Retraite complémentaire : un accord qui déstabilise le gouvernement (IO.fr-27/10/23)

Un accord a été signé entre le Medef et les confédérations syndicales sur l’Agirc-Arrco. Le gouvernement ne décolère pas.

Par Gabriel CARUANA-Tribune libre

« Nous avons fait confiance au dialogue social et aujourd’hui nous regrettons que les partenaires sociaux n’aient pas pris en compte cette nécessaire responsabilité pour nos finances publiques » , déclare Olivier Dussopt devant l’Assemblée nationale. La députée Renaissance Sarah Spritz se lâche : « Cet accord témoigne d’une véritable irresponsabilité des partenaires sociaux. » Quant à Elisabeth Borne, elle aurait, selon Le Monde, « fait part de son mécontentement au sujet de l’attitude du Medef, l’un des principaux artisans de l’accord du 5 octobre, qui est ressenti comme un camouflet par l’exécutif » . Pourquoi tant de hargne contre cet accord ?

Avant la négociation le gouvernement avait fait part de ses exigences : les « partenaires sociaux » devaient prévoir de verser à l’état les « excédents » pour financer ses propres décisions sur les retraites, au prétexte qu’il s’agissait de « la revalorisation des petites retraites ». En clair, il voulait « faire les poches » aux caisses de retraite complémentaire après avoir fait les poches aux salariés sur leurs droits à la retraite. 

Mais les signataires patronaux et syndicaux en ont décidé autrement. Tout d’abord, ils actent une augmentation de 4,9 % au 1 er novembre du montant des retraites complémentaires servies, ce qui est au niveau de l’augmentation du coût de la vie après une augmentation de 5,12 % l’an dernier.

Hold-up gouvernemental

Ensuite, le « malus » qui avait été institué par la CFDT et le Medef est supprimé : les départs à la retraite postérieurs au 1 er décembre ne subiront plus aucune décote temporaire de 10 % et pour ceux qui paient déjà ce malus, chaque mois, actuellement, la suppression sera effective au « 1 er avril 2024 » . De plus, l’accord ne donne pas suite à la demande de toutes les organisations patronales d’une baisse des cotisations. Et surtout, l’accord rejette la demande du gouvernement de reverser une part de ses excédents à l’Etat. C’est une bonne chose. L’argent des retraites complémentaire appartient aux salariés, il constitue une partie du salaire et ce dans un but unique : verser une pension complémentaire à celle du régime général.

Le gouvernement effectue donc un hold-up, à l’image de ce qui avait été fait en 1995 quand le plan Juppé a étatisé la Sécurité sociale, provoquant une grande grève. 

Passant outre la signature, le gouvernement a donc annoncé qu’il procédera à la ponction de plusieurs milliards sur l’Agirc et l’Arrco. Il ne trouve à s’appuyer que sur le refus de deux autres organisations patronales, moins importantes, de signer l’accord (le Medef revendique employer 65 % des salariés). Les arguments de la CPME et l’U2P valent que l’on s’y arrête. Pour la première, c’est un regret que l’accord fasse droit « à la quasi-totalité des demandes des syndicats de salariés en validant une augmentation des pensions de 4,9 % et la suppression du malus de 10 % pour les retraités actuels ou futurs ». Quant à la seconde, c’est un positionnement affiché au côté de l’Etat « échappant au combat caricatural entre les partisans d’une gestion paritaire autonome » . Elle a proposé pour satisfaire aux oukases du gouvernement « un financement librement consenti vers la revalorisation des petites retraites » . La volonté du gouvernement de passer outre l’accord en ponctionnant entre 1 et 3 milliards sur les retraites complémentaires n’est donc pas sans risque.

Crise politique

Le Monde s’inquiète de cette « décision de l’exécutif » qui « fait courir le risque d’une motion de censure à l’Assemblée nationale, qui pourrait menacer Elisabeth Borne ». Il rajoute : « Des conseillers de la cheffe du gouvernement ont, à cette occasion, exprimé leur crainte qu’une motion de censure soit déposée et adoptée, en cas de recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer le PLFSS, avec une mesure sur la ponction imposée à l’Agirc-Arrco. »

Cet accord menace donc à nouveau le gouvernement minoritaire car il prend en compte la volonté majoritaire de préserver les droits à la retraite qui s’est manifestée dans les grèves et manifestations massives du premier semestre. Sa signature participe donc à l’approfondissement de la crise politique. Dans la situation présente, cela ne peut être compris que comme un point d’appui dans la recherche d’une solution pour en finir avec le gouvernement et ses institutions.

Source: https://infos-ouvrieres.fr/2023/10/27/retraite-complementaire-un-accord-qui-destabilise-le-gouvernement/

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