TÉMOIGNAGE. « Mon corps est usé : dans le bâtiment, la retraite devait être à 60 ans pour tous ». ( OF.fr – 27/01/23 )

Jean-François Prual, artisan installé à Quessoy, est administrateur de la Capeb 22, le syndicat patronal représentant l’artisanat du bâtiment, depuis un an.
Jean-François Prual, artisan installé à Quessoy, est administrateur de la Capeb 22, le syndicat patronal représentant l’artisanat du bâtiment, depuis un an.

​Artisan sableur installé à Quessoy (Côtes-d’Armor), Jean-François Prual, 57 ans, a eu « le moral dans les chaussettes » quand il a vu qu’il devrait attendre 64 ans pour prendre sa retraite. Il raconte la pénibilité d’un métier qu’il aime pourtant. Mardi 31 janvier, il manifestera contre la réforme.


« J’ai 57 ans. Je devais partir à la retraite à 61 ans et je me disais que j’allais bien tenir jusque-là. Mais d’un coup, on retarde de trois ans mon départ à la retraite et j’ai le moral dans les chaussettes. » 
Jean-François Prual, artisan sableur installé à Quessoy (Côtes-d’Armor), s’est mis à son compte quand il avait 40 ans, après deux décennies de salariat bien remplies.

« J’avais 30 ans et j’étais déjà bien esquinté »

Il raconte : une formation de départ en chaudronnier dans l’industrie, une première expérience de manœuvre en 1987, une autre formation de chef de chantiers… Il travaille ensuite pendant quatre ans comme maçon à la Scobat de Trégueux, mais des problèmes de dos l’arrêtent une année et il se retrouve licencié pour inaptitude physique. « J’avais 30 ans et j’étais déjà bien esquinté. »

Il se reconvertit alors comme commercial et, pendant une décennie, il vend du matériel de chantier et des produits chimiques. Lui qui, gamin, travaillait à la ferme de son oncle, toutes les vacances, aime le boulot manuel. À 40 ans, donc, il décide de monter sa boîte de maçonnerie. Artisan, sans salarié. « Le bâtiment m’a rappelé », dit-il de façon imagée. Les douleurs le rattrapent pourtant, à 49 ans, et il doit se faire opérer de la hanche. Bien qu’encore fragile, il reprend le travail après cinq mois d’arrêt seulement, quand sa trésorerie est à sec.

Afin d’épargner à son corps des charges trop lourdes, il bifurque vers le sablage et investit dans des machines. « C’est une activité un peu moins physique que la maçonnerie. Du moins en théorie, parce que, dans les faits, si je sable un escalier ou des poutres, je passe la journée avec les bras levés. »

Jean-François Prual dit qu’on s’habitue à la souffrance. Lui vit avec. Il se rend plusieurs fois par trimestre chez l’ostéo, fait des séances de cryothérapie, va jusqu’à Lyon consulter un magnétiseur réputé. « J’ai arrêté les anti-inflammatoires pour ne pas me détraquer complètement. Je suis usé. Pourtant, j’ai un grand gabarit – 1,85 m, 100 kg – et j’avais une force de bagnard, mais elle décline. Avant, je portais les plaques de plâtre par deux ; maintenant, je me fais aider. On a un potentiel d’énergie qui s’amenuise. »

Des chéneaux de plus de 40 kg transportés à dos d’homme

Surtout si le corps a été soumis à rude épreuve par des semaines de 210 heures, le travail de nuit parfois, des chéneaux de plus de 40 kg à transporter à dos d’homme, quand les engins de chantier ne passent pas. Longtemps, aussi, Jean-François Prual n’a pas eu de repos le dimanche, parce qu’il retapait deux appartements en prévision d’un complément de retraite, qu’il savait pas mirobolante.

La perspective de travailler trois ans de plus ne passe pas. « J’avais commencé à réfléchir à ma fin de carrière, j’ai acheté un nouveau camion pour ce qui devait être les dernières années. Et là, tout se casse la figure. »

La pénibilité, pas reconnue à sa juste mesure

Il insiste sur la pénibilité du métier, qui, dit-il, n’est pas reconnue à sa juste mesure. « Pour tous les métiers du bâtiment, la retraite devait être à 60 ans. Je vois les gars autour de moi : les couvreurs, maçons, peintres, même les plombiers qui doivent porter seuls les ballons d’eau chaude… Chaque matin, mon voisin plâtrier commence sa journée par une séance chez le kiné, avant d’aller bosser. »

Alors à la manifestation du 31 janvier contre la réforme des retraites ? « J’y serai. »

Par Emmanuelle MÉTIVIER.

Source : TÉMOIGNAGE. « Mon corps est usé : dans le bâtiment, la retraite devait être à 60 ans pour tous » (ouest-france.fr)

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