Vous avez dit « rupture » ? (IO.fr-17/09/25)

Le 10 septembre des centaines de milliers sont sortis en bloc pour exprimer leur refus de la politique de Macron et sa poursuite avec la nomination de Lecornu Premier ministre. La journée du 18 se charge du contenu d’une puissante mobilisation pour en finir avec leur politique.

Par Pierre VALDEMIENNE.

Alors que le mouvement profond de refus en cours depuis des mois et des mois s’est exprimé, cette fois, ce 10 septembre, dans une mobilisation massive, dans des blocages significatifs et des puissantes manifestations qui ont rassemblé des centaines de milliers de personnes, au même moment s’est tenue la passation de pouvoir entre François Bayrou et Sébastien Lecornu. Une cérémonie « éclair » au cours de laquelle le nouveau Premier ministre a déclaré : « Il va falloir des ruptures. »

De son côté, et alors qu’il est amené à échanger avec Sébastien Lecornu ce mercredi, le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, a affirmé vouloir « montrer au gouvernement, au patronat et à celles et ceux qui se refusent à plus de justice que le moment est venu de rompre avec ce qui a été conduit depuis huit ans » (France 2, 15 septembre).

Quant à Marine Le Pen, invitée du journal télévisé de 20 heures, jeudi 11 septembre, elle a déclaré : « Il faut une rupture avec le macronisme. C’est la rupture ou la censure. »

Mais de quelle « rupture » parle-t-on ?

Dans la bouche de Sébastien Lecornu, la « rupture » pourrait faire sourire, tant il est celui qui incarne le plus le macronisme depuis ses origines. Il est le seul à avoir été de tous les gouvernements depuis 2017. Le nouveau locataire à Matignon, qui conserve le portefeuille des armées en attendant la nomination de son gouvernement, est celui qui a porté le budget militaire à 57 milliards d’euros cette année, puis à 64 milliards l’an prochain, soit un doublement des crédits militaires en 10 ans. Il est celui qui a conduit, avec une fidélité irréprochable, la politique belliciste et anti-ouvrière d’Emmanuel Macron depuis huit ans1.

Et ce n’est pas l’annonce « cosmétique » de la fin des avantages à vie des anciens ministres – « pour une durée limitée » ! – ni même l’annulation de la suppression de deux jours fériés qui vont faire de Sébastien Lecornu un homme de « rupture ». D’ailleurs, ne vient-il pas, dans la continuité parfaite de François Bayrou, de proposer à la CFDT – qui lui a dit non – de relancer le « conclave » sur les retraites ?

Dans la bouche d’Olivier Faure, la « rupture », c’est un « contre budget » qui prévoit, excusez du peu, 22 milliards d’« efforts » – dont, pour exemple, 5,4 milliards d’économies sur les dépenses de l’État. En clair, ce que nous promet Olivier Faure, c’est la continuité des coupes claires dans les budgets des services publics.

Dans la bouche de Marine Le Pen, la « rupture », c’est d’abord et avant tout une accentuation de tout le dispositif déjà en place contre les immigrés pour tenter de diviser la classe ouvrière et désigner des « boucs émissaires » pour protéger les nantis et leurs institutions. Ce n’est en tout cas pas la rupture avec le soutien total à Netanyahou et les horreurs de Gaza. C’est la continuité de la politique de la VeRépublique, dont elle ne cesse de se revendiquer. À l’occasion du vote de confiance, lundi 8 septembre dernier, n’a-t-elle pas déclaré : « Nous, nous respectons les institutions, notamment l’institution présidentielle, nous n’appelons pas à la destitution » , appelant en revanche à revenir « aux sources, en suivant le fil rouge qu’indiquent les institutions et, pour notre République, la loi fondamentale qu’est notre Constitution » ?

Si tous ces dirigeants politiques, si prompts à défendre la « stabilité » des institutions, et, une fois au pouvoir, si prompts à faire l’exact inverse de ce sur quoi ils ont été élus, en viennent à revendiquer aujourd’hui la rupture, c’est qu’ils sont soumis, comme d’autres, à une puissante aspiration qui traverse toutes les couches de la population laborieuse, à un changement radical.

Une puissante aspiration à un changement radical

À ce sujet, l’éditorialiste du journal patronal Les Échos, Cécile Cornudet, dans un article intitulé « Stabiliser ou dégager, la donne a changé » (16 septembre), s’inquiète : « L’envie de “chamboule-tout” est en train de prendre le dessus, observe le sondeur Bernard Sananès (Elabe). Et pour la première fois, la radicalité apparaît plus attractive (légèrement) que la recherche de consensus. ».

Oui, en effet, ce 10 septembre, celles et ceux qui sont sortis l’ont fait pour affirmer en bloc leur rejet total de Macron (le mot d’ordre « Macron démission » a été particulièrement repris), leur refus complet de la nomination de Lecornu comme Premier ministre, leur aspiration à une rupture radicale excluant tout « replâtrage ».

Sans oublier leur exigence d’arrêt du génocide en cours à Gaza, au moment même où l’armée israélienne intensifie ses bombardements et lance une offensive terrestre, forçant des milliers de Palestiniens à fuir.

Constituant de la crise qui s’étale au grand jour, il faut noter que ce 10 septembre en exprime beaucoup d’aspects. En particulier que cette puissante mobilisation s’est mise en place alors même que les centrales syndicales s’étaient refusées à y appeler dans l’unité, alors que les revendications étaient exactement les mêmes que celles qu’elles affichent publiquement. La date d’une journée de mobilisation du 18 septembre, décidée dans l’unité et à la hâte, apparaissait à juste titre comme une sorte de contre-feu. Mais, contradictoirement, des centaines de sections syndicales, de fédérations, en particulier de la CGT mais aussi de FO, décidaient de s’engager à fond dans le mouvement du 10 septembre, et publiquement, avec comme conséquence de nombreux secteurs avec des grèves suivies à 50 %, 60 % voire même 80 %. Avec in fine un appel au 10 par la direction de la CGT. Et en fin de compte, un appel de Solidaires, et des pans entiers de la FSU qui ont rejoint.

Il est ainsi fort probable qu’après le 10, la journée du 18 se charge du contenu d’une très puissante mobilisation encore accentuée par les palinodies du couple Macron/Lecornu. À noter aussi que la confédération FO a refusé de rencontrer le Premier ministre avant la journée du 18. À noter enfin qu’en Loire-Atlantique, une mobilisation des personnels de santé prévue de longue date a rassemblé près de 2 000 personnes devant l’ARS à l’appel du syndicat FO (cf. ci-contre). C’est ainsi que de plus en plus, se pose la question : et après ? Beaucoup ont été échaudés par les journées d’action pendant la réforme des retraites, et il est en tout cas certain que la fermeté des positions défendues et des propositions de la France insoumise (LFI) autant à l’Assemblée nationale que dans son soutien aux mobilisations et son refus d’accepter le génocide en Palestine constituent un élément, et non des moindres, de toute cette situation actuelle.

Certes, avec des méandres, des contradictions, des imprévus, des avancées et des reculs, des obstacles à lever, on doit admettre que toute la situation est marquée par ce jugement en exergue dans le titre de notre journal : « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».

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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/09/17/vous-avez-dit-rupture/

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