Maison d’arrêt de Brest : « L’impression d’être dans un bateau qui coule » (LT.fr-3/04/24)

Si les conseillers du Spip sont tenus au devoir de réserve, leurs représentants syndicaux tapent du poing sur la table face à la surpopulation carcérale à Brest. (Photo Le Télégramme/Pierre Chapin)

Alors que la surpopulation devient chaque semaine plus critique au sein de la Maison d’arrêt de Brest, les représentants syndicaux du service pénitentiaire d’insertion et probation appellent à une « réaction immédiate ».

Par Pierre CHAPIN.

La maison d’arrêt de Brest a atteint le chiffre record de 461 détenus la semaine dernière, pour une capacité théorique de 254 places. Quelles sont les conséquences sur la vie à l’intérieure de la prison ?

Ronan Guéguéniat (CGT) : « Ce sont des cellules à trois ou quatre personnes, avec des matelas au sol… Il y a 212 places pour les hommes normalement, ils étaient 425 en milieu de semaine. Certains devraient être seuls en cellule, au vu de leur profil ou de leurs troubles, mais ce n’est plus possible. Cela crée forcément des tensions. Il y a un véritable enjeu de sécurité pour les détenus, mais aussi les personnels pénitentiaires et intervenants. Même le quartier arrivants, qui est censé être plus calme, est touché : le climat est désormais hyperanxiogène. Globalement, on peut s’estimer heureux de n’avoir pas eu de drame à déplorer ces dernières semaines. Et plus largement, cette situation bloque tout : plus il y a de détenus, moins il y a de possibilité de travailler, que ce soit au service général (environ 50 postes) ou dans le petit atelier de couverture de livres (quatre places). Et c’est pareil pour la scolarisation ».

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Une sortie de prison mal préparée, c’est un échec : quelqu’un qui est remis dehors dans de mauvaises conditions, c’est sûr qu’on va le revoir

Et pour votre mission, quelles sont les incidences ?

Gaël Deborde (CGT insertion probation) : « Pour nous, il ne faut pas seulement raisonner en nombre de détenus à l’instant T, mais en flux, les entrées et sorties. Notre boulot, c’est de s’inscrire dans un parcours : on évalue la situation de la personne à son arrivée, et on construit un parcours dans la perspective de la sortie. Le mercredi 27 mars 2024, lors de la commission pluridisciplinaire unique hebdomadaire, on a balayé les dossiers de 27 nouveaux détenus. Quel temps reste-t-il pour ceux qui sont déjà là ? Qui ne se signalent pas, sont les plus fragiles ou précaires ? En parallèle, avec la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, on voit se multiplier les sorties par anticipation ou aménagement de peine. Mais rien n’est construit pour leur sortie, alors qu’on a affaire à une population qui cumule les problèmes sociaux, mais aussi les problèmes de santé, d’addiction… On sait qu’une sortie de prison mal préparée, c’est un échec : quelqu’un qui est remis dehors dans de mauvaises conditions, c’est sûr qu’on va le revoir. On a l’impression d’être dans un bateau qui coule : il se remplit d’eau en permanence, et on doit écoper à n’importe quel prix ».

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Vous appelez à ne pas faire entrer davantage de personnes en détention. Mais ce discours est-il audible face à la délinquance, la criminalité qui frappe la société ?

Malorie Doaré (Snepap FSU) : « Soyons clairs : la détention est nécessaire, car il faut préserver la société. Mais il faudrait moins et mieux incarcérer. Déjà, certains n’ont rien à faire en prison, mais devraient être en hôpital psychiatrique, au vu de leurs troubles. Et pourquoi n’y a-t-il actuellement qu’une quarantaine de bracelets électroniques posés sur le ressort de Brest, 80 à Quimper, alors qu’on est monté à 200 par le passé ? Le bracelet est une vraie peine, et coûte bien moins cher à la société que la prison ! Et il y a le sursis probatoire, les aménagements de peine, le placement extérieur, la semi-liberté… Il n’y a pas une solution mais des solutions. Car construire de nouvelles prisons n’a jamais vidé celles surpeuplées ».

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À qui la faute, dans cette situation ?

Ronan Guéguéniat : « On en appelle à la responsabilité des magistrats, car on a besoin d’eux, et aux politiques, qui devraient consacrer davantage de budget et de moyens aux actions qui permettent d’éviter la récidive. Pourquoi ne pas, par exemple, créer une structure d’accompagnement vers la sortie (Sas, structure intermédiaire entre le milieu fermé et le milieu ouvert) à Brest ? Cela permettrait de soulager la maison d’arrêt, mieux préparer la réinsertion. Il faut moins incarcérer et développer la palette de solutions alternatives pour s’en sortir. Car là, si rien ne freine, on va vers les 500 détenus à Brest ».

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Source: https://www.letelegramme.fr/finistere/brest-29200/maison-darret-de-brest-limpression-detre-dans-un-bateau-qui-coule-6557079.php

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