TÉMOIGNAGES. « Déprimant » : à Rennes, le calvaire des étudiants qui cherchent un logement. (OF.fr – 02/09/23)

Trouver un logement étudiant, à Rennes, est un parcours du combattant, qui a démoralisé plus d’une famille.
Trouver un logement étudiant, à Rennes, est un parcours du combattant, qui a démoralisé plus d’une famille. | ARCHIVES EDDY LEMAISTRE, OUEST-FRANCE

Par Émile BENECH.

Alors que la rentrée scolaire, mardi 5 septembre 2023, approche, tous les étudiants de Rennes n’ont pas encore de logement. Loin de là. Pour eux comme pour leurs familles, la panique commence à monter.

Un sentiment de désespoir, d’abandon. Que faire, quand la rentrée approche à grands pas, et qu’aucun logement n’est disponible ? Beaucoup d’étudiants arrivant à Rennes se trouvent dans cette situation ubuesque.

Ils sont des dizaines et des dizaines à fouiller frénétiquement les sites d’annonces locatives, à répondre à toutes les offres sur les groupes Facebook dédiés, tout en essayant d’éviter les arnaques qui pullulent en ligne. Sans rien trouver. Pour eux et leurs familles, l’angoisse monte. La colère aussi.

Trois mois de recherches

Murielle Corre a 50 ans. Elle tente d’aider comme elle peut sa fille, 18 ans, qui rentre en licence Arts du spectacle et cinéma, à Rennes 2. « On a eu les résultats de Parcoursup le 1er juin 2023. Depuis, c’est l’enfer, soupire-t-elle. On n’a rien trouvé du tout ! »

Lorsqu’elle a commencé ses recherches, elle espérait qu’avec son budget de 600 €, elle pourrait trouver un T1, meublé ou non, dans Rennes.

Voici l’indice de tension locative établi par LocService.fr, rapportant le nombre de demandes d’étudiants pour une offre de logement sur cette plateforme de mise en relation entre propriétaires et locataires :

La quinquagénaire a vite déchanté. « On a perdu énormément de temps sur des annonces frauduleuses, avant de se tourner vers les agences. Mais les logements étaient pris d’assaut. Et quand on s’est résolu à augmenter notre budget, les biens n’étaient plus accessibles pour les étudiants ! »

Après l’agacement, c’est le découragement qui pointe. « Ma fille commence dans moins d’une semaine. On a regardé Airbnb : c’est près de 2 000 € pour 15 jours. Sur Booking, on n’a aucune réponse, se désole la mère de famille. Heureusement, on a un fils qui vit à Nantes. Elle va donc devoir dormir chez lui et faire l’aller-retour, matin et soir, jusqu’à ce qu’on trouve une meilleure solution. »

Allers-retours quotidiens entre Brest et Rennes

Brestoise de 26 ans, Assibahati Ali est dans la même galère. Elle sait depuis le 6 juillet qu’elle est prise à l’Institut de préparation à l’administration générale (Ipag) de Rennes, pour préparer les concours de la fonction publique. Presque deux mois plus tard, elle est toujours sans logement. « J’ai commencé par envoyer mon dossier à toutes les résidences locatives pour étudiants. Soit on m’a mis sur liste d’attente, soit on m’a indiqué que c’était complet. »

C’est vraiment déprimant, on veut se concentrer sur la rentrée, mais c’est impossible dans ces conditions— Assibahati Ali, Brestoise de 26 ans

Elle se tourne alors vers les groupes spécialisés dans la diffusion d’annonces immobilières sur Internet : Le Bon Coin, Se Loger ou encore Ouest-France Immo. Sans succès. « Mon budget était de 500 €, pour un T1. Mais c’est apparemment impossible à trouver », regrette-t-elle.

Pour sa rentrée, elle fera des allers-retours entre Brest et Rennes, soit au moins 4 h de trajet par jour. « C’est vraiment déprimant, on veut se concentrer sur la rentrée, mais c’est impossible dans ces conditions », explique-t-elle, dépitée.

Jusqu’à 200 demandes par logement

Cette situation n’inquiète pas seulement les étudiants et leurs familles. Martin Giboire, directeur du développement du réseau d’agences Giboire, estime que la situation rennaise est inédite. « C’est encore trop tôt pour avoir des chiffres consolidés du marché locatif, mais on se rend d’ores et déjà compte qu’il y a beaucoup plus de demandes cette année. Et bien moins de logements remis en location… »

Ces derniers jours, les appartements que son groupe a mis en location à Rennes recevaient jusqu’à 200 demandes. « On arrive à un point où on est obligé de faire comme à Paris et de prendre des dossiers en amont des visites, pour ne pas être débordé par les visites. »

Le chiffre d’étudiants a grimpé en flèche à Rennes, passant de 61 500 en 2011 à 73 750 en 2021, selon le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Le Crous ne compte que 5 450 places dans ses résidences étudiantes. Pour remédier à ce problème, la métropole prévoit la livraison de 30 000 logements sur les six prochaines années.

Une situation qui ne va pas s’arranger

Mais, même avec ces nouveaux bâtis, Martin Giboire reste inquiet sur la capacité du marché à absorber les nouveaux étudiants. « Il y a moins d’investisseurs et, donc, moins de logements disponibles, explique Martin Giboire. De plus en plus de personnes préfèrent louer leur appartement sur Airbnb plutôt que sur le marché locatif basique, réduisant encore davantage l’offre », ajoute-t-il.

Les nouvelles législations environnementales, notamment les contraintes liées au diagnostic énergétique, ont également retiré des logements du marché« Face à cette pénurie, les étudiants qui quittaient habituellement leur logement entre juin et septembre, préfèrent le garder pendant cette période. Bref, la situation est très inquiétante pour les familles comme pour les agences. »

Rémi commence dans trois semaines, il ne peut pas faire l’aller-retour entre Le Havre et Rennes tous les jours. C’est 280 km, c’est juste impossible !— Laurence Le Batteux, 53 ans

Inquiète. C’est comme ça que se définit Laurence Le Batteux, 53 ans, qui vit au Havre (Seine-Maritime). Son fils, 21 ans, rentre en 3e année à l’Institut des hautes études économiques et commerciales (Inseec) de Rennes. « On le sait depuis fin juin. On n’avait pas beaucoup d’exigences, on voulait juste un meublé, pour un budget de 600 €. » Mais ils n’ont rien trouvé non plus. « Rémi commence dans trois semaines, il ne peut pas faire l’aller-retour entre Le Havre et Rennes tous les jours. C’est 280 km, c’est juste impossible ! »

« J’ai passé mes vacances à chercher »

Pour Frédéric Verno, 52 ans, c’est le soulagement. Après presque deux mois de recherches, il a enfin trouvé un logement étudiant pour sa fille, qui rentre en master 1 de Langues étrangères appliquées à Rennes 1. « On a d’abord été très surpris par le nombre de fausses annonces sur Le Bon Coin, donc on s’est rapidement tourné vers les agences. On les a toutes faites, des plus grosses aux plus petites. On a dû faire 25 kilomètres en une journée, mais ça n’a rien donné. »

En raison d’une forte demande, nous ne sommes plus en mesure de prendre de nouvelles candidatures par téléphone— Une agence immobilière rennaise

Le quinquagénaire sent l’angoisse monter, et appelle quotidiennement les agences. C’est pire. L’une d’entre elles fait tourner en boucle un message annonçant qu’en raison d’une trop forte demande, elle n’est plus en mesure de prendre les appels téléphoniques.

« J’avais trois semaines de vacances, je les ai passées à chercher un logement. Le matin, à 8 heures, on se connectait tous, on passait nos journées sur Le Bon Coin. » Ses critères ? « À la fin, on n’en avait plus du tout. On aurait pris n’importe quoi, sourit-il. Ma fille payait 530 € à La Rochelle, mais on s’est vite rendu compte qu’on allait devoir augmenter notre budget. »

Finalement, sur un coup de chance, il trouve un appartement. 750 € pour 48 m2. « Je me sens miraculé, glisse-t-il. Mais j’imagine les étudiants qui n’ont rien, ça me rend vraiment triste. C’est vraiment dur. »

Source : TÉMOIGNAGES. « Déprimant » : à Rennes, le calvaire des étudiants qui cherchent un logement (ouest-france.fr)

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