Assurance chômage : Attal veut imposer une « négociation » au pas cadencé (IO.fr-4/04/24)

Dès fin février, le Premier ministre a déclaré vouloir « rouvrir le chantier » de l’indemnisation des chômeurs. Il a renouvelé son annonce le 27 mars, mettant la pression sur les organisations syndicales pour qu’elles accompagnent l’économie de guerre voulue par le gouvernement.

Par Gabriel CARUANA.

Gabriel Attal a fait par de ses intentions alors qu’un accord sur l’indemnisation du chômage a été signé il y a trois mois. L’agrément du gouvernement en est suspendu. Celui-ci exige en effet que la négociation sur les séniors (« pacte de la vie au travail ») débouche sur une mise en œuvre de la réforme des retraites pour l’indemnisation des chômeurs âgés (recul de deux ans des bornes d’âge). Mais sans même attendre la fin des discussions, Gabriel Attal et Bruno Le Maire exigent dès maintenant des durcissements des règles pour tous les chômeurs, au motif du « retour au plein-emploi ».

Ce coup de force a donné lieu le 18 mars à la publication par les cinq secrétaires généraux des confédérations ouvrières d’une tribune libre intitulée « Il faut stopper la stigmatisation populiste des chômeurs ». Ils y « appellent solennellement » le gouvernement à « renoncer à cette réforme budgétaire qui rognera les droits à l’assurance chômage et supprimera l’ASS » lui demandant de « renouer avec le pacte social ».

Réduire la durée d’indemnisation

Et c’est en direct, au 20 heures de TF1, que Gabriel Attal leur a répondu le 27 mars : « J’ai demandé à ma ministre du Travail de préparer de nouvelles négociations, qu’on puisse relancer une discussion avec les partenaires sociaux autour d’une vraie réforme, plus globale de l’assurance chômage. Une des pistes, c’est de réduire cette durée d’indemnisation de plusieurs mois. »

Deux autres « pistes » ont été évoquées : toucher au temps minimal qu’il faut avoir travaillé pour bénéficier du chômage – aujourd’hui six mois lors des deux dernières années – et le « niveau d’indemnisation du chômage ».

Et le Premier ministre est net sur le « pacte social » qu’il attend : « On va laisser les partenaires sociaux travailler. Je veux que nous ayons les paramètres de cette réforme à l’été pour qu’elle puisse entrer en vigueur d’ici à l’automne, comme je m’y suis engagé. » Selon le gouvernement, ce serait la « générosité » supposée du système qui empêcherait la reprise d’emploi. Mais personne ne croit à cette fable : il n’y a que 2,6 millions de chômeurs indemnisés sur les 6,1 millions inscrits à France Travail. Quant à l’allocation, elle a baissé en moyenne de 17 % du fait de la réforme de 2019 pour s’établir en moyenne à 1 033 € nets par mois (près de 300 € en dessous du Smic).

« Le nœud coulant » de l’État sur les syndicats

C’est donc bien d’un élément du plan d’austérité qu’il s’agit puisque Gabriel Attal a pris la parole suite au séminaire gouvernemental sur les « déficits ». Il faut payer l’économie de guerre dans laquelle le gouvernement est en train de faire entrer le pays, et la négociation collective doit donc marcher au pas cadencé, ce qui fait écrire au très libéral journal l’Opinion : « Paritarisme, le nœud coulant de l’État se resserre ».

Ces annonces provoquent des réactions des organisations syndicales.

« On attend la lettre [de cadrage – Ndlr] » déclare Frédéric Souillot, secrétaire général de FO, « si elle est du même ton que les déclarations gouvernementales, on se posera la question d’y aller ou pas ».

« Je milite pour qu’on n’y aille pas. Ce n’est pas le rôle d’un syndicat de négocier une régression des droits », s’emporte Jean-François Foucard, le négociateur de la CGC. « Ça va devenir compliqué. Il va falloir acter la rupture », rajoute Céline Verzelleti, secrétaire confédérale de la CGT.

Pour Marylise Léon, de la CFDT, « l’assurance chômage ne peut pas être une variable d’ajustement budgétaire de l’État ». Et même du côté patronal, ce n’est pas l’enthousiasme. Le président du Medef déclare que la négociation « est envisageable », rajoutant aussitôt avec scepticisme que le plein-emploi dépend de l’activité économique.

Doutes et réticences jusque dans la macronie

Ce doute gagne aussi les rangs du camp présidentiel. Ainsi le député Sacha Houlié, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, déclare : « À partir du moment où je constate que ce n’est pas le retour à l’emploi qui est la motivation, que ce sont des économies qui sont recherchées, je dis que ce n’est pas la bonne voie. » Il assure que plusieurs cadres de la macronie seraient sur la même orientation que lui. Mais Bruno Le Maire est quant à lui intraitable. Pour pouvoir réaliser ses 10 milliards d’économies, et les 20 milliards à venir, il menace de « reprendre en mains » l’assurance chômage, gérée actuellement de façon paritaire.

Le passage est donc étroit. La pression sur les organisations syndicales pour qu’elles appliquent les décisions d’austérité guerrière sera-t-elle suffisante ?

L’agence de notation Scope, représentant les marchés financiers, note que « la France est confrontée à d’importants obstacles budgétaires, sociaux et politiques dans sa quête d’économies supplémentaires » d’ici à 2027.

Mais elle rajoute : « Des décisions politiques difficiles seront nécessaires pour réformer l’État–providence et réduire les rigidités de la dépense publique. Les mouvements sociaux pourraient empêcher des progrès rapides, vu l’ampleur de la contestation récente contre la réforme des retraites. »

C’est bien cela qui les inquiète…

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Source; https://infos-ouvrieres.fr/2024/04/04/assurance-chomage-attal-veut-imposer-une-negociation-au-pas-cadence/

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