« Je suis mort en vrai Breton » : la dernière lettre d’un jeune Résistant de Brest à sa mère (OF.fr-3/04/24)

Guy Le Goff et Paul Kervella.
Guy Le Goff et Paul Kervella. | RESISTANCE-BREST.NET

Franck Mocaër, généalogiste, a découvert l’histoire de deux cousins éloignés, Guy Le Goff et Paul Yves Kervella, deux jeunes habitants de Brest (Finistère), des Résistants au parcours remarquable. L’un d’eux a écrit une lettre poignante à sa mère, trois heures avant son exécution par les Allemands, le 20 mai 1944.

Par Lucile VANWEYDEVELDT.

« Ce sont des exemples pour la jeunesse d’aujourd’hui. Pourquoi ne pas envisager, le 20 mai 2024, une commémoration du 80e anniversaire de l’exécution de Guy Le Goff et Paul Kervella dans les écoles brestoises ? » Franck Mocaër, Breton de Paris, a découvert l’histoire extraordinaire de deux cousins éloignés : Guy Le Goff et Paul Yves Kervella, deux Brestois âgés de 17 et 18 ans, fusillés au Mont Valérien.

« Quand tu recevras cette lettre… »

Passionné de généalogie, il a mené une véritable enquête pour retracer le parcours de ces deux jeunes Résistants. Et il a exhumé un véritable trésor : une lettre de Guy Le Goff écrite à sa mère, trois heures avant son exécution par les Allemands, le 20 mai 1944. Le texte est saisissant : « Quand tu recevras cette lettre, je serai arrivé près de papa qui m’attend là-haut, je vais également revoir marraine et tous nos chers disparus… Dis-leur que je suis mort en vrai Breton, en vrai Français. »

Pour Franck Mocaër, ce texte mérite d’être connu et lu aux élèves. « Les mots sont simples et ils véhiculent des valeurs de solidarité. Ces deux jeunes Résistants font preuve d’un esprit de responsabilité remarquable. » Ce passionné de généalogie qui travaille dans l’industrie, a mis un an et demi pour assembler le puzzle de leur vie. « Je me suis rendu compte qu’on avait des ancêtres communs. J’ai creusé et je souhaite faire connaître leur histoire. »

« Comme des frères »

Guy Louis François Marie Le Goff et Paul Yves Kervella, nés à Brest en 1926, sont cousins. Ils ont plusieurs points communs : leurs mamans se retrouvent veuves et finissent par habiter dans le même logement au 7, rue Victor-Hugo pendant la Seconde Guerre mondiale. « Ils sont élevés comme des frères, quasiment comme des jumeaux », précise Franck Mocaër. Les deux jeunes garçons deviennent secouristes à la Croix-Rouge et travaillent, en tant qu’ouvriers, à l’arsenal.

Guy Louis François Marie Le Goff a reçu, à titre posthume, la médaille de la Résistance française en 1953 et la Croix de guerre 1939-1945 avec étoile d’argent. | RESISTANCE-BREST.NET
Paul Yves Kervella était, comme son cousin, ouvrier à l’Arsenal de Brest avant d’entrer dans la Résistance. | RESISTANCE-BREST.NET

Leurs mères entrent en résistance

L’été 1943 arrive. À 16 et 17 ans, ils sont volontaires pour servir dans la Résistance en juin ou juillet. « Ils entrent dans le groupe Action directe, corps franc du mouvement de la Défense de la France, précise Franck Mocaër. Leur activité principale : imprimer et diffuser le journal du même nom. Et en octobre 1943, ils informent leurs mères de leur engagement. »

Les deux mamans, veuves, rejoignent à leur tour les rangs de la Résistance fin 1943. Elles accueillent dans leur maison des réunions des membres du groupe, les hébergent, puis stockent des armes. « Le fait qu’au 47 de la même rue se situe le poste de secours des soldats allemands illustre leur audace », note le généalogiste.

Des missions périlleuses

Les cousins se voient confier des missions de plus en plus périlleuses. Ils volent des tickets d’alimentation dans les mairies et, le 29 février 1944, dans les locaux du service de ravitaillement de la mairie de Brest, rue Danton, ils contribuent à la destruction de la liste des ouvriers requis pour le service du travail obligatoire en Allemagne. Cette action renforce la surveillance des cousins, qui montent tout de même une autre opération dans un garage. Ils volent armes et munitions.

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Victimes d’une dénonciation

Le 9 mars 1944, peu de temps avant l’arrivée d’une cargaison de deux tonnes d’armes parachutées au Faou, les deux combattants de l’ombre sont arrêtés au domicile familial, victimes d’une dénonciation. « Ils sont incarcérés et interrogés plusieurs jours, à l’école Bonne-Nouvelle de Kérinou à Brest, puis à la prison Saint-Charles de Quimper et enfin à la prison de Fresnes, énumère Franck Mocaër. La condamnation à la peine capitale est prononcée le 20 mars par un tribunal allemand de la Kriegsmarine, situé au 17 rue Jean-Jaurès. »

Morts pour la France

Les deux cousins sont exécutés par la Gestapo le 20 mai 1944, à 11 h 48, au Mont Valérien. La mention « Mort pour la France » leur sera attribuée à titre posthume par le ministère des Anciens combattants, le 19 novembre 1945.

« Tous les scolaires ont lu en 2007 la lettre que Guy Moquet avait écrite à ses parents et son petit frère, conclut Franck Mocaër. Celle de Guy Le Goff est tout aussi poignante. Des mots simples pour une belle définition du courage. »

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Une copie de la lettre de Guy Le Goff à sa mère, juste avant son exécution. | RESISTANCE-BREST.NET

La dernière lettre

Voici la dernière lettre de Guy Le Goff, 17 ans, à sa mère Marie-Françoise :

« Fresnes, le 20 mai 1944.

Ma chère maman,

Quand tu recevras cette lettre, je serai arrivé près de papa qui m’attend là-haut, je vais également revoir marraine et tous nos chers disparus. Élève toujours Noël dans le droit chemin et plus tard, quand il sera grand, qu’il donne à ses enfants mon prénom. Pardonne-moi tout le mal que j’ai pu te faire jusqu’à maintenant maman chérie.

Je demande à ce tu fasses trois messes, une à Saint-Michel, une à Kerbonne, une à Plourin. Remercie également Mme Paubet et son mari, Mme Marie et son mari et dis-leur que je suis mort en vrai Breton, en vrai Français. Vous pouvez tous porter la tête haute, car je serai digne de mon père, je ne sais pas où je serai fusillé, mais cela a peu d’importance, telles sont mes dernières volontés ; toute la part de mon héritage reviendra à Noël, sauf 3 000 Fr qui seront versées aux trois paroisses que j’ai désignées. Tu iras annoncer ma mort au Camping club – École laïque – Place Guérin à Brest. Il est 8 heures et je vais partir à 11 heures.

Je ne veux pas qu’on porte le deuil de moi. Tu mettras une plaque comme pour papa. Si vous me retrouvez mettez-moi dans le caveau de papa. Donc suivez mes conseils comme je vous le demande. Ne faites rien qui puisse vous attirer des ennuis. Je ne regrette qu’une chose, c’est de ne pas pouvoir vous embrasser une dernière fois, mais j’embrasse la lettre.

Encore une fois maman chérie, pardonne-moi tout le mal que j’ai fait, je regrette pour ce que j’ai pu te faire. Si tu viens avec le colis, remets-le au prisonnier de la cellule 476 2e division Fresnes. Je vous embrasse tous pour la dernière fois et vous envoie mon dernier baiser, à toi tantine et toute votre famille. Ton grand fils qui t’aime et qui désormais veillera sur vous ».

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Source: https://www.ouest-france.fr/bretagne/brest-29200/je-suis-mort-en-vrai-breton-la-derniere-lettre-dun-jeune-resistant-de-brest-a-sa-mere-4ed7ced8-f1a0-11ee-b9d6-e26e1f1545b0

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