TEMOIGNAGE. Ehpad Orpea de Vannes : « Je n’ai plus de mot pour expliquer ce qu’il se passe »(OF.fr-10/09/22-8h16)

Les appels au numéro maltraitance s’ajoutent aux nombreux mails déjà rédigés. Patricia (1) compte également envoyer une lettre manuscrite de plusieurs pages à la directrice de l’Ehpad de Vannes.

Patricia et Noémie (1) travaillent ou ont travaillé à l’Ehpad Orpea Le Cliscouët, situé à Vannes (Morbihan). Selon elles, malgré les révélations de janvier 2022 parues dans le livre-enquête Les Fossoyeurs, rien n’aurait changé dans cet Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Elles témoignent pour « sauver les résidents ». Et des démarches pour alerter sur la « maltraitance » sont en cours. La direction dit avoir « renforcé les actions en termes d’éthique et d’intégrité ».

Je n’ai plus de mot pour expliquer ce qu’il se passe dans l’Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, NDLR) ​Orpea de Vannes (Morbihan). ​Patricia (1), aide-soignante au sein de l’institution, ne décolère pas.

Mise à pied en juillet 2022, elle évoque une injustice :Être consciencieuse dans cet établissement, ça porte préjudice. ​La gorge nouée, elle se désole : Personne ne prend en compte le bien-être du résident, rien n’est fait dans l’intérêt de celui-ci.

​Car selon elle, et malgré les révélations de janvier 2022 parues dans le livre enquête Les Fossoyeurs , rien n’a changé. Pour Patricia, la situation a même empiré : Des soignants profitent de ces révélations pour dire qu’il y a un manque de moyens, que l’on devrait être mieux payé. Mais à côté de ça, ils n’utilisent pas leur temps pour être avec le résident.

Des résidents « punis » par des soignants

Sans détour, elle relate des faits de maltraitance ​subis par les résidents, de la part de soignants : Une collègue mettait sa main dans la protection d’une dame de 94 ans, pour savoir si c’était mouillé et s’il fallait la changer ou non.

Elle se souvient aussi d’une résidente sous oxygène, transférée d’un lit à une chaise, puis laissée en plein soleil et sans eau gélifiée à disposition. Et que dire de l’hygiène inexistante des pieds de cette personne. Ou d’une autre, punie ​par des aides-soignantes et qui refusaient de la laisser dormir.

« Jamais une chose de positif à dire sur les résidents »

Noémie (1), ancienne employée de l’Ehpad, corrobore ces dires : Les protections et les draps ne sont pas changés, car « c’est du gaspillage ». Pendant le repas, des soignants ramassent les assiettes avant même qu’ils aient mangé. Certains crient aussi sur les résidents, les poussent​, peste-t-elle.

Outre la manière de s’adresser aux patients, Patricia mentionne le manque d’intimité et de discrétion : Les informations concernant une personne étaient données depuis la chambre d’une autre. ​Et en salle de transmission, lieu d’angoisse pour l’aide-soignante, il n’y avait jamais une chose de positif à dire sur les résidents​.

Numéro maltraitance, mails et lettre manuscrite

Que ce soit au travers de discussion en face-à-face, de transmissions écrites ou de mails rédigés, les deux femmes ont alerté la direction. Elles ne cessent aussi de multiplier les appels au numéro maltraitance.

Patricia compte également envoyer une lettre manuscrite de plusieurs pages à la directrice de l’Ehpad de Vannes. Révoltée, elle assure : Pour rien au monde je n’arrêterai mes démarches, je n’ai plus rien à perdre. Je fais cela pour le bien des résidents. En espérant qu’il y ait moins de maltraitance. ​Noémie, elle, témoigne pour les sauver​ : La situation ne changera que si les responsables prennent conscience de la maltraitance.

La direction : « Notre équipe a toujours été attentive »

Contactée, la direction a répondu par mail. Notre équipe a toujours été attentive à prendre en considération les attentes des résidents et à adapter l’accompagnement et la prise en charge de chacun en fonction de ses besoins,​indique-t-elle. À la suite d’entretiens individuels avec des résidents et familles, de réunions du conseil de la vie sociale ou par le biais de notre enquête de satisfaction annuelle, nous avons toujours mis en place des actions pour améliorer nos pratiques et prestations, et nous continuerons à le faire.

Et d’ajouter que,d’une manière plus générale, après la parution du livre, Orpea a mis en place une plateforme d’écoute à destination des résidents et familles et a renforcé les actions en termes d’éthique et d’intégrité. Ces actions s’inscrivent dans l’ambition plus large d’engager un vaste plan de transformation, qui répondra à trois priorités : la sécurité et les conditions de travail de nos collaborateurs ; la qualité du soin et de l’accompagnement ; et les principes éthiques qui guident nos actions (exemplarité, rigueur et exigence).

Un droit d’alerte déclenché par la CGT

On ne voit pas les choses s’améliorer dans les établissements Orpea. Il y a toujours un déni de la situation​, déplore des élus de la CGT. À la suite d’une visite au sein de la résidence Cliscouët, à Vannes, ils ont déclenché un droit d’alerte pour danger grave et imminent, jeudi 4 août 2022.

Quatre démissions pour le mois de juin 2022

En cause, notamment, des conditions de travail dégradées et un sous-effectif permanent. La direction reconnaît qu’il y a une pénurie de personnel, mais dit que c’est une situation généralisée dans le système hospitalier​, retrace la CGT.

Les élus demandent ainsi le recrutement de personnel diplômé et en CDI. La majorité des employés étant des intérimaires ou des CDD. Et beaucoup de gens ont démissionné. Pour le mois de juin 2022, quatre personnes ont quitté l’établissement de Vannes​, précise le syndicat.

À l’issue d’une réunion nationale, mardi 23 août 2022, la direction nous a promis que les salaires seraient revus à la hausse et de rénover le dialogue social avec les représentants du personnel​. Le syndicat assure qu’une nouvelle visite dans l’établissement aura lieu dans les prochains mois.

« Absence de danger grave et imminent »

Sur ce point, la direction de l’établissement tient à préciser que suite au droit d’alerte, une enquête conjointe a été menée par la direction et le CSE de l’entreprise. Cette enquête a permis de répondre aux éléments soulevés et d’apporter des solutions. Sur la base des réponses ainsi apportées, les élus représentant des salariés ont voté lors d’une réunion du CSE et se sont prononcés, à la très grande majorité (16 voix sur 18), pour une absence de danger grave et imminent au sein de l’établissement ».

La direction souligne que les conditions de travail des équipes sont un des points d’attention particuliers quotidien ​et s’attache «à remplacer systématiquement les salariés absents ». La bienveillance entre collègues est une valeur fondamentale », ​affirme la direction avant d’indiquer être confrontée à une pénurie de personnel soignant diplômé, comme l’ensemble de la profession en France​. Pour autant, elle rétorque qu’« on ne peut pas parler de sous-effectif durable​.

(1) : prénoms d’emprunt

(*) : numéro national dédié à lutter contre les maltraitances envers les personnes âgées et les adultes en situation de handicap : 3977.

Marie DESEVEDAVY et Étienne MVÉ.

source: https://www.ouest-france.fr/bretagne/morbihan/temoignage-ephad-orpea-de-vannes-je-n-ai-plus-de-mot-pour-expliquer-ce-qu-il-se-passe-740686d2-194c-11ed-8966-3007dca06e95

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