Taïwan : Les États-Unis envisagent des sanctions contre la Chine – Bruxelles sous pression pour faire de même. ( Les Crises – 14/10/22 )

Un globe terrestre devant des drapeaux chinois et taïwanais dans cette illustration, le 6 août 2022. REUTERS/Dado Ruvic/Illustration

TAIPEI/FRANCFORT/WASHINGTON, 13 septembre (Reuters) – Les États-Unis réfléchissent à un panel de sanctions à l’encontre de la Chine pour la dissuader d’envahir Taïwan, et l’Union européenne fait face à des pressions diplomatiques de Taipei pour obtenir qu’elle en fasse de même, selon des sources bien informées au sujet de ces discussions.

Les sources ont déclaré que tant les délibérations à Washington que le lobbying mené en parallèle par Taipei auprès des envoyés de l’UE n’en étaient qu’à leurs débuts. Il s’agit là d’une réponse aux craintes d’une invasion chinoise qui augmentent en raison de l’escalade des tensions militaires dans le détroit de Taiwan. Dans les deux cas, il s’agit avant tout de renforcer les sanctions au-delà des mesures déjà prises en Occident pour restreindre certains échanges et investissements avec la Chine concernant des technologies sensibles comme les puces informatiques et les équipements de télécommunications.

Nos sources n’ont pas fourni de détails sur ce qui est envisagé, mais le concept de sanctions contre la deuxième économie mondiale qui est aussi l’un des principaux maillons de la chaîne d’approvisionnement mondiale n’est pas sans soulever des questions de faisabilité.

« Les éventuelles sanctions à l’encontre de la Chine constituent un exercice bien plus complexe que les sanctions à l’encontre de la Russie, étant donné les relations étroites que les États-Unis et leurs alliés entretiennent avec l’économie chinoise », a déclaré Nazak Nikakhtar, ancien haut fonctionnaire du ministère américain du commerce.

Le poids du commerce chinois

La Chine considère que Taïwan fait partie de son territoire et, le mois dernier, elle a tiré des missiles au-dessus de l’île et envoyé des navires de guerre au-delà de la frontière maritime non officielle de celle-ci après la visite de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, à Taipei, ce que Pékin a considéré comme une provocation.

Le président chinois Xi Jinping a pris l’engagement de ramener Taïwan, gouvernée démocratiquement, dans le giron de Pékin et n’a pas exclu le recours à la force. Il devrait obtenir un troisième mandat de cinq ans à la tête du pays lors du congrès du Parti communiste le mois prochain. Le gouvernement de Taïwan rejette catégoriquement les prétentions de la Chine en matière de souveraineté.

Réagissant aux annonces relatives au train de sanctions, une porte-parole du ministère des affaires étrangères à Pékin a mis en garde contre la tentation de sous-estimer la Chine. « Je tiens à souligner que nul pays ou personne ne doit sous-estimer la profonde détermination et la ferme volonté du gouvernement et du peuple chinois à défendre la souveraineté nationale, l’intégrité territoriale et à réaliser la réunification de la patrie », a déclaré la porte-parole, Mao Ning.

À Washington, des responsables réfléchissent aux différentes options possibles en vue d’un éventuel train de sanctions contre la Chine pour dissuader Xi de tenter d’envahir Taïwan, ont déclaré un responsable américain et un responsable d’un pays travaillant en étroite coordination avec Washington. Les discussions américaines au sujet des sanctions ont commencé après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février, mais elles ont pris un caractère d’urgence suite aux réactions de la Chine lors de la visite de Mme Pelosi, ont indiqué les deux sources.

Les États-Unis, soutenus par leurs alliés de l’OTAN, ont adopté une approche similaire à l’égard de la Russie en janvier en brandissant la menace de sanctions non précisées, mais cela n’a pas suffi à dissuader le président russe Vladimir Poutine de lancer son invasion de l’Ukraine. La Maison Blanche s’attache à mettre les pays sur la même longueur d’onde, notamment en assurant la coordination entre l’Europe et l’Asie, et en évitant de provoquer Pékin, a déclaré le haut fonctionnaire non américain.

Reuters n’a pas pu obtenir de détails quant aux sanctions spécifiques envisagées, mais certains analystes ont indiqués que des militaires chinois pourraient être visés. Selon Craig Singleton, de la Fondation pour la défense des démocraties [groupe de réflexion à but non lucratif et organisation de lobbying enregistrée basée à Washington, aux États-Unis. Les penchants politiques du groupe ont été décrits comme bellicistes et néoconservateurs, bien qu’ils soient officiellement non partisans, NdT] « En gros, les premières discussions sur les sanctions devraient consister à limiter l’accès de la Chine aux technologies nécessaires pour mener une opération militaire contre Taiwan. »

La Maison Blanche s’est refusée à tout commentaire.

Le ministère taïwanais des Affaires étrangères a déclaré qu’il avait eu des échanges avec les États-Unis, l’Europe et d’autres partenaires partageant les mêmes idées au sujet des récents exercices militaires de la Chine et des « grands défis » que la Chine pose à Taïwan et à la région, mais ne pouvait en révéler la teneur.

L’ADRESSE DE TAÏWAN À L’EUROPE

Taïwan avait déjà abordé la question des sanctions avec les responsables européens après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais les récents exercices militaires de la Chine ont vu la position de Taïwan se durcir, ont déclaré à Reuters six sources informées des discussions entre Taïwan et l’Europe. Les appels à préparatifs de sanctions lancés par de hauts responsables taïwanais se sont multipliés ces dernières semaines. Un récent livre blanc chinois, dans lequel la Chine renonce à sa promesse de ne pas envoyer de troupes ou d’administrateurs à Taïwan si Pékin prend le contrôle de l’île, a incité à redoubler d’efforts auprès de l’Europe.

Taïwan n’a rien demandé de précis, se contentant de demander à l’Europe de planifier les actions qu’elle pourrait entreprendre en cas d’attaque de la Chine, et d’avertir celle-ci en privé des conséquences qu’elle encourrait, a déclaré une source informée des discussions. Jusqu’à présent, les responsables de l’UE ont refusé d’imposer des sanctions sévères à la Chine dans le domaine des droits humains, dans la mesure où le pays joue un rôle bien plus important que la Russie dans l’économie de l’Union, a déclaré une autre personne connaissant bien le dossier.

Les sanctions européennes nécessiteraient l’accord des 27 pays membres, ce qui est souvent compliqué à obtenir. Il a même été difficile d’arriver à un consensus pour isoler la Russie après son invasion de l’Ukraine, notamment parce que son gaz était essentiel pour l’Allemagne. Toute l’Europe, à l’exception du Vatican, entretient des relations diplomatiques officielles avec Pékin, mais pas avec Taipei, bien que les responsables taïwanais et européens aient eu de nombreux contacts privés depuis le début des exercices militaires chinois, selon les sources.

L’Allemagne, moteur économique du bloc, est « circonspecte », selon un autre fonctionnaire très au cours des discussions. « Je ne pense pas que la guerre Russie-Ukraine ait fondamentalement changé la façon dont ils appréhendent leur relation avec la Chine ». Mais le gouvernement allemand s’inquiète de plus en plus de sa dépendance économique à l’égard de la Chine. Le ministre de l’économie s’est engagé mardi à adopter une nouvelle politique commerciale et à « ne plus être naïf ».

Un porte-parole du chancelier allemand Olaf Scholz s’est refusé à tout commentaire.

Reportages de Ben Blanchard et Yimou Lee à Taipei, John O’Donnell à Francfort, et Alexandra Alper et Trevor Hunnicutt à Washington ; Reportages supplémentaires de Michael Martina et David Brunnstrom à Washington ; Montage de Rosalba O’Brien et Clarence Fernandez.

Source anglais : Reuters, Ben Blanchard, Yimou Lee, John O’Donnell, Alexandra Alper, Trevor Hunnicutt

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises – 14-09-2022

Source en français : » Taïwan : Les États-Unis envisagent des sanctions contre la Chine – Bruxelles sous pression pour faire de même (les-crises.fr)

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