Répression anti-syndicale chez Sanofi : « Ils veulent couper les têtes qui dérangent » (H.fr-5/01/23)

Le 4 janvier, les manifestants devant les façades de l’usine pharmaceutique Sanofi, celle-là même où le groupe fabrique son médicament le plus lucratif, le Dupixent.

Devant l’usine Sanofi du Trait, un rassemblement a eu lieu, ce mercredi, en soutien aux deux élus de la CGT menacés de licenciement après une grève.

Le Trait (Seine-Maritime), envoyé spécial.

Dans la petite commune du Trait, en Seine-Maritime, il tombe, ce mercredi, une pluie battante, digne des stéréotypes les plus éculés concernant la Normandie. Pas de quoi décourager la cinquantaine de manifestants qui s’est plantée devant les façades jaunies de l’immense usine pharmaceutique de Sanofi, celle-là même où le groupe fabrique son médicament le plus lucratif, le Dupixent.

Le rendez-vous a été donné par la CGT, qui proteste contre la convocation, mi-décembre, de deux élus travaillant sur le site à des entretiens préalables à sanction « pouvant aller jusqu’au licenciement », en lien, dénonce le syndicat, avec la grève inédite qui a agité l’entreprise pendant un mois, cet automne. Il coïncide avec la date du premier de ces entretiens, auquel a été convoqué Alaoui  Ait Lekbir, élu au comité social et économique du Trait.

« Ce qu’ils nous reprochent, ce sont les blocages, Mais il n’y a pas eu de blocage ! »

Quelques heures avant le rassemblement, ce père de famille de 35 ans confiait ne pas savoir précisément ce qui lui était reproché. Le 27 décembre, la direction de Sanofi avait évoqué des « actions illicites (qui) ont pu empêcher les sites concernés de pouvoir continuer à fonctionner normalement et perturber la fabrication et la livraison de médicaments et vaccins essentiels pour les patients », tout en affirmant son attachement au « droit fondamental » à la grève.

« Toutes les actions que nous avons menées, c’était en intersyndicale et avec les autres grévistes. Nous ne comprenons pas pourquoi nous sommes visés, nous en particulier », se défendait Alaoui Ait Lekbir, avant son entrevue avec la direction de l’usine. Celle-ci lui permettra d’y voir un peu plus clair, sans pour autant dissiper toutes ses interrogations.

« Ce qu’ils nous reprochent, ce sont les blocages, annonce à sa sortie le syndicaliste, s’adressant aux manifestants massés sous un abri de fortune pour échapper au déluge. Mais il n’y a pas eu de blocage ! » Selon la CGT, une seule des trois entrées de l’usine a été affectée par des « ralentissements », les grévistes interpellant les conducteurs des camions pour désorganiser la production, sans pour autant les empêcher de pénétrer sur le site.

« Certains camions faisaient demi-tour, par solidarité ou parce qu’ils ne voulaient pas attendre. Mais en aucun cas nous n’avons bloqué l’accès », insiste Alaoui Ait Lekbir, quand son collègue Stéphane Lot, dont l’entretien préalable à sanction est prévu ce jeudi, assure que les grévistes ont « facilité le passage des camions dans les cas d’urgence médicale ».

La volonté de « punir » les salariés les plus revendicatifs

Les représentants cégétistes le martèlent : les procédures intentées par le champion français du médicament témoigneraient d’un « acharnement » contre leur syndicat, destiné à « punir » les salariés les plus revendicatifs.

« Ceux qui sont visés sont des meneurs du mouvement. Comme par hasard, c’est la CGT que la direction veut sanctionner. Peut-être qu’elle est comme un taureau dans une corrida, qu’elle est attirée par le rouge », plaisante, amer, Jean-Louis Peyren, le coordinateur CGT de Sanofi. « Pour moi, c’est clair : ils veulent couper les têtes qui les dérangent », complète Alaoui Ait Lekbir.

À quelques centaines de kilomètres de là, à Montpellier, un salarié non syndiqué présenté par Jean-Louis Peyren comme « sympathisant de la CGT » et « meneur » du mouvement social, a également été convoqué à un entretien préalable à sanction « pouvant aller jusqu’au licenciement ».

Et à Ambarès, en Gironde, un autre élu cégétiste est sous le coup d’une procédure disciplinaire, motivée selon lui par son refus de participer à une réunion de travail avec sa hiérarchie – sans menace de licenciement cette fois.

Reconnaissables à leurs drapeaux jaunes, une poignée de représentants du syndicat SUD participent au rassemblement, quand la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et FO en sont absentes alors même qu’elles avaient rejoint la grève à l’automne.

En revanche, plusieurs cégétistes d’autres entreprises du territoire sont venus exprimer leur solidarité. « Nous voulons montrer que partout où la CGT est attaquée, nous réagissons. Avec l’inflation et la réforme des retraites, le contexte social est tendu, alors ils essaient de nous intimider. Mais nous ne nous laisserons pas faire », promet William Audoux, secrétaire CGT de l’usine Renault à Cléon.

Des débrayages étaient prévus, ce mercredi, sur l’ensemble des sites Sanofi, et un nouveau rassemblement sur le site du Trait doit avoir lieu ce jeudi, en solidarité avec Stéphane Lot. La direction aura ensuite un mois pour notifier aux salariés convoqués les sanctions qu’elle aura éventuellement décidé de prononcer à leur encontre.

Samuel RAVIER-REGNAT

source: https://www.humanite.fr/social-eco/sanofi/repression-anti-syndicale-chez-sanofi-ils-veulent-couper-les-tetes-qui-derangent-777136

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