Réforme des retraites : nouveau coup de force du gouvernement au Sénat (H.fr-10/03/23)

Le ministre du Travail Olivier Dussopt  a actionné l’article 44.3 de la Constitution, qui impose un «vote bloqué» sur l’ensemble de la réforme, laissant la main au gouvernement sur le choix des amendements. La gauche dénonce « une crise politique majeure » que pourrait provoquer l’exécutif.

A la veille d’une nouvelle journée de mobilisation, la gouvernement a décidé d’un nouveau coup de force pour imposer sa réforme des retraites. Vendredi en fin de matinée, à la reprise des débats au Sénat, le ministre du Travail Olivier Dussopt a dégainé l’article 44-3 de la Constitution en dénonçant une « obstruction » de l’opposition de gauche. « C’est pour cette raison que le gouvernement vous demande de vous prononcer sur un vote unique sur l’ensemble du texte », a déclaré le ministre.

Sur les banc de la gauche, les rappels au règlement se sont alors succédés pour dénoncer ce coup de force parlementaire. Le sénateur socialiste Patrick Kanner a dénoncé la décision du gouvernement, « avant la grande journée d’action du 11 mars », qui « montre au pays vos réelles intentions réactionnaires puisqu’il s’agit d’une réforme de réaction sociale ». Le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard, a lui aussi fustigé l’attitude de la Macronie : « au moment où l’enemble de la population est dans la rue, vous passez en force ». Le sénateur a dénoncé la « brutalité et l’aliénation du parlement », avec des mots sévères à l’égard de l’exécutif comme de la majorité sénatoriale de droite. « Victor Hugo avait appelé son chien Sénat. Et oui, le Sénat est devenu le toutou du gouvernement ».

Pour le groupe communiste, c’est Pierre Laurent qui a pointé le « terrible aveu de faiblesse du gouvernement ». Et de poursuivre s’adressant à la majorité de droite :  « Vous êtes ultramajoritaires au Sénat, et vous êtes incapables de faire voter le texte dans des conditions normales de débat. Parce que vous avez décidé depuis le premier jour, non seulement de faire voter les 64 ans, mais de le faire en acceptant les conditions imposées par le gouvernement avec le recours au 47-1. Vous vous êtes mis en situation d’abaissement du Sénat », a accusé le sénateur de Paris. « A partir de mardi, a-t-il également dénoncé, quand vous avez vu que le mouvement prenait une telle ampleur, vous avez décidé l’obstruction ».

Sa collègue Laurence Cohen a également pointé la responsabilité de la droite: « Le parlementarisme est piétiné par le gouvernement, mais avec l’assentiment de la majorité de droite. (…) Depuis le début, procédure sur procédure, vous avez souhaité tendre les débats. Et vous avez refusé de parler du fond, c’est à dire des conséquences de votre projet sur la vie des gens. Le projet du gouvernement, c’est votre projet», a dénoncé l’élue communiste avant de rappeler que « ça fait quatre ans que René-Paul Savary présente le recul de l’âge de la retraite. Donc vous êtes enfin soulagés de voir cette réforme scélérate votée par des parlementaires qui acceptent que le parlementarisme soit piétiné ». La sénatrice écologiste Raymonde Poncet-Monge a elle aussi fustigé « une droite qui devient illibérale justement parce que vous êtes ultra minoritaires. Et quand on est minoritaire et que l’on veut imposer son point de vue, on devient illibéral ».

« Vous allez ajouter une crise politique majeure dans un pays fracturé et en tension », a ajouté, de son côté, le communiste Eric Bocquet en s’adressant au gouvernement. « Samedi nous serons dans la rue pour manifester, parce que c’est le seul endroit finalement où les Français peuvent se faire entendre, à partir du moment où l’on veut les priver de débat au sein du parlement » a enchaîné, dans le même esprit, l’écologiste Yves Chantrel.

#Retraites : “Voilà donc le coup de force que vous prépariez en fait depuis mardi”, dénonce @plaurent_pcf, quelques instants après l’annonce du vote bloqué.

Le direct : https://t.co/Qirp79srUq#DirectSénat pic.twitter.com/qGHXXa6Q4v

— Public Sénat (@publicsenat) March 10, 2023

A droite, les sénateurs ont préféré s’en prendre à la gauche, l’accusant de «  coaguler » le débat pour reprendre les termes du sénateur LR Olivier Paccaud, qui a également ironisé par un «  tel est pris qui croyait prendre ». «Vous portez la responsabilité du fait qu’aujourd’hui le débat parlementaire doive céder le pas, malheureusement, à une méthode plus autoritaire »,a également lancé à la gauche son collègue de groupe Roger Karoutchi, reconnaissant donc le caractère anti-démocratique de la procédure choisie par le gouvernement. Certains sont allés jusqu’à pointer l’ombre de l’insoumis Jean-Luc Mélenchon sur les débats, alors que ceux-ci se déroulaient dans une ambiance beaucoup moins tendue qu’à l’Assemblée nationale.

Une « mélenchonisation » du Sénat, vraiment ?

Vous regrettez juste que ce qui s’est passé à l’Assemblée Nationale ne se passe pas ici Monsieur le Ministre. Parce que cela montre que c’est la droite qui ne voulait pas parler de l’article 7. #RéformeDesRetraites #DirectSénat pic.twitter.com/dV5CxvE36p

— Raymonde Poncet Monge (@PoncetRaymonde) March 9, 2023

En dehors du Palais du Luxembourg, les réactions se sont également multipliées. « À l’Assemblée, Ciotti peut aller acheter sa laisse », a twitté Jean-Luc Mélenchon. « Macron fait de la France la risée du monde démocratique », a réagi la présidente du groupe FI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot. Le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, a dénoncé « un 49-3 déguisé ». Le premier secrétaire du PS Olivier Faure a, lui, souligné que « jamais un gouvernement n’avait utilisé le vote bloqué alors même qu’en vertu de l’article 47-1 il met déjà sous camisole le parlement ».

Le gouvernement impose au Sénat un vote sur la totalité du texte #retraites sans même attendre la fin de la discussion et au mépris des amendements déposés.

Prêts à toutes les combines pour passer en force.

Macron fait de la France la risée du monde démocratique.

— Mathilde Panot (@MathildePanot) March 10, 2023

Dans la nuit de mardi à mercredi, il avait déjà été procédé à la réécriture de l’article 7, rayant d’un trait de plume les sous-amendements de la gauche et le président LR du Palais du Luxembourg s’était saisi de l’article 38 du réglément pour limiter les débats. A son tour, vendredi, Olivier Dussopt avait d’abord actionné l’article 44-2 de la Constitution, balayant les sous-amendements déposés par la gauche.

L’article 44.3 ensuite utilisé, lui, indique que « si le gouvernement le demande, l’Assemblée saisie se prononce par un vote sur tout ou partie du texte en discussion, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement ». Vendredi en début d’après-midi, les discussions ont repris leur cours sur les amendements: les 1000 déposés par la gauche seront examinés, mais pas votés. Les 70 du gouvernement seront soumis à un scrutin. Lors d’une conférence de presse commune aux trois groupes de la gauche, la communiste Eliane Assassi a prévenu: « on ira jusqu’au bout de ce qu’il est possible de faire pour que ce texte ne soit pas soumis au vote». Avec ce nouveau rebondissement, la parole de l’immense majorité de Français qui rejettent la réforme des retraites semble plus que jamais devoir s’exprimer dans la rue pour être entendue.

#Retraites : “Cette réforme est un sujet éminemment politique. Nos concitoyennes et concitoyens l’ont bien compris. Nous avons encore des amendements à défendre même si nous sommes contraints”, assure @ElianeAssassi

Le direct : https://t.co/Qirp79srUq#DirectSénat pic.twitter.com/9czQdD8Ley

— Public Sénat (@publicsenat) March 10, 2023

Diego CHAUVET

source: https://www.humanite.fr/politique/reforme-des-retraites/reforme-des-retraites-nouveau-coup-de-force-du-gouvernement-au-senat-786053

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