Entre 22 000 et 35 000 manifestants ont défilé à Rennes, jeudi 23 mars 2023. La foule est venue dire sa « colère », décuplée par l’utilisation du 49.3 pour faire passer la controversée réforme des retraites.
« Le 49.3, c’était le coup de trop. » La goutte d’eau, qui a convaincu Anaëlle et Coline de venir grossir la foule dans les rues de Rennes, jeudi 23 mars 2023.
Ils étaient entre 22 000 (selon la préfecture) et 35 000 (selon les syndicats) pour la neuvième mobilisation depuis le début de la contestation de la réforme des retraites.
À 18 et 19 ans, les deux jeunes femmes sont venues spécialement de Bain-de-Bretagne. « On travaille en boulangerie, notre patronne est heureuse qu’on se mobilise. Elle aussi elle manifeste ! » Comme beaucoup dans l’immense cortège, Anaëlle et Coline ne parlent plus de colère. « Ce qu’on ressent, c’est de la haine. »
Un sentiment partagé par Jacqueline Larour, 61 ans. « Jusqu’à présent, les syndicats ont essayé de ralentir la colère. Mais maintenant, on va montrer qu’on en veut plus », lance la jeune retraitée, syndiquée à la CGT et membre de La France Insoumise (LFI).
« Un incendie a été allumé »
Mobilisée pour sa retraite, « pour les jeunes générations et pour les femmes », l’habitante de Maxent dit « comprendre » les débordements qui émaillent régulièrement les manifestations. « Je comprends que ça puisse dégénérer. Au point où on en est… », soupire la sexagénaire, qui n’a « pas raté une seule manif ».
« Un incendie a été allumé [par le gouvernement], on ne sait pas ce qui peut se passer maintenant », évoque de son côté, un peu inquiet, Tanguy Jouault, syndiqué à l’Unsa enseignants.
Mélanie, enseignante de 48 ans, abonde : « Je ne cautionne pas les dégradations, mais oui, je comprends. » « Je me sens méprisée », répète la mère de famille, qui se bat également pour ses enfants. « Deux de mes filles sont aussi là, tout comme mes parents de 75 et 80 ans. » Une source de fierté pour la quadragénaire, heureuse que « les valeurs se transmettent en famille ».
« La fatigue ça se rattrape, deux années non »
Venues également en famille, Audrey et Amélie, accompagnantes d’élèves en situation de handicap, n’ont même pas regardé la dernière intervention télévisée d’Emmanuel Macron, mercredi midi. « On savait ce qu’il allait dire… Mais il ne faut pas plier, c’est une confrontation. Et ça ne peut passer que par la rue. »
À l’unanimité, les manifestants disent leur regain d’énergie, et leur envie de poursuivre la mobilisation.
« Oui, on est fatigués. Mais la fatigue ça se rattrape, alors que deux années non » , pointe Mélanie, qui a commencé à participer à des blocages, en plus des manifestations. « De 7 h à 9 h, on était une dizaine à bloquer un rond-point à côté du Rheu. Même à une petite échelle, on veut dire notre colère. »
Comme elle, plusieurs projettent de s’impliquer dans d’autres actions. « On est persuadés qu’on y arrivera, et on fera ce qu’il faut pour. »
Auteur : Charlotte HEYMELOT et Denis BLIN.