Réforme des retraites : une nuit de colères en France (MP.fr-16/03/23)

Manifestation à Marseille après le passage de l’article 49–3, le 16 mars

Rassemblements, défilés sauvages, et même happening théâtral : quelques heures après le 49-3 déclenché par Élisabeth Borne, plusieurs milliers de personnes sont spontanément descendues dans la rue pour protester un peu partout en France. Ces manifestations ont parfois été émaillées de tensions au cours de la nuit.

Les opposant·es à la réforme des retraites ont voulu signifier, chacune et chacun à leur manière, leur désaccord jeudi 16 mars, jusque tard dans la nuit, après le passage en force du gouvernement.

Sur la scène du théâtre de Pantin, en Seine-Saint-Denis, l’acteur Thomas Poitevin a improvisé une saynète au milieu de son spectacle, déguisée en Élisabeth Borne, un fichu sur la tête, égarée dans un supermarché. Après son onzième 49-3, l’artiste imagine la première ministre volant une boîte de cordons bleus, pour les émietter compulsivement dans son sac. La salle rit aux éclats.

Absurdité, et colère. Une « colère froide », décrit le journal Le Progrès, s’est emparée de Saint-Étienne, où près de 2 000 manifestants ont marché de la Bourse du travail à l’Hôtel de ville dans la soirée. Dans plusieurs villes de France, des milliers de personnes se ainsi rassemblées spontanément pour protester contre le déclenchement de l’article 49–3, devant les mairies où les préfectures comme à Strasbourg, Besançon, ou encore Bordeaux, selon l’Agence France-Presse (AFP).

Un peu partout, des feux de poubelle, des manifestations qui finissent en défilés sauvages, certain·es marchant jusque tard dans la nuit avec encore leur chasuble syndicale sur le dos.

À Poitiers, selon La Nouvelle République, entre 400 et 500 personnes ont ainsi défilé, l’une d’entre elles brandissant une pancarte « dissolution ». Au Havre, la manifestation s’est achevée par un large panache de fumée noire, planant sur la ville, après le déclenchement d’un incendie auprès des voies de tramway sur la monumentale place de la mairie.

Des incidents ont éclaté dans d’autres villes comme à Marseille sur la Canebière, où des jeunes masqués ont fracassé la vitrine d’une agence bancaire et un panneau publicitaire tandis que d’autres ont mis le feu à des poubelles aux cris de « à bas l’État, les flics et le patronat », selon un journaliste de l’AFP. 

À Rennes, beaucoup de monde dans les rues en fin de journée, des tirs de mortiers et des vitres brisées à la mairie en début de nuit. Le blocus routier qui a eu lieu jeudi matin, ralentissant sérieusement la circulation dans la capitale bretonne, pourrait être reconduit toute la semaine prochaine, ont averti les manifestant·es. La préfecture a évoqué huit interpellations et autant de gardes à vue en fin de soirée, après des dégradations multiples et « 26 feux éteints ». La maire socialiste Nathalie Appéré a évoqué sur Twitter des violences « sidérantes ».

À Nantes, où environ 3 500 personnes se sont rassemblées en début de soirée, selon la police, l’ambiance s’est rapidement détériorée : feux de poubelles non ramassées, jets de cocktails Molotov, tirs de mortiers vers les forces de l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogène.

Trois Intercités étaient également bloqués en soirée entre Clermont-Ferrand et Paris en raison de manifestants présents sur les voies à Moulins qui empêchaient la circulation depuis 18 h 30, selon la SNCF.

À Amiens, où 1 000 à 1 500 manifestants ont défilé, selon la préfecture, flottaient les drapeaux syndicaux les plus divers, ceux de Force ouvrière, de la CGT mais également ceux de la CFDT ou encore de la CFTC, la base militante ne semblant pas se résigner après ce nouvel épisode parlementaire.

Même dans les petites villes, la consigne s’est propagée : un rassemblement a eu lieu à Guéret dans la Creuse, ou encore à Dijon, où 700 personnes se sont rassemblées. Selon la préfecture, certaines s’en sont « prises aux forces de l’ordre et ont commis des dégradations », tandis qu’un mannequin à l’effigie du président de la République a été brûlé.

« Ils vont quand même pas oser. Ben si. »

À Grenoble, 200 à 300 personnes se sont rassemblées dans l’après-midi devant la préfecture. « Je m’étais dit qu’ils respecteraient un peu la démocratie. A priori je suis très naïve donc j’ai été surprise, je croyais qu’ils n’allaient pas oser user du 49-3 », explique Karen Mantovani, agente d’accueil à la CPAM et déléguée syndicale CGT à l’AFP. « Tout le monde grogne mais ça manque d’action », regrette-t-elle, se disant « révoltée ».

À Lyon, une manifestation a rassemblé quelque 400 personnes en fin d’après-midi devant la préfecture aux cris de « Macron démission ». La place des Terreaux, encore noire de monde vers 22 heures, a dû être évacuée par la police.

À Lille, où plusieurs centaines de personnes étaient réunies sur la place de la République, « il y a de fortes probabilités qu’on durcisse le mouvement », prévient Sandrine Desmettre, déléguée CGT chez Malakoff Humanis. « On se disait : avec tout le monde qui s’exprime contre cette réforme, un 49.3, […] ils vont quand même pas oser. Ben si. Maintenant c’est la colère. Il y a vraiment de l’abus. »

Mathilde GOANEC

Source: https://www.mediapart.fr/journal/france/160323/reforme-des-retraites-une-nuit-de-coleres-en-france?utm_source=article_offert&utm_medium=email&utm_campaign=TRANSAC&utm_content=&utm_term=&xtor=EPR-1013-%5Barticle-offert%5D&M_BT=1568890895419

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