TÉMOIGNAGES. Les Soulèvements de la Terre : « Le mouvement ne va pas s’éteindre » (OF.fr-27/10/23)

Le 2 juillet dernier, les Soulèvements de la terre ont mobilisé 500 personnes contre l’accaparement de terres agricoles sur la future zone d’activités Océane à Verrières-en-Anjou.

Le rapporteur du Conseil d’État devrait se prononcer ce vendredi 27 octobre en faveur de la dissolution du collectif les Soulèvements de la terre. Des militants racontent leur engagement au Courrier de l’Ouest.

Par Emmanuel POUPARD

Au moment des présentations, une première question se pose. Le soulèvement n’a pas de leader. Nous avons une structure horizontale et collective. Nous avons certes des porte-parole mais nous ne voulons pas apparaître comme ceux qui incarnent le mouvement.

Denis et Maxime sont investis dans les Soulèvements de la terre Angers. Sans se cacher pour autant, ils ne veulent pas tirer la couverture à eux. Nous sommes près de 200 personnes, ici, susceptibles de participer à des actions, signale Denis, ingénieur agronome de formation aujourd’hui à la retraite et ancien salarié de l’Ademe. En même temps, nous sommes capables de mobiliser 500 personnes comme le 2 juillet dernier contre le projet de zone économique La Nouvelle Océane portée par Angers Loire Métropole à Verrières-en-Anjou.

« Des actions non violentes »

Constitués d’organisations militantes écologiques (Extinction Rébellion, Justice climatique Angers), d’organisations syndicales, d’organisations paysannes ou de personnalités politiques ou médiatiques, les Soulèvements de la terre se définissent comme un collectif multiple, destiné à construire un réseau de luttes locales tout en impulsant un mouvement de résistance et de redistribution des richesses.

Denis et Maxime ont rejoint le mouvement, déterminés à faire bouger les lignes sur la problématique et les enjeux climatiques. La moitié des espèces vivantes aura disparu dans 100 ans, détaille Denis, domicilié à Brain-sur-Longuenée. 60 % des animaux sauvages ont déjà disparu en 40 ans. La vitesse d’extinction des espèces est 10 à 100 fois supérieure à la plus grande extinction de masse et 1 000 fois plus élevée qu’il y a 100 ans. 69 % des vertébrés ont disparu depuis 1970 et 83 % des invertébrés. Et 99 % de ce qui est autorisé aujourd’hui est légal et normal alors que cela détruit l’environnement.

Le constat est saisissant. Et réel. Ces données, on ne les invente pas. C’est le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat N.D.L.R.) ou l’ONU qui le disent dans leurs rapports, appuie Maxime, 44 ans, artisan dans le bois aux Ponts-de-Cé et militant associatif depuis vingt ans.

Les Soulèvements de la terre ont vu le jour au niveau national en janvier 2021, initiés par une assemblée de 200 personnes réunie à Notre-Dame-des-Landes. Depuis, des comités locaux ont vu le jour. Le Maine-et-Loire en compte sept : Angers, Saumur, Écuillé, Durtal, Doué-Montreuil-Bellay, Loire et Layon.

Chaque comité local peut s’approprier des sujets de lutte, signale Denis. En revanche, tous les comités partagent les revendications communes du mouvement. Nous sommes résolument contre l’accaparement des ressources que ce soit l’eau, la terre, les forêts, les énergies fossiles, par un petit nombre de gens alors que ce sont des biens communs !, grogne Denis. Cet accaparement est également colonial, lâche Maxime. On se bat contre le capital.

Pour arriver à leurs fins, les activistes des Soulèvements de la terre se donnent tout moyen, dont la désobéissance civile, comme le 17 octobre à Saint-Léger-de-Linières. Nous menons des actions non-violentes qui ont pour objet d’interpeller les décideurs politiques, insiste Denis, qui n’écarte pas d’autres modes d’actions comme le blocage, l’occupation, la manifestation de masse. Nous voulons alerter l’opinion publique face à une violence sociale sans précédent, née du capitalisme.

« Ces dirigeants n’en ont rien à faire ! »

Nous ne décidons pas ces formes d’expression de manière gratuite. Ce n’est pas quelque chose qui nous anime, qui nous a motivés à rejoindre ce mouvement, tempère Maxime. Nous sommes contraints à ces formes de radicalisation puisque nous ne sommes pas entendus par le gouvernement, les élus locaux. Des dispositions légales existent pour se faire entendre comme la manifestation, la pétition, le recours juridique mais les projets continuent, comme si de rien n’était. »

Maxime et Denis le constatent : l’artificialisation des terres, responsable de la chute de la biodiversité, continue de plus belle. Nous en sommes à 21 000 ha d’artificialisation par an, soit le même chiffre qu’en 2015, déplore Maxime. La moyenne nationale est de 9 % alors que nous sommes à 11 % en Pays de la Loire, renchérit Denis. Ce qui rend malade, ce sont les dirigeants qui n’en ont rien à faire !, déclare Maxime.

« Ils savent ce qu’est un terroriste ? »

Pour autant, ils font bouger des lignes. Nous avons fait reculer le plan local d’urbanisme intercommunal d’Angers qui prévoyait la destruction de 54 ha de zones humides. Nous avons réussi à épargner 30 ha, rappelle Denis. Pour autant, cette victoire s’avère bien maigre, selon eux. Malgré les discours du président Macron ou du ministre Béchu, on ne voit pas beaucoup d’évolutions concrètes, regrettent-ils. Alors qu’on nous qualifie de terroristes ! Mais ils hallucinent au gouvernement. Ils savent ce qu’est un terroriste ? Nous sommes clairement dans une démarche politique, qui vise à faire changer les choses, enchaîne Denis.

Et ce mouvement, comment est-il perçu par les deux activistes ? Oh, on nous colle une étiquette d’agitateurs, avec plus ou moins de légitimité, estime Denis. D’autres nous mésestiment complètement.

On nous compare à de doux rêveurs ou de gentils écolos, rapporte Maxime. Beaucoup de jeunes ont rejoint les Soulèvements et je ne pense pas que le mouvement va s’éteindre, bien au contraire. »

A lire également: Soulèvements de la terre : le rapporteur public du Conseil d’État pour la dissolution (Ouest-france.fr -25/10/23) https://www.ouest-france.fr/politique/institutions/conseil-detat/soulevements-de-la-terre-le-rapporteur-public-du-conseil-detat-pour-la-dissolution-6f9fa91e-7352-11ee-8ee4-6d23d2858b34

Source: https://www.ouest-france.fr/environnement/temoignages-les-soulevements-de-la-terre-le-mouvement-ne-va-pas-seteindre-f6b606fe-741b-11ee-95a0-ef7bd8d1bd16

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/temoignages-les-soulevements-de-la-terre-le-mouvement-ne-va-pas-seteindre-of-fr-27-10-23/

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