Recrutement difficile, salaires peu élevés : pas toujours Noël dans les crèches du pays de Brest. ( LT.fr – 24/10/22 – 06h00 )

À la crèche « Graines de soleil », Juliette Magoariec et Lucie Abgrall, auxiliaires de puériculture savent leur métier difficile et en tension. Mais selon elles, l’accueil des tout-petits le matin vau
À la crèche « Graines de soleil », Juliette Magoariec et Lucie Abgrall, auxiliaires de puériculture savent leur métier difficile et en tension. Mais selon elles, l’accueil des tout-petits le matin vaut (presque) tous les trésors du monde. (Photo Le Télégramme/Steven Le Roy)

À « En Jeux d’Enfance », société coopérative d’intérêt collectif, la pénurie de personnel, principalement des auxiliaires de puériculture, menace aussi. Pour cette supernova qui gère douze crèches dans le nord Finistère, le manque se devine en toile de fond, alors que dans les crèches, la lassitude et l’amour du métier se partagent les sentiments.

Tout n’est pas question d’argent, mais tout de même. « Nous payons les auxiliaires de puériculture entre 1 200 et 1 300 € net par mois, à savoir un smic amélioré. Ce n’est pas beaucoup », admet d’emblée Florence Besnard, directrice adjointe chez « En Jeux d’Enfance », « mais nous dépendons d’une convention collective où il serait utile de revaloriser le point. Or cette convention avance au gré des financements de l’État ». La petite enfance, comme tant de services à la personne, est donc aussi à la peine en ces temps troublés.

Des demandes plus rares

« À la suite de la pandémie, nous avons reçu des démissions, des demandes de rupture conventionnelle. Parallèlement, nous avons enregistré une progression très importante du taux d’absentéisme », poursuit la même Florence Besnard, rejointe dans son propos par Fanny Fondeviolle, directrice de la crèche Éric-Tabarly à Plouzané. « Ce n’est pas encore la pénurie de candidature, mais il faut admettre que les demandes se font bien plus rares ».

La crèche, parent pauvre

À la crèche « Graines de Soleil », à Brest, Juliette Magoariec et Lucie Abgrall sont auxiliaires de puériculture. Leur quotidien est enrichissant mais dur, ne cachent-elles pas longtemps. Ce qui les gêne d’abord, c’est le regard du grand public sur ces métiers, « cette absence de reconnaissance parce que personne ne sait ce que l’on fait. En France, l’école est valorisée et la crèche jamais. Ici, on confond trop souvent maternage et pédagogie ».

Un âge fondamental

Florence Besnard vitupère. « Toutes les études de neurosciences affirment sans contestation que le développement avant trois ans est fondamental pour la construction de l’adulte ». Deux façons de dire l’importance d’un métier où la pédagogie n’est jamais loin de la table à langer. « C’est peut-être ce qui explique la relative désaffection, corrige en marge Fanny Fondeviolle. Depuis la covid, nous avons eu l’impression de devoir nous adapter à la flopée de protocoles plutôt que d’imaginer des activités pour le développement de l’enfant ».

Un quotidien pas si simple

Le salaire, donc, « moins élevé qu’à l’hôpital », ajuste Juliette Magoariec. L’image donc, aussi. Et pour couronner le tout, une pénibilité des tâches, que personne ne conteste au sein d’En Jeux d’Enfance, noircit un peu plus le tableau général. « Fatiguant », comme le qualifie Florence Besnard, le métier procure « une véritable lassitude psychique due au bruit, principalement », explique Lucie Abgrall. Ceci sans compter l’attention que chaque pro doit porter à ses gestes, du port de l’enfant à l’agenouillement nécessaire pour se mettre à niveau lors des repas, par exemple. Alors comment faire ? Si pour les deux auxiliaires, le début de la récompense se situe « aux sourires des enfants le matin, aux câlins spontanés, aux repères que nous lui donnons », à la direction d’En Jeux d’Enfance, on revendique deux avancées importantes.

Améliorer l’attractivité

« Nous faisons ce que nous pouvons pour rendre le métier attractif et fidéliser les 200 professionnels qui composent les équipes », pose Florence Besnard. Attirer en mettant en avant un volume horaire tiré au cordeau et des congés payés grassouillets, en guettant des brèches dans la convention collective pour revaloriser les salaires et en assurant « une qualité du projet. Chaque crèche est aidée par l’équipe du siège et nous gérons aussi un organisme de formation qui permet de le faire, justement ».

Fidéliser les employées

Pour la fidélisation, la tâche semble plus ardue. « Quatre démissions l’an passé », soupire Lucie Abgrall, dont l’une « parce que la personne travaillait à trois quarts d’heure de route. Les allers-retours, la fatigue, le prix de l’essence, elle perdait presque de l’argent ». Ces démissions et ces absences provoquent en ricochet des séismes dans les équipes. Car si la convention fixe les salaires, elle oblige aussi à des quotas qui, pour faire simple et à peu près juste, imposent une personne pour six enfants.

Une organisation au cordeau

Et en flux tendu, chaque absence de pro nécessite un bouleversement du planning, modifie les horaires, crée des tensions. « Je voudrais vous y voir avec deux bébés qui mangent dans les bras et un que l’on berce au pied », rigole Lucie Abgrall. « Quand tout le monde est là, ça marche bien, appuie Fanny Fondeviolle. Mais il faut souvent répondre à l’urgence et au retentissement sur les équipes ». La direction ne joue pas à l’autruche. « Nous travaillons chaque jour sur les conditions de travail », assure Florence Besnard, pour réduire au maximum les vacances de postes. Contrats de professionnalisation, apprentissages convertis en contrats de travail, création d’un « pool » de remplacement pour sauter sur les urgences, l’attirail est complet. « Mais là où nous avions dix demandes pour un poste, nous nous retrouvons avec deux. Au mieux ». Et si la petite enfance était en danger ?

Auteur : Steven Le Roy

Source : Recrutement difficile, salaires peu élevés : pas toujours Noël dans les crèches du pays de Brest – Brest – Le Télégramme (letelegramme.fr)

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