Violences dans un collège breton : comment expliquer un silence de près 50 ans ? (OF.fr-11/03/25)

Collège Saint-Pierre, Le Relecq-Kerhuon. | BERNARD DIDIER (POUR ADEUPA BREST) / COLLECTION DES ARCHIVES DE BREST.

Dans quel contexte se sont exercées les violences exercées dans des établissements catholiques finistériens entre la fin des années 1960 et le début des années 1980 ? Éléments de réponse.

Par Emmanuelle FRANCOIS.

« Il faut remettre les choses dans leur contexte », disent la majorité des Finistériens interrogés sur la violence dans divers écoles et collèges catholiques, qui accueillaient 50 % des élèves bretons du primaire et secondaire dans les années 1970. Un contexte « de la reconstruction, où les professeurs avaient été prisonniers de guerre », pour Jean-Luc B., ancien élève du collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon, dans les années 1970. Fin février 2025, un collectif regroupant une cinquantaine d’anciens élèves s’est créé pour dénoncer « la terreur » qu’ils y ont vécue.

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Un contexte dans lequel les établissements catholiques « étaient beaucoup moins organisés qu’aujourd’hui, avec un recrutement bien plus local », selon le directeur diocésain Christophe Geffard. Un contexte dans lequel « on ne se plaignait pas aux parents ; ils auraient pensé que si un curé tapait, c’est qu’il avait ses raisons, où qu’on exagérait », selon Jean, ancien élève d’un collège-lycée brestois, qui n’a pas oublié le rayon martinet d’un magasin.

Et pourtant, « cela leur coûtait cher de nous envoyer dans ces établissements. Ils avaient une réputation à tenir et le faisaient par la violence ».

« Ils ne se sont pas remis de leur passage au collège »

« Souvent, les parents eux-mêmes sollicitaient ce genre de placements, quand ils n’y arrivaient plus », détaille Yvon Tranvouez, professeur émérite en histoire contemporaine à l’Université de Bretagne occidentale, co-auteur du Dictionnaire des lycées catholiques de Bretagne (1). Dans les années 1960, on disait aux enfants : « Si tu ne travailles pas, tu iras dans tel ou tel collège. »

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Certains élèves s’en sont bien sortis. « J’ai eu une scolarité magnifique, affirme avec force Jean-Luc D., collégien à Saint-Pierre entre 1973 et 1976. Sans cet établissement, je n’aurais jamais eu mon BEPC et fait ma belle carrière. »

D’autres en portent, 50 ans après, les séquelles : « Beaucoup d’anciens camarades sont devenus alcooliques, dépressifs ; ils ne se sont pas remis de leur passage au collège, poursuit Jean. Moi, les profs m’ont convaincu que j’étais nul. Si tu n’as pas de soutien, ou pas la force de caractère, tu t’enfonces. »

Un paysage qui a profondément changé

« Trois choses ont profondément changé le paysage à partir des années 1960-1970, affirme Yvon Tranvouez. La mixité, la disparition des internats avec le développement des transports en commun et la fin des prêtres professeurs, soit parce que les priorités des congrégations changent soit parce que leurs vocations se tarissent. »

Les parents, aussi, ont changé. « Quand je suis arrivé dans le Finistère en 1983, depuis la Polynésie, un professeur m’a soulevé en l’air par les deux oreilles et mis deux baffes quand je suis retombé, se souvient Jean. Pour nous, c’était normal. Maintenant, il se prendrait un procès. »

(1) Dictionnaire des lycées catholiques de Bretagne, presses universitaires de Rennes, 656 pages, 45 €

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Source: https://www.ouest-france.fr/faits-divers/violences/violences-dans-un-college-breton-comment-expliquer-un-silence-de-pres-50-ans-d3f6345c-fdd3-11ef-96f1-e130525ba9af

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