Réforme du RSA : la bêtise et la méchanceté au pouvoir (charliehebdo.fr-16/12/22)

Olivier Dussopt, ministre du Travail, a donné la liste des 19 territoires qui, en 2023, vont conditionner le RSA à des heures de travail ou de formation. La dénonciation de « l’assistanat » par le président de la République entre dans une phase majeure.

Désormais, puisqu’être pauvre ne suffit pas – le montant du RSA est très en dessous du seuil de pauvreté – il faudra, dans 18 départements ainsi qu’à Lyon, effectuer un travail de 15 à 20 heures par semaine au profit, c’est le cas de le dire, d’une entreprise ou d’une collectivité, ou une formation. Une mesure soutenue par certains patrons qui font le lien avec leurs difficultés à embaucher, alors que les allocataires du RSA sont plutôt dans la survie.

Le nouveau dispositif s’inscrit dans le cadre de « France Travail », sous la direction du haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, Thibaut Guilluy. Comme il le dit, « ça ne peut marcher que si un conseiller suit 40 à 50 personnes, pas 150 ou 200. Donc il y aura des renforts humains. » Sauf qu’aucun financement n’est prévu.

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De leur côté, suivant la logique présidentielle selon laquelle les devoirs viennent avant les droits, une logique qui s’oppose à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen mais c’est sans doute un détail, les allocataires devront signer un « contrat avec des droits et devoirs ».

Ignorer la réalité, c’est un choix

Le problème, c’est comment voulez-vous que des gens soient en état physique et psychologique de trouver un emploi avec 600 euros par mois, ce qui est beaucoup moins que le seuil de pauvreté, de 1 100 euros ?

Le second problème, c’est « le non-recours », c’est-à-dire le fait que des personnes qui ont droit au RSA ne le demandent pas, en raison de la honte associée à cette démarche, et de la complexité du formulaire à remplir. Cela concernerait une personne sur trois.

Enfin, en créant cette expérimentation, le gouvernement laisse entendre qu’on verse un « pognon de dingue » aux pauvres et que cela ne servirait à rien. Or c’est faux : les dépenses sociales diminuent la pauvreté en France.

De plus, il n’est pas vrai que l’aide est sans condition : le RSA, invention de l’ignoble Martin Hirsch, porte un nom explicite : la « solidarité » qu’il crée est « active », tout comme le RMI avant lui n’était versé qu’en contrepartie de démarches « d’insertion ».

Être motivé, ou aidé pour de vrai ?

Comme le rappelle ATD Quart Monde, le « plein-emploi » ne dépend pas de la « motivation » des personnes privées d’emploi. Leurs problèmes sont bien plus simples : garde d’enfants, absence de permis de conduire, maladie, handicap, non-accès aux soins, offres d’emploi inexistantes, discriminations à l’emploi…

Il suffit de voir cette liste pour comprendre ce qu’elle a d’embêtant pour le gouvernement : pour permettre à ces personnes, qui ne demandent que ça, de travailler, il faudrait généraliser la garde gratuite ou très peu coûteuse d’enfants en bas âge, développer les transports en commun, mettre fin aux déserts médicaux, etc.

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Et d’abord proposer suffisamment de services d’insertion partout sur le territoire ! Or le budget consacré à l’insertion des allocataires a drastiquement baissé. Tandis qu’il représentait 20 % des dépenses totales liées au RSA il y a vingt ans, il n’en représente plus que… 7 % aujourd’hui. Et, comme le dit ATD, quid des personnes qui, pour une raison ou une autre, n’arriveront pas à effectuer leurs 15 ou 20 heures d’activité ?

Bref, demander davantage de contreparties à l’obtention du RSA, « c’est s’éloigner toujours plus d’un droit inconditionnel à disposer de « moyens convenables d’existence », consacré par la Constitution et indispensable à la dignité humaine. Institutionnaliser davantage les sanctions, c’est accroître l’insécurité et l’inquiétude chez les uns, le non-recours aux droits chez les autres », explique encore ATD Quart Monde.

La réalité, c’est que, plutôt que de mener des politiques concernant l’enfance, la santé, le logement, ou les transports, nos dirigeants préfèrent alimenter la chasse aux « assistés », qui, il est vrai, a l’avantage d’être compréhensible même par des alcooliques qui passent leurs journées au PMU. •

Jacques LITTAUER

source: https://charliehebdo.fr/2022/12/economie/reforme-rsa-betise-mechancete-pouvoir/

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