Réforme des retraites : à Nantes, le mouvement s’installe dans la durée et s’incruste (OF.fr-7/02/23)

Réforme des retraites : à Nantes, le mouvement s’installe dans la durée et s’incruste

Troisième manif contre la réforme des retraites, ce mardi 7 février, à Nantes (Loire-Atlantique). Moins de monde dans les rues, mais une motivation intacte. La mobilisation commence à s’inscrire dans le temps.

Au moins 23 000 personnes. Il y avait moins de monde à manifester, ce mardi 7 février, entre le château et les Nefs, contre l’allongement de l’âge de la retraite. De là à dire que le mouvement s’essouffle… Au contraire, il s’installe dans la durée. Dès ce samedi 11 février, une nouvelle manifestation s’annonce à Nantes. Le rendez-vous est fixé à 14 h, au miroir d’eau.

Ce mardi matin, à la gare, assemblée générale pour les cheminots. La question de la grève reconductible s’est posée. Tout de suite ? Sans doute non. « La mobilisation devrait s’inscrire dans la durée », estime Nicolas Bazille, militant CGT, salarié à la SNCF. « L’examen au Parlement, Assemblée nationale et Sénat, est prévu sur cinquante jours, cela nous amène au 26 mars » , a calculé Éric Thouzeau, de la Gauche démocratique et sociale.

Manifestation dans le centre ville de Nantes contre la réforme de la retraite.

Tenir dans le temps, Raphaël l’a prévu. « J’ai provisionné un demi-mois de salaire pour pouvoir faire grève. » Mais il ne défilera vraisemblablement pas samedi. « Pour moi, la mobilisation doit être reliée à la grève. » Le salarié de la Carsat admet toutefois que, pour certains, manifester le samedi a du sens. « Pour les familles, c’est une opportunité de dire son désaccord » , ajoute Marion, salariée à Nantes métropole.

« J’ai de l’espoir pour la suite »

Daniel et Chantal, retraités, reviendront, eux, battre le pavé dès samedi. « Pour notre fille, pour la jeune génération en général. Nous, on est déjà à la retraite. » La pension de Chantal n’est pas mirobolante : sa carrière était un peu décousue. « J’ai commencé comme vendeuse et j’ai terminé dans une bibliothèque universitaire. » Daniel a pris sa retraite à 56 ans, via un accord d’entreprise. L’ancien d’Arcelor Mittal ne se fait pas d’illusion. « Il faudra durcir le mouvement. On n’a pas le choix, si on veut gagner. »

« Les gens sont-ils résignés ou prêts à combattre ? » demande Soazig, 51 ans.

Les grèves à répétition font mal au salaire. « Mais je préfère avoir une fin de mois difficile que de ne pas avoir lutté contre cette réforme injuste. J’y crois, j’ai de l’espoir pour la suite » , dit Margot, 26 ans, animatrice périscolaire. « Quitte à sacrifier un peu de confort, il faudrait que le tout le monde se réveille » , rebondit Soazig, 51 ans, trois manifs retraites au compteur. « Les gens sont-ils résignés ou prêts à combattre ? Il faut y aller et tenir dans la durée » , exhorte la professeure des écoles.

Gabriel, 27 ans, orthophoniste, estime que la rue « c’est plus efficace que les débats. C’est le moyen le plus concret, le plus incarné. Il faut réussir et l’exprimer démocratiquement. Autour de moi, personne ne veut de cette réforme ».

La rue, elles y croient aussi. Marie et Hélène, conseillères au planning familial de Nantes, battent le pavé pour défendre les droits des femmes et des minorités de genre. « On continuera de défiler autant qu’il le faudra. »

« La solidarité fera la différence »

Les étudiants envisagent de bloquer l’université de Nantes.

Durcir le mouvement ? Thomas et Constance, 21 et 18 ans, étudiants en géographie sont pour. Le premier « ne comprend pas pourquoi un blocus n’est pas déjà en cours à Nantes, comme à Rennes, Paris 1, et ailleurs ». Une assemblée générale est prévue mercredi 8 janvier, au soir, à la faculté de lettres.

Blocus ou pas, Pierre, 28 ans, étudiant en philosophie, compte sur la ténacité des citoyens. « Les gens sont intelligents. Plus ils sont nombreux, plus leur « non » compte. Le gouvernement le sait bien. » Un point de vue partagé par Pascal, tailleur de pierre, et ses collègues Antonio et Nicolas. « La solidarité et la conviction feront la différence. D’ailleurs, notre patron a défilé aujourd’hui. »

« Les blocages, c’est mal perçu »

Elle aussi, elle veut qu’on se serre les coudes. Ombeline, 22 ans, étudiante en histoire se bat « d’abord » pour ses parents, issus d’un milieu précaire. « Mon père, employé de commerce, ne pourra pas tenir aussi longtemps que l’exige la réforme. »

Multiplier les blocages pour faire plier l’État ? Fabrice est circonspect. « Le gouvernement ne recherche-t-il pas ça pour discréditer le mouvement ? » À ses côtés, Patricia opine : « Selon les sondages, plus de 70 % de la population est contre la réforme. Si l’État n’en tient pas compte, cela va créer crispation et radicalisation. Et un jour ou l’autre, la frustration se traduira brutalement dans la rue. »

Pour Éric, cadre chez Airbus, « les blocages, c’est mal perçu par l’opinion ». Lui qui n’avait encore jamais fait grève préfère s’en tenir aux défilés traditionnels.

Une manif plus tendue que les deux premières

Des jets de projectile et des tirs de lacrymogène ont émaillé la fin de manif.

Durcir le mouvement peut nourrir les tensions et inviter les plus radicaux, ceux qui rêvent de révolution, à attiser les braises. Ce mardi, déjà, la manif, bien que maîtrisée, a été moins calme que les deux premières. Jets de bouteilles et de projectiles d’un côté, tirs de lacrymogène de l’autre. Blessée au front, une femme enceinte a dû être conduite au CHU. Six personnes ont été interpellées par la police. En soutien, une quinzaine de personnes se sont rassemblées devant le commissariat.

Philippe GAMBERT et Isabelle MOREAU

source: https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/reforme-des-retraites-a-nantes-le-mouvement-s-installe-dans-la-duree-et-s-incruste-a1491ec8-a6fc-11ed-9512-c1edba2ba438

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