« 100 euros et 2 places ne remplacent pas un toit » – Des milliers d’étudiants expulsés en vue des JO (LI.fr-9/04/24)

Par Zoé PEBAY

Étudiants. « Ils nous ont dit qu’on aurait 100 euros et 2 places, mais on préfère avoir un toit que des miettes. J’ai jusqu’au 30 juin maximum pour quitter le logement, je ne sais pas comment faire ». Depuis l’annonce des expulsions d’étudiants cet été en vue des JO, les témoignages se multiplient.

Des milliers d’entre eux sont concernés : la jeunesse précaire, première victime des JO. Plus de 3 200 logements étudiants seront réquisitionnés en Île-de-France dès le mois de juin pour accueillir le personnel des JO de Paris. Des expulsions à tour de bras et pour dédommagement : 100 euros et 2 places aux JO. Si cela sonne comme une mauvaise blague, c’est pourtant le projet très sérieux du Gouvernement qui a déjà commencé à le mettre en œuvre.

Près de 3 000 d’entre eux ont déjà reçu la nouvelle par un mail du CROUS. Pourtant, à l’approche de l’été, la plupart d’entre eux ne savent pas où ils seront relogés, ni à quelle date. Une désorganisation totale, comme le reste des Jeux Olympiques. Et comme il est désormais de coutume, c’est aux plus précaires que le Gouvernement fait payer l’addition. Notre article.

Près de 3 000 étudiants expulsés dans une procédure opaque en vue des JO

Chaque année, 70% des étudiants vivant en résidence CROUS restent dans leurs logements pendant la période estivale, souvent pour travailler ou réaliser des stages. Pourtant, le Gouvernement prévoit d’en expulser près de 3 000 pour loger les athlètes et différents personnels de l’évènement sportif.

Mais où vont aller ces 3 000 expulsés ? Si le Gouvernement garantit depuis des mois un relogement « sans aucun surcoût », les solutions qu’il promet restent largement floues. À l’heure où la crise du logement bat son plein, comment organiser un relogement massif de milliers d’étudiants au sein de la capitale ? Les mois passant, la solution du Gouvernement paraît de moins en moins crédible aux yeux des étudiants qui attendent leur sentence.

En effet, aucune véritable précision sur les modalités d’expulsion et de relogement n’ont été données, si ce n’est plusieurs questionnaires envoyés aux étudiants ; sans suite pour l’instant. L’insoumission s’est entretenue avec plusieurs des jeunes expulsés dans une résidence du nord de Paris. L’un d’entre eux, Thomas [le prénom a été modifié], explique :

« Oui, on a reçu plusieurs questionnaires pour demander si on comptait rester dans les parages. Mais c’est super flou. On nous demande de dire si on veut être dans notre arrondissement ou pas, moi j’ai indiqué oui. Mais on ne nous assure pas qu’on sera accepté. En fait, c’est juste indicatif. On peut être envoyé à l’autre bout de l’Île-de-France pour les moins chanceux. Zéro nouvelle depuis ces questionnaires de toute façon. »Thomas

Beaucoup des locataires perdent patience et réclament des solutions concrètes. Les étudiants expulsés (réunis dans le collectif La ResCrous) et plusieurs syndicats étudiants étaient mobilisés ce samedi 6 avril devant le ministère des Sports et des JO pour dénoncer la situation et réclamer des mesures d’urgences. Pour l’instant, ni la ministre en question, ni celle de l’Enseignement supérieur n’ont répondu à leurs attentes.

Une décision jugée « indigne et handicapante » pour des jeunes en difficulté

À presque 100 jours des Jeux Olympiques, les concernés ne savent donc rien de leurs conditions d’hébergement pour l’été. Pour la plupart d’entre eux, cette attente devient de plus en plus problématique. En pleine période d’examens finaux et de recherche de stage ou d’emploi, l’incertitude quant à leur déménagement pose de grands problèmes d’organisation aux étudiants.

« Je me fais expulser deux jours après mon examen final, je n’aurai pas le temps de préparer mon déménagement avant » s’inquiète Honoré au micro de France Inter. Benjamin, étudiant au CROUS dans le 18e arrondissement, dénonce lui aussi ce silence, dans un témoignage pour L’insoumission : « On ne peut pas se projeter pour les stages. Moi, j’aimerais travailler pendant les vacances, pour faire des sous. n» Comme Benjamin, des milliers d’autres étudiants recherchent un emploi saisonnier ou un stage d’étude.

Mais pour l’heure, ils ne peuvent apporter aucune garantie de présence à leur employeur. « Je n’ai aucun moyen de savoir si je vais vraiment être relogée ici alors que je dois m’organiser. Si jamais leur relogement marche pas, ce dont j’ai de plus en plus peur, j’aurais pas d’autre choix que de rentrer chez mes parents, à 5 heures d’ici. Donc je devrais essayer de trouver un stage là-bas en urgence, mais ça va être franchement compliqué », explique une autre étudiante dans la même situation.

Pour beaucoup, l’angoisse d’être relogés en Île-de-France, trop loin de leur possible lieu de travail, grandit. C’est aussi la peur d’être relogés dans « des résidences insalubres, qui sont non-rénovées et qui contiennent des cafards, des punaises de lits, des fuites d’eau…» nous confie une responsable du collectif d’étudiants expulsés.

Crise du logement et explosion de la précarité étudiante : le Gouvernement répond en expulsant les jeunes

La décision du Gouvernement d’expulser près de 3 000 étudiants apparaît comme une énième provocation, à l’heure d’une profonde crise du logement qui touche les étudiants partout en France. Ce sont en effet plus de 250 000 logements étudiants qui manquent depuis septembre.

Et pour les plus chanceux d’entre eux qui obtiennent un logement CROUS, c’est trop souvent à des résidences dégradées et insalubres qu’ils doivent faire face. La grande enquête sur le mal-logement étudiant du syndicat l’Union Étudiante témoigne d’une réalité alarmante : 87 000 étudiants ont entamé leur année universitaire sans logement, 1 étudiant sur 2 est mal logé, 7 étudiants sur 10 subissent des nuisances sonores, et 6 sur 10 ont froid chez eux.

Bref, une situation de précarité du logement que le Gouvernement a jusqu’ici ignoré. Dans ce contexte, les expulsions estivales sont perçues comme un « énième coup de massue » par beaucoup d’étudiants.

Et cette crise du logement n’est pas la seule épreuve – olympique ! – que les étudiants doivent affronter. Depuis la crise du Covid-19, la précarité étudiante explose. Plus de la moitié des étudiants ont moins de 100 euros de reste à vivre, un sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, et les files d’attente devant les distributions alimentaires s’allongent en continu.

Baisse des APL, refus du repas à 1 euro pour tous, augmentation des loyers CROUS, et désormais : expulsions. Le Gouvernement s’entête dans une politique anti-jeunes, pour des étudiants qui ont déjà le sentiment d’être la « génération sacrifiée ». La plupart des étudiants expulsés disent espérer des réponses claires du Gouvernement, et demandent à être « davantage considérés en tant qu’étudiants précaires ».

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Source: https://linsoumission.fr/2024/04/09/etudiants-expulses-jo/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/100-euros-et-2-places-ne-remplacent-pas-un-toit-des-milliers-detudiants-expulses-en-vue-des-jo-li-fr-9-04-24/

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