Un professeur de philosophie suspendu à cause de ses opinions politiques (IO.fr-28/05/23)

Franklin Nyamsi, professeur de philosophie au lycée Val-de-Seine, en Seine-Maritime, vient d’être suspendu pendant trois mois sans traitement par le ministère de l’Education nationale. (une salle de cours)

Par Didier CARSIN

Franklin Nyamsi est défendu par un de ses collègues, professeur lui aussi de philosophie, Didier Carsin.

Mon collègue exerce depuis des années en lycée, il est également chargé de cours à la faculté de Rouen, il est très apprécié de ses collègues. Il s’exprime depuis des années comme citoyen sur les réseaux sociaux contre la Françafrique. Il a formulé ces critiques sous Sarkozy et sous Hollande, donc déjà avant l’arrivée de Macron.

Mais c’est sous la présidence de Macron qu’il a commencé à être inquiété, en 2021. Il a d’abord reçu des remarques et mises en garde du rectorat. 

Précisons : aucun reproche ne lui a été adressé sur le plan professionnel, aucun reproche non plus pour un quelconque prosélytisme. D’ailleurs, ses collègues de l’université ont fait une lettre pour sa défense pour protester contre la sanction.

Le seul reproche pour le frapper d’une sanction disciplinaire, c’est son expression régulière, publique, contre la Françafrique. Pour les autorités de l’Education nationale, cela contrevient au devoir de réserve, et à partir de ce reproche, le rectorat a convoqué un conseil de discipline demandant une sanction contre Franklin Nyamsi.

L’Education nationale décide, le ministre Ndiaye renchérit et sanctionne

A ce conseil de discipline, en décembre 2022, la totalité de la représentation syndicale (Snes, FO, Sgen, Snalc) a voté contre la sanction. Le rectorat n’a donc pas pu prendre la sanction qu’il voulait. C’est le ministère de l’Education nationale qui a décidé, seul, une exclusion de trois mois sans traitement à l’encontre de Franklin Nyamsi.

L’affaire fait du bruit. Il y a eu, quelque temps après, une sanction contre un autre enseignant de philosophie. Le ministre Pap Ndiaye est intervenu sur un plateau télé et a justifié les sanctions, en invoquant le devoir de réserve.

Il y a eu ensuite un article dans Le Monde, où un responsable ministériel de la Commission de déontologie s’exprimait en comparant le devoir de réserve du fonctionnaire au devoir de loyauté demandé à un salarié dans le privé à l’égard de l’employeur. Ce parallèle est étrange et très problématique.

Franklin Nyamsi ne s’exprime pas sur son employeur, et quand bien même il le ferait en tant que citoyen, je ne vois pas où serait le problème. Chacun peut prendre connaissance chaque mois de tribunes individuelles ou collectives signées dans de grands journaux par des citoyens, parfois enseignants, et qui font mention de leur profession. Et aucune sanction de la sorte n’a jamais été prononcée.

C’est un précédent très grave : trois mois sans traitement

Je m’interroge. Pourquoi le ministre a-t-il tenu à s’exprimer à la télévision pour justifier cette sanction jamais vue ?

Est-ce qu’il s’agit de montrer qu’en s’exprimant publiquement contre la Françafrique ou sur tout autre sujet, les professeurs sont désormais sous la menace permanente d’une sanction ?

Cela va à l’encontre de leurs droits comme citoyens, en ignorant les articles 10 et 11 des droits de l’homme et du citoyen. 

La dernière sanction au-dessus, c’est la révocation. Franklin Nyamsi conteste son exclusion. Il a engagé une procédure, avec un appui syndical, au tribunal administratif. Tout est fait pour lui nuire, il a été frappé par la clôture de ses comptes bancaires, sans qu’il comprenne pourquoi.

Il est important de prendre sa défense largement. C’est une question de principe de ne pas laisser faire un tel précédent. Une pétition académique a été lancée pour sa défense à l’initiative de la totalité des syndicats, qui demande : la levée de la sanction et le respect de la liberté d’expression.

Extraits du communiqué des organisations syndicales FO, FSU, Snalc, CFDT, CGT, Sud et Unsa de l’académie de Normandie (19 avril) « Absolument rien n’est reproché à ce collègue dans l’exercice de ses fonctions. Que ce soit en classe, avec ses élèves, en dehors de sa classe dans ses échanges avec les parents d’élèves, ses collègues ou l’administration, jamais il n’a fait état de ses convictions politiques. (…) Ce qui lui est reproché, ce sont uniquement ses prises de position sur les réseaux sociaux. Il y dénonce en effet depuis longtemps et avec force la politique étrangère de la France en Afrique. Cela suffit pour le condamner et lui interdire d’exercer son métier. Il n’est pas du ressort des organisations syndicales de discuter des opinions et des analyses de Franklin Nyamsi ; elles peuvent plaire, ou non, ce n’est pas le problème. Cela doit nous alerter sur l’extension démesurée que le ministère de l’Education nationale entend donner au « devoir de réserve ». Le ministère considère que toute activité sur les réseaux sociaux qu’on peut rattacher, directement ou indirectement, à la fonction de professeur tombe désormais pour lui sous le coup de ce devoir, que tout dénigrement de la politique d’un gouvernement particulier de la France doit être sanctionné, dès lors qu’il émane d’un enseignant (…). C’est pourquoi la Fnec FP-FO, la FSU, le Snalc, le Sgen-CFDT, la CGT Educ’Action, Sud Education, le SE-Unsa de l’académie de Normandie sont fermement opposés à toute sanction visant ce collègue. »

Source: https://infos-ouvrieres.fr/2023/05/28/un-professeur-de-philosophie-suspendu-a-cause-de-ses-opinions-politiques/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/un-professeur-de-philosophie-suspendu-a-cause-de-ses-opinions-politiques-io-fr-28-05-23/

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