TÉMOIGNAGES. « Paperasse, normes… On en a ras-le-bol »: ces agriculteurs expliquent leur colère (OF.fr-23/01/24)

« Paperasse, normes… »: ces agriculteurs ont exprimé leur colère ce mardi 23 janvier, comme ici dans le Finistère. ).
« Paperasse, normes… »: ces agriculteurs ont exprimé leur colère ce mardi 23 janvier, comme ici dans le Finistère. ). | GUILLAUME SALIGOT / OUEST-FRANCE

Les agriculteurs finistériens ont été les premiers Bretons à se mobiliser, ce mardi 23 janvier 2024. À l’appel de la FDSEA et des JA, ils se sont installés sur la voie express à hauteur de Quimper et ont investi la RN 12 à Morlaix. « Trop de paperasses », « trop de normes éloignées du terrain », ils réclament des actes de la part de Paris et de Bruxelles.

Par Nelly CLOAREC, Sarah HUMBERT, Jean-Marc PINSON et Soizic ROBET.

L’Occitanie a lancé le mouvement. Le Finistère n’a pas tardé à embrayer. Des tracteurs venus de différents points de Cornouaille ont rallié Ergué-Gabéric, tout près de Quimper, peu avant 15 h, ce mardi 23 janvier 2024.

Les moteurs ont été éteints sur la quatre voies, fermée à la circulation sur décision du préfet une heure auparavant, avec la volonté d’y installer un campement. « On le tiendra aussi longtemps qu’il sera possible de le tenir… », entendait-on dans l’après-midi, autour des bottes de foin assemblées sous le pont. Une trentaine de tracteurs étaient alors stationnés sur la deux fois deux voies. Une quarantaine d’agriculteurs étaient présents, aménageant le camp pour la nuit.

Une trentaine de tracteurs, une quarantaine d’agriculteurs se sont installés sur la voie express 165 à hauteur d’Ergué-Gabéric près de Quimper (Finistère), ce mardi 23 janvier 2024 à partir de 15 h. | GUILLAUME SALIGOT / OUEST-FRANCE

Quelques heures plus tard, à 17 h 30, la RN 12 était bloquée à hauteur de Morlaix, conséquence de la jonction du mouvement des agriculteurs partis respectivement de Saint-Pol-de-Léon et Landivisiau.

La fédération annonçait des actions ce mercredi à Carhaix. Le pont de l’Iroise, à Brest, sera bloqué dans la matinée.

Lire aussi : Cinq questions sur la colère du monde agricole qui gagne la France

« Lourdeurs administratives », « charges qui explosent », « aucune visibilité sur les prix du lait »… Qu’ils élèvent des porcs, de la volaille, qu’ils produisent du lait ou des légumes, les agriculteurs, appelés « au blocage des routes » par la FDSEA (fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) et les JA (Jeunes agriculteurs), disent subir les mêmes difficultés. Ils considèrent aussi ne pas être entendus « là-haut », par les élus nationaux et européens.

Lors du blocage de la RN165 par les agriculteurs notamment de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs (JA) du Finistère, ce mardi 23 janvier 2024, au niveau du Rouillen à Ergué-Gabéric (Finistère) | GUILLAUME SALIGOT / OUEST-FRANCE

« Avant de s’installer, de faire des travaux, il faut payer »

La directive sur les émissions industrielles de l’Union européenne revient dans toutes les conversations : « Un jeune qui veut s’installer avec 150 truies devra d’abord payer entre 15 000 € et 45 000 €, coût de l’enquête publique… sans avoir l’assurance de pouvoir s’installer », déplore ainsi Maxime Da Rocha, président Jeunes agriculteurs (JA) du canton est de Quimper. Nicolas Le Goff, éleveur de porcs à Plouhinec, partage cet avis : « On nous oblige à nous moderniser. Mais engager des travaux a pour conséquence de déclencher une enquête avec les frais qui vont avec : c’est absurde. »

Lire aussi : Colère des agriculteurs : en Ariège, Marc Fesneau souligne l’« émotion dans le pays »

« Fenêtres et dalle béton, c’est non »

Il est « fils de paysan », il « est né dedans ». Romain Quenet, 25 ans, a repris l’exploitation de ses parents de Plomeur, en Pays bigouden, il y a un an. En « connaissance de cause. J’ai bien réfléchi à l’investissement. Il ne faut pas se mettre la tête sous l’eau dès le début ». L’éleveur de volailles dénonce la quantité de « paperasse » à remplir : « J’y passe une journée sur mes sept jours de travail quand mon père y consacrait une journée par mois, à ses débuts, en 1992. »

Soutenez-vous la mobilisation des agriculteurs ?

Le jeune actif a l’impression d’être « dépossédé » de son expertise, au regard des réglementations à appliquer, des normes à suivre. « Il est ainsi conseillé d’installer des fenêtres et une dalle béton dans le poulailler pour le bien-être des animaux. C’est un investissement lourd, que je ne veux pas engager. Je connais mon métier. Si cela devient obligatoire, il y aura un élevage en moins. » À ses côtés, un collègue lance : « Sur 100 € d’un panier de consommateur, 8 € en moyenne reviennent à l’éleveur. »

Lors du blocage de la RN165 par les agriculteurs à hauteur d’Ergué-Gabéric, près de Quimper (Finistère). | GUILLAUME SALIGOT / OUEST-FRANCE

« À 1 000 € par mois, est-ce qu’on vit ? »

De nombreux agriculteurs viennent de descendre de leur tracteur, sur la RN12. Parmi eux, Denis Le Hir, 36 ans, installé depuis 2009 dans le pays de Morlaix. L’agriculteur produit des légumes : « On bosse pour payer les charges. On fait des journées de dix heures. 1 000 € par mois : on en vit ? Les prix de vente, par rapport à l’époque de mes parents ont un peu augmenté, mais les charges ont été multipliées par cinq ! » Le légumier souhaite « passer en bio, pour aller à la « pioche » aux aides, à la prime à la PAC (Politique agricole commune) et essayer de continuer sereinement l’activité ». Il conclut : « Qu’on ne nous rajoute pas des taxes et qu’on prenne en considération nos efforts pour réduire les fertilisants. »

« Tout le monde veut consommer français mais à pas cher »

Steven Derrien produit du lait depuis quinze ans à Scaër. « Je connais le prix du lait de janvier. Pas celui de février. On n’a aucune visibilité », regrette-t-il. À cette contrainte s’ajoutent « les charges qui ne cessent d’augmenter, les collègues européens qui n’ont pas le même cahier des charges et qui partagent le même marché que nous. Tout le monde veut consommer français mais à pas cher. On ne peut pas tirer de revenus avec ce qui nous est demandé. Moi, je me tire un salaire parce que je suis installé depuis quinze ans, parce que je n’ai pas investi comme un fou. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde ».

Source: https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/crise-agricole/temoignages-paperasse-normes-on-en-a-ras-le-bol-la-colere-des-agriculteurs-dans-le-finistere-665ee22a-ba10-11ee-9ea4-b02fbeb9c343

URL de cet article : https://lherminerouge.fr/temoignages-paperasse-normes-on-en-a-ras-le-bol-ces-agriculteurs-expliquent-leur-colere-of-fr-23-01-24/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *