Un néonazi soupçonné d’avoir agressé un attaché parlementaire LFI déguerpit en Ukraine. ( Mediapart – 24/05/23 )

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À gauche, César A. le 29 avril au Stade de France, à droite, quelques semaines plus tard en Ukraine, arme à la main. © Photo DR

Selon nos informations, plusieurs néonazis français liés à des groupuscules comme le GUD ou au groupe de hooligans « Jeunesse Boulogne » viennent d’arriver en Ukraine pour y combattre. Parmi eux, César A., récemment accusé d’avoir participé au passage à tabac d’un attaché parlementaire LFI, et un ex-militaire ayant participé à la manifestation néofasciste parisienne du 6 mai dernier.

Dix jours à peine séparent les deux clichés du même homme. Le premier qui a fait le tour de la presse et des réseaux sociaux le montre dans les travées du Stade de France le soir du 29 avril dernier, à l’occasion de la finale de la Coupe de France. Torse nu, on le voit arborer une flopée de tatouages parmi lesquels une « kolovrat », symbole représentant une double croix gammée, en vogue chez les néonazis. La seconde image, diffusée le 8 mai sur Instagram, le montre cette fois-ci en Ukraine où il s’est engagé comme volontaire pour combattre face à l’armée russe. Entre-temps, le nom de cet homme, César A., a été révélé par StreetPress pour son implication présumée le soir du match au Stade de France dans le passage à tabac de Théo C., attaché parlementaire LFI dont Mediapart a recueilli le témoignage.

Un départ vers l’Ukraine motivé ou précipité par les risques judiciaires encourus ? Interrogé par Mediapart, César A. n’a pas répondu à nos questions.

C’est en tout cas ce que laissent penser les écrits de l’un de ses camarades à son propos : « De recherché par les flics à soldat en Ukraine. » Un scénario qui n’est pas sans rappeler la brève cavale en mars 2022 de l’ex-membre du GUD (Groupe Union Défense) Loïk Le Priol, principal suspect dans l’affaire de l’assassinat en plein Paris de l’ancien rugbyman Federico Martin Aramburú. Il avait été interpellé en Hongrie, à deux pas de la frontière le séparant du conflit auquel il voulait prendre part d’après Le Parisien. 

Ayant pour sa part bel et bien atteint le territoire ukrainien, César A. s’est engagé auprès du bataillon « Revanche », une formation liée au mouvement ultranationaliste orthodoxe « Tradition et Ordre » bien en vue dans certaines sphères d’extrême droite à l’international. Il y a d’ailleurs retrouvé des compatriotes, à l’instar du néonazi lyonnais auteur du message précédemment cité, et auquel notre partenaire Rue 89 Lyon consacre un article.

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César A. (à droite), « Kenneth », Paul et un quatrième volontaire français en Ukraine. © Document Mediapart

Lui qui se fait appeler « Kenneth » est un militant du groupuscule « Lyon populaire », héritier de l’éphémère Bastion social fondé par le GUD et dissous en 2019 en Conseil des ministres. Après avoir combattu en Ukraine de septembre à novembre 2022, il est rentré quelque temps en France puis est retourné « au front de l’Est » pour « chassé du rouge » (sic) aux environs de mars dernier. Contacté via les réseaux sociaux, il n’a pas répondu à nos questions.

Un profil qui fait écho aux inquiétudes des services de renseignement quant aux ressortissants français qui ont combattu ou combattent encore en Ukraine – une centaine au total selon les estimations de la DGSI, dont une trentaine de membres connus de l’ultradroite. Un parcours qui correspond également au phénomène que Mediapart décrivait dans un article récent : la proximité du conflit et les facilités pour voyager dans l’espace européen permettant des allers-retours.

Justement, dans la soirée du 22 avril dernier, ce sont deux néonazis qui étaient interpellés à Paris de retour du front ukrainien. Dans leurs sacs, ils transportaient des chargeurs de fusil d’assaut et des optiques de visée classés en armes de guerre. L’un, Guillaume A., a croisé le chemin de « Kenneth » en Ukraine, au moins le temps de prendre la pose conjointement en effectuant un salut nazi. Le second, Alan V., était un ancien militaire renvoyé de l’armée après avoir été épinglé par Mediapart dans une enquête publiée en juillet 2020. Une carrière similaire à celle d’un homme que nous appellerons Paul, un autre comparse de « Kenneth » et César A., lui aussi fraîchement arrivé en Ukraine mais dont nous ignorons l’identité réelle.

Un temps engagé au sein du deuxième régiment étranger parachutiste (2e REP) de la Légion étrangère, Paul appartient tout comme César A. au groupe de hooligans néonazis « Jeunesse Boulogne ». Militant politique, il est également membre du GUD Paris reformé depuis peu notamment sous la houlette de Marc de Cacqueray-Valménier, ex-leader du groupe dissous Zouaves Paris devenu en l’espace de quelques années une figure centrale de la mouvance.

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César A., Paul et Marc de Cacqueray-Valménier en avril 2023 lors d’un entraînement sportif organisé en région parisienne ayant réuni de nombreux militants d’extrême droite. © Document Mediapart

Cache-cou marqué de l’emblématique rat noir du GUD parfois remonté sur le visage, Paul a participé à la manifestation néofasciste parisienne ayant défrayé la chronique le 6 mai dernier. Sur les images, il apparaît aux côtés d’un quarteron de militants triés sur le volet au sein de la cour de l’immeuble où se terminait ce défilé. Là même où étaient également présents Axel Loustau et Olivier Duguet, les deux ex-trésoriers de Marine Le Pen dont la participation à l’événement a fait grand bruit après les révélations de Mediapart.

Contacté, Paul n’a pas répondu à nos questions. Interrogée sur sa carrière militaire et les éventuelles sanctions dont il aurait pu faire l’objet en raison de ses engagements, l’armée n’a pour l’heure pas donné suite à notre demande.

Ainsi, contrairement à la plupart des profils de Français engagés en Ukraine jusqu’alors identifiés par Mediapart et d’autres médias, César A., « Kenneth » et Paul bénéficient de liens solides au sein de divers groupuscules en France. S’ils ne forment pour l’heure qu’un contingent aux effectifs limités, leur exemple pourrait pousser d’autres militants à les rejoindre. À moyen terme, fort d’une réelle expérience de combat, l’influence qu’ils pourraient avoir sur la mouvance en cas de retour dans l’Hexagone interroge également.

Auteur : Sébastien Bourdon et Arthur Weil-Rabaud

Source : Un néonazi soupçonné d’avoir agressé un attaché parlementaire LFI déguerpit en Ukraine | Mediapart

URL de cet article : Un néonazi soupçonné d’avoir agressé un attaché parlementaire LFI déguerpit en Ukraine. ( Médiapart – 24/05/23 ) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)

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