Rue Marie-Jeanne-Le Bozec, à Lorient, une petite impasse pour une grande dame (LT.fr-13/07/22-7h)

Marie-Jeanne Le Bozec a fait partie de la Résistance, à Lorient, de 1940 à 1942. Elle a survécu au camp de concentration de Ravensbrück, et deviendra la secrétaire particulière du général De Gaulle.
Résistante pendant l’Occupation de la ville de Lorient, Marie-Jeanne Le Bozec, dont une rue lorientaise porte le nom, a permis l’acheminement de renseignements pour les Forces françaises de l’intérieur (FFI).

Le 13 octobre 2011, les membres du conseil municipal de Lorient ont voté à l’unanimité le changement de nom de la rue Kerléo pour lui donner celui de Marie-Jeanne-Le Bozec. Dans le quartier de Kerforn, la petite impasse qui rejoint la rue de Kerfichant porte désormais le nom de cette femme. Dix maisons cubiques blanches s’alignent entre des arbustes et des pots de fleurs le long de la route goudronnée. Quelles motivations ont animé le conseil municipal ce jour-là ?

La question laisse les quelques habitants de la rue circonspects.

Marie-Jeanne Le Bozec ? « Euh… C’était une résistante ? » Le voile du mystère refuse de se lever. Un habitant assure que « la mairie voulait seulement mettre plus de noms de femmes dans les rues ». Grâce à Delphine Alexandre, élue d’opposition à Lorient, vice-présidente du conseil régional et par ailleurs petite-nièce de Marie-Jeanne, le portrait de cette femme discrète et retenue se dessine. Elle décrit sa grand-tante comme une femme « élégante, présente et affirmée, sans l’être de façon ostensible ».

Elle passait à bicyclette aux nez et à la barbe des nazis pour distribuer des tracts et passer des messages

Une femme dite Yvon

Marie-Jeanne travaille à l’arsenal de Lorient lorsque la guerre éclate entre la France et l’Allemagne. Quand l’Occupation s’installe à Lorient, elle rejoint le réseau de Résistance du colonel Rémy ; elle devient agent de liaison sous le pseudonyme d’« Yvon ». « C’était une femme qui s’habillait en infirmière pour pouvoir tromper la surveillance des troupes allemandes » croit (enfin) savoir un habitant de la rue. « Elle passait à bicyclette aux nez et à la barbe des nazis pour distribuer des tracts et passer des messages ». Tant de témérité finit pourtant par porter préjudice à l’audacieuse Yvon, arrêtée par la Gestapo. Malgré la torture, elle refuse de donner les noms de ses complices ; ses tortionnaires se lassent, et l’envoient au camp de Ravensbrück.

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Un grand silence planera toute sa vie sur ce qu’elle a vécu pendant la guerre. « Elle n’en parlait pas », assure Delphine Alexandre. Cette retenue empêche sa renommée de se répandre, alors même qu’elle devient la secrétaire du général De Gaulle pendant dix ans (1958-1967). Sur la presqu’île de Rhuys, où elle s’est installée avec son mari, les gens ignorent tout de son passé héroïque.

Dans le sud-ouest de Lorient, la rue Marie-Jeanne Le Bozec est une impasse résidentielle.
Dans le sud-ouest de Lorient, la rue Marie-Jeanne Le Bozec est une impasse résidentielle.

Des fleurs pour Marie-Jeanne Le Bozec

« À sa mort, le général De Gaulle a fait envoyer une impressionnante gerbe de fleurs », raconte encore sa petite-nièce. « La fleuriste du village, à qui il les avait commandées, était dans tous ses états, sans comprendre le geste du général ». La discrétion de Marie-Jeanne, malgré tout, n’a pas effacé son souvenir. Comme à Guidel, ou dans d’autres villes du Morbihan, le conseil de Lorient a voulu offrir une dernière fleur à sa Résistante, et lui donner le nom d’une rue. Une rue secrète, donc, au nom un peu mystérieux même pour ses propres habitants, à l’image de celle dont elle porte le nom.

Marine BISCHOFF

Source: https://www.letelegramme.fr/dossiers/dans-les-rues-elles-de-lorient/rue-marie-jeanne-le-bozec-a-lorient-une-petite-impasse-pour-une-grande-dame-13-07-2022-13108333.php

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