Réforme de la police : ancien flic à Brest, Maurice Joly craint la mort de la PJ. ( LT.fr – 15/08/22 – 07h30 )

Maurice Joly, 72 ans, qui a passé toute sa carrière à la PJ de Brest, aimerait que l’on ne touche pas aux prérogatives de ces flics rompus à la résolution des enquêtes les plus difficiles.
Maurice Joly, 72 ans, qui a passé toute sa carrière à la PJ de Brest, aimerait que l’on ne touche pas aux prérogatives de ces flics rompus à la résolution des enquêtes les plus difficiles.

La réforme de la police à venir inquiète au plus haut point les fins limiers de la police judiciaire. Ce projet attriste aussi Maurice Joly, ancien flic à la retraite qui a passé toute sa carrière dans l’antenne brestoise de la PJ.

Il a conservé précieusement l’écusson de la police judiciaire, cette institution d’élite des flics auquel il a appartenu pendant trente et un ans. De 1974 à 2005, à l’antenne de la PJ de Brest, Maurice Joly a fait partie des « seigneurs de la police ». Dotés de gros moyens, libres de leur mouvement, ces policiers très spécialisés sont rompus aux enquêtes les plus difficiles et familiers des subtilités de la procédure pénale.

La solidarité fait partie de l’esprit PJ.

« Quand je suis arrivé en 1974, l’antenne brestoise était au stade embryonnaire avec un an d’existence. Elle avait été créée pour réduire les frais de déplacement, et pour lutter contre les attentats du Front de libération de la Bretagne (FLB). Ils étaient quatre à la section criminelle et deux à la section économique et financière. Avec un autre collègue, je suis venu renforcer la financière », se souvient Maurice Joly.

Une grande liberté d’action

Pendant trois décennies, les enquêtes au long cours pour traquer la délinquance en col blanc ont été son pain quotidien. L’ancien fonctionnaire qui a bouclé la boucle comme commandant fonctionnel n’a jamais rechigné à donner le coup de main aux collègues de la Crim’. « La solidarité fait partie de l’esprit PJ. C’est l’événement qui commande. Sur une affaire importante, on lâche nos dossiers en cours et on prête main-forte aux collègues. Il y a un mot banni dans notre vocabulaire : récupération. Il m’est arrivé de travailler douze jours d’affilée ».

Cette quête résolue de la preuve l’a conduit à exercer sa compétence partout en France et même à l’étranger, souvent dans les places fortes de la criminalité financière, du Grand-Duché du Luxembourg à la principauté de Monaco. « Même dans le cadre d’une enquête préliminaire, on pouvait aller dans les cinq départements de la Bretagne historique sans en référer à qui ce soit ». Une liberté d’action qu’il n’aurait échangée pour rien au monde.

« Je n’ai jamais rendu compte à un préfet »

S’il s’épanche ainsi, c’est parce que Maurice Joly craint que la réforme à venir ne signe la fin de cette autonomie. Elle prévoit de placer sous un commandement unique, dans chaque département, tous les effectifs de la police. Exit donc les directions régionale, zonale et centrale dédiées. « Mais quelles seront les compétences des fonctionnaires ? Un trafiquant de stups ne s’arrête pas à la frontière administrative, il va chercher sa came ailleurs », rappelle le retraité.

“On rendait compte à notre hiérarchie, et aux magistrats, que l’on avait en ligne directe, dans une vraie relation de confiance.”

Maurice Joly a encore d’anciens collègues dans la place, actuellement en plein flou. Alors que la réforme doit entrer en vigueur au premier trimestre 2023, ils redoutent d’être détournés de leur travail d’enquête, et mobilisables par d’autres services. « Mais sans preuve, on ne lutte pas contre les phénomènes criminels », peste le retraité qui pointe aussi le risque d’ingérence des préfets sur des affaires sensibles. « Pendant toute ma carrière, je n’ai jamais rendu compte à un préfet. On rendait compte à notre hiérarchie, et aux magistrats, que l’on avait en ligne directe, dans une vraie relation de confiance ».

Bertrand Daillie, procureur de Morlaix de 2000 à 2005, confirme. « Entre Maurice et moi, il n’y avait pas une feuille de papier à cigarette. Je savais quand je devais le saisir lui, et pas un autre. Le danger de cette réforme, c’est que le directeur départemental dise demain qui doit traiter telle affaire, et qu’on ne demande même plus son avis au procureur ». Maurice Joly soupire, en sortant son écusson pour la photo. « J’espère que ce ne sera pas un collector ».

Source : Réforme de la police : ancien flic à Brest, Maurice Joly craint la mort de la PJ – Brest – Le Télégramme (letelegramme.fr)

Auteur : Jean-Luc Padellec

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