TÉMOIGNAGE. Médecin, il attend six heures aux urgences pour une rage de dent : « Ça m’a scandalisé »(OF.fr-12/09/23)

En Finistère, la pénurie de dentistes se fait sentir (Photo réalisée le 7 avril 2020 en Ille-et-Vilaine).

Après une « expérience désastreuse » pour une rage de dent aux urgences de l’hôpital de Brest, à l’été 2023, Marc Coiffey, médecin à Quimper (Finistère), souhaite attirer l’attention sur « un état sanitaire alarmant » et attend « un vrai sursaut ».

Le 28 août 2023, Marc Coiffey, ophtalmologue installé à Quimper (Finistère), écrit à l’Ordre des dentistes, à l’hôpital Morvan de Brest et à l’Agence régionale de Santé. L’objet de ses missives : son « mécontentement » quant à la gestion des urgences dentaires en Finistère.

« Je suis tombé des nues »

Quelques jours auparavant, début août, Marc Coiffey est en vacances et souffre d’une rage de dents. « J’ai appelé mon dentiste qui était en congé début août, j’ai appelé des dizaines de dentistes libéraux. J’ai eu soit des gens en vacances, soit des répondeurs ou des secrétariats expliquant qu’on ne prend pas de nouveaux patients.  Les dentistes dans le Finistère sont complètement submergés de travail. »

Il finit par contacter le 15 (Samu) et « aboutit » aux urgences dentaires de l’hôpital Morvan, à Brest. « Je suis tombé des nues. Six heures d’attente, debout, dehors. Rien pour abriter les gens du soleil. Je suis arrivé à 9 h du matin, il y avait déjà vingt personnes.  Le personnel était admirable, compétent, efficace, mais c’est au niveau de la logistique que ça coince. Ça m’a scandalisé que l’on en soit là. »

Il regrette aussi que les vacances des professionnels ne soient pas « alternées » : « Mais si on demande aux professionnels ces efforts-là, il faut que la classe politique fasse ce qu’il faut. Tout ceci est dû à l’incurie de nos politiques. »

Former, la solution ?

Pourtant, en ophtalmologie, il faut aussi s’armer de patience pour obtenir un rendez-vous. Il défend : « Je sais que c’est partout pareil dans la santé, la situation sanitaire du pays est dramatique, mais j’ai l’impression que le dentaire, on n’en parle pas du tout. En ophtalmologie, le lobby des verriers et des opticiens a fait en sorte que notre pénurie soit énormément médiatisée. On a essayé de former du personnel paramédical. Je suis installé depuis 1985 et le syndicat des ophtalmologistes a poussé l’alerte dès les années 1980 sur le manque de spécialistes. Mais rien n’a été fait du côté politique depuis cinquante ans. »

Il s’adresse aux différentes institutions et structures locales « comme on lance une bouteille à la mer ». Selon lui, « la première chose à faire serait d’augmenter le nombre de dentistes en formation. Le résultat ne se verra pas tout de suite, mais si on ne fait rien dès maintenant, ça n’ira pas en s’arrangeant. »

« La situation est très problématique »

Contacté, le centre hospitalier de Brest (Finistère) « déplore les griefs évoqués et tient à présenter ses excuses pour les désagréments rencontrés ». Il dénombre « plus de 19 000 passages programmés en odontologie », au-delà des urgences dentaires.

Le centre hospitalier (CHI) détaille : « Plusieurs facteurs expliquent la situation. Structurels, liés à l’accueil de l’ensemble des personnes dans le service (zones d’attente restreinte). Le CHU est malheureusement contraint de constater que la crainte de ne pouvoir être admis aux urgences incite les personnes à vouloir conserver leur place dans la file d’attente […] Nous remercions les patients pour leur compréhension dans un contexte de démographie professionnelle qui reste peu favorable (la formation des futurs praticiens est dépendante des capacités d’accueil). » En 2022, l’établissement comptait 11 548 passages aux urgences, contre 8 970 en 2019.

« On est dans le creux de la vague »

De son côté, le conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes du Finistère rappelle : « Beaucoup de dentistes, quand ils sont en vacances, prennent des remplaçants. Mais c’est sûr qu’il y a moins de dentistes. Et puis il y a aussi l’afflux touristique, surtout dans le secteur sud du Finistère. Nous instruisons en moyenne 180 à 200 demandes de remplacements dans les cabinets libéraux sur la période de juillet et août. »

Il continue : « La situation est très problématique. Il y a des jeunes qui arrivent mais ils ne s’installent pas tout de suite, ou ils souhaitent s’installer avec d’autres pour partager les frais, en matériel, en secrétariat etc. Et, en même temps, il y a beaucoup de départs à la retraite. On est dans le creux de la vague. »

« On sait que c’est compliqué, on le voit tous les jours. L’hôpital de Brest prend aussi les urgences mais il commence aussi à être débordé. » Au total, 689 chirurgiens-dentistes sont inscrits en exercice (libéraux et hospitaliers) au tableau de l’Ordre du Finistère.

Source: https://www.ouest-france.fr/sante/temoignage-medecin-il-attend-six-heures-aux-urgences-pour-une-rage-de-dent-ca-ma-scandalise-b16d8e98-4bec-11ee-baa4-3ed981c2f823

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