“Souvenez-vous… Hôpitaux saturés, planc blanc, services funéraires débordés, les halles réfrigérées du marché de Rungis réquisitionnées pour servir de chambres mortuaires.”
Jacques Witt/SIPA
Dans une tribune, le Collectif Santé en Danger alerte sur l’état de l’hôpital et des urgences de notre pays alors qu’une canicule est en train de mettre à l’épreuve ces derniers.
On finirait par croire que les saisons s’inspirent de nos films catastrophes. La mission flash à peine dévoilée qu’une nouvelle urgence s’abat sur le système de soin : la canicule. Météo France alerte : notre pays va être touché par une nouvelle vague de chaleur. Nous revient alors en mémoire la canicule de 2003. Les urgentistes avaient tiré la sonnette d’alarme : urgences débordées, travaillant dans des conditions difficiles, et annonçant 8 000 décès probables. Bilan : en août 2003, la mortalité a été plus élevée d’environ 15 000 décès en comparaison à la moyenne des années précédentes en France, et 70 000 à l’échelle européenne.
Souvenez-vous… Hôpitaux saturés, plan blanc, services funéraires débordés, les halles réfrigérées du marché de Rungis réquisitionnées pour servir de chambres mortuaires. Nous voilà, vingt ans plus tard, à l’épreuve du dérèglement climatique avec des phénomènes météorologiques de plus en plus fréquents et intenses. En parallèle, notre système de santé est encore plus malade, plus de 130 services d’urgences fermés totalement ou partiellement, au moins 10 % des maternités en grande difficulté, les Ehpad négligés, le secteur médico-social abandonné, la psychiatrie en voie d’extinction… Il serait faux d’affirmer que depuis vingt ans rien n’a été proposé mais à l’évidence, les vœux sont pieux et les actions restent en dessous des besoins réels.
LE TEMPS DE L’URGENCE
L’été 2022 et les records de température annoncés imposent des aménagements horaires pour protéger les salariés de certaines professions, dans le secteur du BTP par exemple. Seulement, la maladie ne choisit ni les horaires ni les saisons. Encore une fois, les soignants répondront présents. Mais dans quelles conditions vont-ils devoir travailler ? Souvent plus de 28 °C dans des bâtiments non écoconçus, équipes soignantes déjà épuisées et en sous-effectif constant (départs massifs, arrêts maladies, congés d’été…), et augmentation de la charge de travail liée aux conditions extrêmes.
Certes, le plan Canicule 2022 est activé depuis le début du mois de juin. Mais ce plan s’appuie juste sur le bon sens populaire : rester au frais, se protéger du soleil, fermer les fenêtres et les volets côté ensoleillé et boire le plus possible… Chacun appréciera la haute valeur ajoutée de ces préconisations ! L’urgence climatique impose le tempo et le rythme s’accélère. L’installation de films anti-chaleur aux fenêtres, qui rejettent 85 % des rayonnements, voire de panneaux réfléchissants pour renforcer l’isolation des murs doit être généralisée aux endroits les plus exposés. Cela temporiserait le recours massif aux climatiseurs énergivores. En ces temps de reprise épidémique, et alors que l’aération des locaux relèvera de l’impossible, les purificateurs d’air devraient être la norme évidente dans tous les lieux recevant du public.
Par ailleurs, prévenir la déshydratation des plus fragiles astreint le personnel à une présence plus importante. Seulement les soignants continuent de fuir des conditions de travail insensées et les bras manquent inexorablement. Fatalement, le recours à la solidarité et au bénévolat sera encore nécessaire ces prochaines semaines pour assurer un besoin vital auprès des plus vulnérables.
PRÉVENTION AMBITIEUSE
Malgré les rappels à l’ordre de Dame Nature avec des phénomènes météorologiques plus fréquents et plus intenses, la politique de prévention n’a pas été la priorité ces vingt dernières années. Depuis sa création, le Collectif Santé en Danger alerte sur les risques climatiques, notamment les canicules. Au printemps 2022, lors du « Vrai Ségur de la Santé », des propositions solides et concrètes ont été rédigées à l’issue d’auditions de professionnels de terrain et d’usagers de la santé : la mise en place de ratios soignants-soignés, l’allègement des charges administratives, la décarbonation du système de la santé, un programme concret de prévention et de promotion de la santé environnementale doivent figurer parmi les priorités.
La gestion des risques et des crises réclame exigence et rigueur. Le rythme doit être tenu car la canicule jouera le chef d’orchestre dès mercredi. La création d’un nouveau ministère de la Santé et de la Prévention, ainsi que la nomination de docteur François Braun à sa tête apporterait-il un nouveau vent de fraîcheur ? Nous espérons que son expérience de plus de trente ans de terrain l’aidera à dépasser les injonctions politiques souvent contraires à l’intérêt général.
Ce lundi, il ordonnait l’application des 41 propositions de la mission flash. Gageons alors qu’autant d’autorité sera mise en œuvre dans la gestion de cette crise, pour la sécurité des soignants et des soignés. Préserver et pérenniser notre système de santé impose un travail de longue haleine dans lequel nous sommes prêts à nous engager immédiatement. Ni flagorneries, ni attaques, le Collectif Santé en Danger se veut force de propositions et ne jugera que sur les actions concrètes.
Par Collectif santé en danger