RÉCIT. À Rennes, comment ces parents s’évertuent à sortir les camarades de leurs enfants de la rue. ( OF.fr – 18/05/23)

Séverine, Sophie, Camille et Sonia, quatre membres actives du collectif Élèves protégés Rennes (CEPR), qui regroupe quelque 130 parents mobilisés : « L’idée n’était pas de faire la révolution. On ne s’est pas positionnés comme ça. Mais nous ne pouvions pas rester sans rien faire. »
Séverine, Sophie, Camille et Sonia, quatre membres actives du collectif Élèves protégés Rennes (CEPR), qui regroupe quelque 130 parents mobilisés : « L’idée n’était pas de faire la révolution. On ne s’est pas positionnés comme ça. Mais nous ne pouvions pas rester sans rien faire. » | OUEST-FRANCE

Un groupe de parents d’élèves s’active depuis des mois, pour que les enfants de réfugiés ne passent pas la nuit sous des tentes, à Rennes. Baptisé Collectif élèves protégés Rennes (CEPR), il est devenu un acteur de premier plan, dont la portée politique des actions fait évoluer un peu la situation.

D’abord, ils n’avaient rien su. Pendant cinq ans, l’enfant scolarisé à l’école publique Sonia-Delaunay, dans le quartier Beauregard, à Rennes (Ille-et-Vilaine), dormait à la rue, le soir après l’école. D’abord, ils n’avaient rien vu. Le garçon travaillait bien et se montrait souriant. C’est quand sa famille a été expulsée, alors qu’elle s’était installée avec d’autres dans un squat, que les parents des camarades de l’écolier ont appris la situation dans laquelle le petit vivait. Lui et ses parents, d’origine albanaise, étaient à la rue.

C’est de ces situations individuelles qu’est né, en octobre 2022, le collectif Élèves protégés Rennes (CEPR), après l’évacuation de deux campements par la police, sur ordre de la Préfecture d’Ille-et-Vilaine. Lorsqu’ils entament leur mobilisation, au début de l’année scolaire, les parents d’élèves rennais ne savent pas qu’ils seront là encore, huit mois plus tard.

Ils ont aidé plusieurs familles, en leur cherchant un hébergement, pour leur éviter de passer la nuit « dans un campement de fortune ». Ils se sont relayés, pour leur trouver quelques vêtements et leur fournir un peu d’aide, dans leurs démarches administratives, sociales et sanitaires.

En dehors de tout parti ou syndicat

Sophie est médecin. Camille est paysagiste conceptrice. Sonia, calligraphe et enseignante en école d’art. Séverine, professeure des écoles… Les femmes sont majoritaires, au sein du CEPR. Avec les quelques pères investis, le groupe grimpe tout de même à 130 parents mobilisés.

« Nous avons découvert notre force petit à petit. On arrive à trouver ensemble des solutions, condense Sophie. Expériences, savoir-faire et réseaux… » Ces parents d’élèves « mutualisent leur force » et imaginent des actions ciblées et des événements médiatiques, pour faire bouger élus et opinion publique.

Ils occupent des écoles, déploient des banderoles, collent des dizaines de clichés dans les rues de la ville, pour dénoncer l’extrême précarité dans laquelle vivent ces enfants et exiger des réponses « pour un hébergement durable » : face aux arrivées de migrants, nombreuses dans la capitale bretonne, les responsables politiques ne parviennent pas à leur « garantir un accueil digne ».

En novembre 2022, sur les murs de la ville de Rennes, le street artiste Father Fucker 35 et le collectif des parents d’élèves (CEPR) ont collé des affiches dénonçant la situation des enfants à la rue. | OUEST-FRANCE

L’évolution de leur mobilisation

Sonia retrace : « L’idée n’était pas de faire la révolution. On ne s’est pas positionnés comme ça. Mais nous ne pouvions pas rester sans rien faire. » Séverine abonde :  « Au début, c’était : un camarade de mon enfant dort dehors et nous devons agirNous étions avant tout des parents. Mais nous étions aussi de potentiels électeurs rennais… »

Leur engagement, en dehors de tout parti ou syndicat, acquiert très vite une portée politique. « Nos actions se sont multipliées. Le collectif a pris de l’ampleur et les élus ont commencé à considérer notre mobilisation », retrace Sophie.

Le CEPR s’active aux côtés d’autres associations installées depuis des années dans le paysage breton : Utud (Un toit c’est un droit Rennes), Utopia 56, Collectif M. Vincent, Secours populaire… (1) Les parents d’élèves discutent avec les adjoints rennais Gaëlle Rougier (Éducation) et David Travers (Solidarité).

Ils sont reçus par le secrétaire du préfet. « On s’était dit : on s’occupe seulement de l’hébergement, rappelle Séverine. Mais bien sûr, nous ne pouvions pas ne pas nous intéresser à leur situation administrative… »

Les réfugiés sont originaires d’Albanie, de Géorgie, du Congo, de Mongolie… Pour la plupart des familles, la demande d’asile est déboutée : les parents sont considérés comme étrangers résidant en France sans titre de séjour.

« La force du collectif permet de tenir »

Après la mise à l’abri dans les écoles et chez des personnes qui s’étaient organisées pour se relayer, quelques-uns de ces parents migrants sont logés temporairement avec leurs enfants dans des chambres d’hôtel, dans le territoire de Rennes métropole.

Cinq familles vivent dans des maisons inoccupées, prêtées pour un temps limité par un promoteur immobilier, dans le cadre de deux commodats : les logements sont gérés conjointement par une association de défense du droit au logement et des parents d’élèves. « C’est une solution palliative. Ils y vivent dans une cohabitation et une proximité subies, nuance Sophie. Mais c’est mieux que rien. Toutes ces situations auront malgré tout un impact sur les enfants, qui sont angoissés et développent des troubles du comportement. »

La médecin observe des carences et des problèmes sérieux de santé, en même temps qu’une vraie difficulté à suivre des soins. « La précarité sociale rend les gens malades et ôte tout sens aux soins qu’on peut leur prodiguer, souffle-t-elle. Parce qu’ils ne peuvent suivre le traitement qu’on leur donne… »

Le collectif Élèves Protégés Rennes (CEPR) est en résidence dans un local rennais où des activités permettent aux enfants de s’exprimer. | OUEST-FRANCE

Déterminés à continuer d’agir

Le CEPR a huit mois… Et maintenant ? La trêve hivernale étant terminée, il va falloir recommencer.

Les associations ont déjà alerté sur la fin de l’hébergement temporaire de près de 200 enfants (2), dans des hôtels ou des centres d’hébergement d’urgence, en Ille-et-Vilaine. De nouvelles situations d’enfants précaires sont désormais connues, dans plusieurs écoles maternelles et primaires de Rennes.

Pas d’abattement. Le groupe est déterminé à continuer à agir. Il a puisé dans le collectif « une force qui permet de tenir », analyse Camille. Ensemble, les parents d’élèves veulent garder leur engagement : faire ce qu’ils peuvent pour que les enfants de réfugiés, camarades de leurs enfants, n’errent plus en bordure de l’école.

(1) Une quinzaine d’associations sont membres du réseau Territoires accueillants 35, qui « œuvre pour un meilleur accueil des migrants » en Ille-et-Vilaine.

(2) Chiffre communiqué en mars 2023 par plusieurs associations et acteurs de la solidarité, en mars 2023.

Leur mobilisation en quelques dates

8 octobre 2022 : premières occupations d’écoles « pour mettre des familles à l’abri » (Ille, Trégain, La Poterie)

16 novembre : En partenariat avec l’artiste Father Fucker, opération collage dans les rues de Rennes « pour alerter sur la situation des enfants scolarisés et à la rue »

3 décembre : premier commodat (deux familles hébergées)

4 février 2023 : deuxième commodat (trois familles hébergées)

29 mars :  sit-in dans de nombreuses écoles « pour dénoncer le futur retour à la rue des familles  »

Auteur : Angélique CLÉRET.

Source : RÉCIT. À Rennes, comment ces parents s’évertuent à sortir les camarades de leurs enfants de la rue (ouest-france.fr)

URL de cet article : RÉCIT. À Rennes, comment ces parents s’évertuent à sortir les camarades de leurs enfants de la rue. ( OF.fr – 18/05/23) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)

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