Un lourd désaveu pour le gouvernement : la dissolution des Soulèvements de la Terre suspendue par le Conseil d’État (fnlp-14/08/23)

Depuis 2017, alors même que les activités de la société civile ont cessé de nombreux mois pendant la pandémie, les gouvernements d’Emmanuel Macron ont prononcé la dissolution de trente-quatre associations, soit, en six ans, plus du tiers de la centaine de groupements interdits durant les soixante-cinq ans d’existence de la Cinquième République. Pendant les dix ans de sa présidence, marquée par la fin de la guerre d’indépendance de l’Algérie et les évènements de Mai 1968, le général De Gaulle n’avait réussi à en dissoudre que vingt-sept. La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a fait son œuvre : elle porte bien une atteinte grave à la liberté d’association qui présente, pourtant, une valeur constitutionnelle depuis le 16 juillet 1971.

Ce texte introduit, en effet, une disposition étendant considérablement le champ de la dissolution administrative des associations et groupements de fait prévue à l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure notamment pour agissements violents, action armée, atteinte à l’intégrité du territoire national, opposition au rétablissement de la légalité républicaine, collaboration avec l’ennemi et provocation à la discrimination, à la haine et à la violence : « Pour l’application de l’article L. 212-1, sont imputables à une association ou à un groupement de fait les agissements mentionnés au même article L. 212-1 commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité ou directement liés aux activités de l’association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants, bien qu’informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient. » Si un provocateur infiltré dans une association ou l’un de ses membres incontrôlé agit de manière inconsidérée, le groupement peut être dissous sans autre forme de procès.

Le Conseil d’État n’avait pas porté une appréciation très sévère sur le projet de loi lorsqu’il avait rendu son avis sur le texte avant son vote et sa promulgation. Il avait également validé la dissolution administrative de l’association Barakacity1, puis du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF)2 pour provocation « à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ».

Dans l’affaire des Soulèvements de la Terre (SLT), le juge des référés du Conseil d’État, saisi d’une demande de suspension du décret du 21 juin 2023 portant dissolution de ce collectif sans personnalité morale auquel participent de nombreuses associations de défense de l’environnement, a fait preuve, en revanche, d’une fermeté salutaire. En dépit des propos hallucinants de M. Darmanin, ministre de l’Intérieur, qualifiant « d’éco-terroristes » les SLT, au motif qu’ils avaient participé, en mars, à la mobilisation contre la méga-bassine de Sainte-Soline – une diversion médiatique pour tenter de faire oublier les violences policières d’État (deux cents blessés parmi les manifestants dont quarante-sept grièvement atteints) et l’attitude passive des forces de l’ordre face aux personnes mutilées observées ce jour-là dans les Deux-Sèvres -, à cette étape, le juge a considéré le décret de dissolution des SLT du 21 juin 2023 comme présentant « un doute sérieux quant à [sa] légalité ».

La motivation de l’ordonnance3 est un lourd désaveu pour le gouvernement : « la dissolution des Soulèvements de la Terre porte atteinte à la liberté d’association et crée pour les requérants une situation d’urgence » ; « ni les pièces versées au dossier, ni les échanges lors de l’audience, ne permettent de considérer que le collectif cautionne d’une quelconque façon des agissements violents envers des personnes ». Tout est dit et laisse raisonnablement présager pour les SLT, même si une surprise ultime est toujours possible, une issue favorable de ce contentieux, essentiel pour l’ensemble du monde associatif.

À ce stade, cette décision ne peut que renforcer l’engagement de la Fédération nationale de la Libre Pensée dans son combat pour la défense de la liberté d’association, aujourd’hui gravement mise en péril par la loi dite « séparatisme ».

Abrogation de la loi du 24 août 2021 !

Paris, le 14 août 2023

1 CE, ord. 25 octobre 2020, Barakacity, n° 445774 et 445984. 2 CE, 24 septembre 2021, CCIF, n° 449215. 3 CE, Ord., 11 août 2023, Soulèvements de la Terre et autres, n° 476385, 476396, 476409 et 476948.

Source: https://www.fnlp.fr/2023/08/13/un-lourd-desaveu-pour-le-gouvernement-la-dissolution-des-soulevements-de-la-terre-suspendue-par-le-conseil-detat/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/un-lourd-desaveu-pour-le-gouvernement-la-dissolution-des-soulevements-de-la-terre-suspendue-par-le-conseil-detat-fnlp-14-08-23/

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