiques. Entre 1933 et 1934, il dirigea les assassinats du ministre de l’Intérieur Bronislaw Pieracki (1895-1934), le ministre des Affaires étrangères Tadeusz Holowko (1889-1931) et plusieurs dizaines d’autres personnalités. La police polonaise réagit, il fut arrêté alors qu’il tentait de s’enfuir en Tchécoslovaquie, et les policiers mirent la main sur les archives de l’OUN, environ 2 000 documents qui révélèrent l’ampleur de l’organisation et de ses activités clandestines. Il fut jugé à Varsovie (18 novembre 1935), avec 11 complices et se montra extrêmement arrogant, refusant de parler une autre langue que l’ukrainien et criant régulièrement « Gloire à l’Ukraine ! », le fameux Slava Oukraïni, le « Heil Hitler » ukrainien qui est désormais une véritable institution en Ukraine. Après un long procès, il fut condamné à mort (13 janvier 1936), et dans un autre procès des chefs de l’OUN (mai). Mais sa peine fut commuée en prison. Il fit alors une grève de la faim de 16 jours pour protester contre les conditions d’emprisonnement et les chicanes de l’administration pénitentiaire. L’OUN pensa tenter de le faire évader (1937), et monta une opération qui ne fut pas mise à exécution. Une autre fut montée par Roman Choukhevytch (juin 1938), et abandonnée à son tour.

Le collaborateur nazi turbulent et changeant d’Adolf Hitler. L’invasion de la Pologne par l’Allemagne vint changer la donne. Il fut libéré et recentra l’action de l’OUN dans l’Ouest de l’Ukraine désormais occupée par les Soviétiques. Il préféra s’enfuir à Cracovie dans le Gouvernement général allemand de la Pologne pour échapper au NKVD et réorganiser l’OUN (octobre 1939). Il entra en conflit avec le chef de l’OUN, Andry Melnyk plus modéré et qui était contre une collaboration avec l’Allemagne nazie et pour un rapprochement avec les alliés français et britanniques. Bandera misant pour Hitler, cela entraîna la scission de l’OUN en l’OUN M et l’OUN B (février 1940). Dès lors, il s’engagea corps et âme pour la collaboration avec l’Allemagne hitlérienne et prépara l’invasion de l’Union soviétique, en conseillant aux Allemands d’accorder l’indépendance à l’Ukraine. De fait, il fonda la Légion ukrainienne constituée des bataillons Nachtigall et Roland, qui furent engagés à l’arrière des troupes allemandes et de l’Axe dans les opérations de chasse aux Juifs et aux communistes. Le 22 juin 1941, alors que le plan Barbarossa était lancé, l’indépendance de l’Ukraine fut proclamée par Jaroslav Stetsko (1912-1986, mort à Munich, par la suite agent de la CIA et des services secrets de l’Allemagne de l’Ouest). Les Allemands qui n’avaient pas l’intention de fonder un état ukrainien arrêtèrent Bandera et d’autres chefs, mais utilisèrent les nationalistes ukrainiens dans les massacres de la Shoah par balles et dans la chasse aux partisans (massacres de Lvov et de Ternopil, massacre de Babi Yar, intégration dans les Einsatzgruppen, pogroms en Ukraine). Bandera fut alors enfermé dans un camp de concentration. Après avoir longuement tergiversé, il lança un appel (mars 1943) à toutes les troupes supplétives ukrainiennes, ordonnant de déserter les rangs des troupes nazies pour former une armée nationale clandestine ukrainienne. Il avait attendu la fin de la bataille de Stalingrad pour tenter de jouer un rapprochement de dernière minute à l’italienne avec les alliés… qui fut refusé par ces derniers. Quelques milliers de nationalistes désertèrent avec Choukhevytch et d’autres nationalistes. Ils fondèrent l’UPA, une armée nationaliste organisée pour lutter contre les Soviétiques et les Polonais.

Avec Bandera jusqu’au fond de l’horreur des massacres de Volhynie à l’agent du MI-6 et de la CIA. Les partisans ukrainiens pratiquèrent la politique de la terreur et massacrèrent plusieurs dizaines de milliers de Polonais, Tziganes et autres, en Volhynie et Galicie (1943-1944). L’UPA lutta alors essentiellement contre les Soviétiques, mais à partir de mars 1944 également contre les Allemands. Devant la débâcle des armées allemandes, Bandera préféra vite donner l’ordre ; devant le danger d’une victoire soviétique ; d’abandonner la lutte contre les Allemands et de concentrer la lutte de l’UPA contre l’Armée rouge (mai 1944). La lutte… n’aura alors officiellement durée que deux mois contre le meilleur allié de Bandera, Adolf Hitler. Il fut d’ailleurs bientôt libéré sur son ordre (septembre 1944), pour tenter d’organiser l’UPA et participer à la lutte contre l’URSS. En effet l’Armée rouge progressait inexorablement vers l’Ouest. Équipés et armés par les Allemands, environ 250 000 Ukrainiens furent organisés en unités régulières ou en maquis, et luttèrent avec acharnement contre les Soviétiques. Mais la défaite était désormais certaine, aussi Bandera n’attendit pas la fin de la guerre, il prit la fuite à Berlin (décembre 1944), d’où il dirigea presque jusqu’à la fin les opérations de l’UPA. Il n’attendit pas l’Armée rouge, et prit de nouveau la fuite, s’éclipsant en Autriche, puis de nouveau en Allemagne, et enfin en Suisse, tentant d’échapper aux agents de Staline. Il passa alors immédiatement au service des services secrets britanniques (1946). Les Américains furent plus réticents à son égard, mais utilisèrent l’UPA dans la Guerre froide pour lutter contre les Soviétiques et tenter de les déstabiliser en Ukraine. La guérilla ukrainienne fut active jusqu’à l’orée des années 60, mais progressivement anéantie par les Soviétiques. En 1954, le dernier grand maquis fut détruit, et en 1960, la dernière cellule de nationalistes ukrainiens fut éliminée. Les survivants qui n’avaient pas émigré furent poursuivis sans relâche, mais beaucoup survécurent, passèrent entre les mailles du filet, ou revinrent de déportation avec l’arrivée de la déstalinisation (1956-1959). Quant à Bandera, il s’installa à Munich sous la protection des alliés, alors que les Soviétiques cherchaient à l’éliminer. Plusieurs tentatives furent déjouées en 1947, 1948 et 1952. Il fut finalement assassiné dans sa maison, le 15 octobre 1959, par un agent du KGB, Bogdan Stachinsky (1931-?) armé d’un pistolet-seringue au cyanure. Ses obsèques donnèrent lieues à un grand rassemblement de personnalités anticommunistes des pays de l’Europe de l’Est, de l’Europe Centrale et de nations dans le giron de l’Union soviétique.

Bandera, du fond de la mémoire de néonazis ukrainiens, jusqu’au super-héros ukrainien… en passe d’être réhabilité en Occident. Après sa mort, il devînt « un symbole immortel » pour les nationalistes ukrainiens ultras ou néonazis des mouvements nés après l’écroulement de l’Union soviétique (1989–1992). Les partis néonazis comme Svoboda ou Pravy Sektor ont réécrit l’histoire de Bandera en le présentant comme un simple leader indépendantiste lavé de sa collaboration avec Hitler ou des massacres de Juifs et de Polonais. Le mouvement Euromaïdan a été l’occasion de pousser un peu plus loin cette logique en affichant les portraits de Bandera et Choukhevytch dans toutes les manifestations avec les drapeaux noirs et rouges de l’UPA et les symboles nationalistes ou nazis utilisés dans le passé (trident ukrainien, wolfsangel nazi). Le président Viktor Iouchtchenko lui décerna titre posthume la plus haute distinction de l’Ukraine, le titre de « Héros de l’Ukraine ». Cet acte, décerné le 17 février 2010 fut l’objet d’un scandale international sévèrement jugé par de nombreuses personnalités politiques en Russie, en Pologne, en Israël, au Centre Simon Wiesenthal qui déposa une protestation à l’ambassade d’Ukraine aux États-Unis. Seuls les mouvements ultras nationalistes « bandéristes » applaudirent en Ukraine et furent rendus furieux lorsque le Tribunal de l’Oblast de Donetsk déclara illégal ce décret du président ukrainien (2 avril 2010). Cette opposition entraîna de la part du Président Iouchtchenko une procédure en appel, qui confirma la déchéance du titre d’Héros de l’Ukraine pour Stepan Bandera (23 juin 2010), confirmée par la Cour suprême d’Ukraine (2 août 2011). Ceci n’empêcha les nationalistes ultras et néofascistes ukrainiens de construire une multitude de monuments commémoratifs en l’honneur de Bandéra. Notamment dans sa ville natale (1991), monument qui fut détruit par des opposants antifascistes, puis restauré (1992). Ce fut bientôt une vrai forêt de monuments qui s’élevèrent dans de nombreux autres villages et villes, à Strary-Ougrinov (1990), à Kolomye (1991), à Stry et Kozovka (1992), à Borislav (1997), à Drogobitch (2001), à Doublianakh (2002), à Verbov (2003), à Zalechikakh (2006), à Lvov, Ouzin, Boutchatch et Nikitintsy (2007), à Gorodenk, Starom-Sambor et Grabovka (2008), à Stredni-Berezov, Stroussov et Terbovlia (2009), à Trouskavets et Kremenets (2010), à Sambor (2011), la liste se poursuivant jusqu’à nos jours et sans compter plusieurs rues, à Koloma, à Ivano-Frankovsk, Lvov et Ternopil. Dans une émission de télé participative sur les grands hommes de l’Ukraine, Stepan Bandera prit la troisième place du classement avec 16,12 % des voix. Devenu une icône du nationaliste ultra de l’Ukraine, il monta encore en popularité à partir de l’Euromaïdan et de la révolution brune de l’hiver 2013-2014.

C’est avec son portrait et en criant son nom que les enrôlés des bataillons néofascistes Azov, Aidar, Dniepr-1 et 2, Marioupol, Donbass et bien d’autres sont montés à l’assaut du Donbass. Depuis cette date, Stepan Bandera, après des chefs d’États comme Mussolini, Franco ou Adolf Hitler est devenu un symbole européen du fascisme en Europe, longtemps dissimulé et caché par les médias occidentaux. Toutefois les partisans de Stepan Bandera ayant été le fer de lance de l’Euromaïdan, de l’armée ukrainienne, et des mercenaires internationaux néonazis dans le Donbass, aux cris de « Gloire à l’Ukraine, mort aux ennemis, mort aux Moskals (Russes), mort aux youpins ! », le cri de guerre s’est progressivement réduit, à un « Gloire à l’Ukraine, Gloire aux Héros », et les médias occidentaux sont déjà au travail pour nous refaire un portrait respectable de Stepan Bandera. L’opération spéciale russe aura même activé la marche forcée (24 février 2022), les médias occidentaux et des centaines de politiciens européens tentant dès lors de nettoyer l’histoire de Bandera, voire de l’aduler, ou de le présenter comme un héros noble et pur. Seules quelques voix se sont élevées en France comme celle d’Arnaud, le fils des chasseurs de nazis, Serge et Beate Klarsfeld, Pendant ce temps-là, des membres du parti d’Emmanuel Macron et de diverses autres formations politiques françaises, se sont affichés sur leurs réseaux sociaux avec des slogans bandéristes, y compris des députés, députés européens, sénateurs, maires, conseillers régionaux… Demain si Vladimir Poutine faisait un discours condamnant Pierre Laval… peut-être seront-ils capables de nous sortir un « historien » pour nous vendre l’homme pur que fut Pierre-Stepan Bandera-Laval ? Et d’ailleurs, au point où nous en sommes, à quand la Légion d’Honneur à titre posthume pour Stepan Bandera ?

Laurent Brayard (Donbass Insider)

source: https://www.donbass-insider.com/fr/2022/12/28/qui-est-vraiment-stepan-bandera-un-heros-romantique-ou-le-pierre-laval-ukrainien/

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