« Je ne suis pas un pot de fleurs qu’on déplace comme ça » : des migrants hébergés en Bretagne sommés de regagner Paris (LT.fr-22/04/24)

La Cimade Bretagne, qui agit pour le droit des personnes migrantes, dit ne pas avoir d’informations sur un mouvement de fond, de la Bretagne vers la capitale. (Photo d’illustration David Brunet)

Ces derniers mois, les autorités ont poussé pour que des demandeurs d’asile prennent, depuis Paris, la direction de la Bretagne. Récemment, plusieurs de ces personnes se sont vu enjoindre de faire le chemin inverse. Le Secours catholique s’en est ému.

Par Didier DENIEL.

Julie (*) a 33 ans. Elle est née à Abidjan, en Côte d’Ivoire. « Il y a quelques années, ma mère m’a obligée à rejoindre le village familial. Plus précisément, la maison de mon oncle. Là-bas, on m’a fait travailler très dur. On a aussi voulu me marier de force et on m’a excisée. Je ne voulais pas de cette vie. Alors je suis partie. » Comme bien d’autres, elle gagnera la France après un long périple qui la mènera de la Mauritanie à la Tunisie, avant de pouvoir fouler le sol français.

En attente d’une opération au CHU

Après avoir passé plusieurs mois en région parisienne, encadrée par les services de l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration) et s’être engagée dans un processus de régularisation, Julie, qui n’a pas de famille en France, a été « transférée » à Brest. « Au début, je me demandais ce que j’allais y faire. Mais petit à petit, j’ai pris mes marques ici. » Notamment auprès du Secours catholique, où la jeune femme a trouvé l’aide nécessaire pour aller de l’avant. « Julie prend des cours de français ici. Elle est très volontaire, explique Jean-Claude Tanguy, président de l’antenne locale. Et puis, en tant que bénévole, elle nous donne un sacré coup de main. »

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Mais voilà. Il y a quelques jours, Julie a appris qu’elle devrait quitter Brest pour rejoindre la région parisienne. « Je ne comprends pas. À Brest, je suis inscrite dans un parcours de soins pour bénéficier d’une reconstruction suite à mon excision. Je devrais connaître la date de l’opération sous peu. J’en ai parlé mais personne ne m’écoute. Je ne suis pas un pot de fleurs qu’on déplace comme ça. Tout ce que je veux, c’est avancer dans la vie, devenir aide-soignante et ne rien faire d’illégal. J’ai d’ailleurs déposé un dossier de régularisation à l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), j’attends la réponse. »

Selon Jean-Claude Tanguy, Julie n’aura malheureusement pas d’autre choix que d’accepter ce déplacement. « Si elle refuse, elle perd l’aide aux demandeurs d’asile (210 euros environ) qui lui est versée chaque mois et la chambre qui est mise à sa disposition. C’est tragique. »

D’autres cas à Brest

À Brest, Julie n’est pas un cas à part. « La semaine dernière, huit autres personnes étaient dans ce cas. On ne les reverra plus, déplore Jean-Claude Tanguy. D’autres personnes, après le ramadan, sont aussi sorties de nos radars. D’autres associations, dans la ville, viennent en aide aux exilés. On peut donc estimer que le nombre de partants est bien plus élevé. »

Interrogé sur le sujet, Gérard Sadik, responsable nationale de la thématique asile à la Cimade, qui agit pour le droit des personnes migrantes, dit ne pas avoir d’informations sur un mouvement de fond, de la Bretagne vers la capitale. « C’est surprenant, mais nous avons déjà assisté à un tel mouvement par le passé, dans le cadre du schéma national d’accueil. Des places sont actuellement vacantes en région parisienne, nous le savons. C’est pourquoi de tels ajustements sont réalisés, au détriment de ce que veulent réellement les personnes concernées. »

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En fin de semaine dernière, le Secours catholique de Brest a adressé une lettre au directeur de l’Ofii. Organisme que nous avons tenté de joindre par mail et téléphone. En vain.

* Prénom d’emprunt

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Source: https://www.letelegramme.fr/bretagne/je-ne-suis-pas-un-pot-de-fleurs-quon-deplace-comme-ca-des-migrants-heberges-en-bretagne-sommes-de-regagner-paris-6570339.php

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