Alors que Michel Barnier actait à l’Assemblée un tournant de la rigueur, 170 000 personnes ont manifesté en France, selon la CGT, pour défendre des services publics et un modèle social de qualité.
Par Marie TOULGOAT & Inès RUBIO .
Attendre devant la télévision que le premier ministre Michel Barnier prononce son discours de politique générale ? Très peu pour les milliers de personnes qui ont pris ce mardi le départ d’une manifestation intersyndicale, à l’appel de la CGT, FSU et Solidaires.
Place Denfert-Rochereau, à Paris, les manifestants sont bien décidés à témoigner leur opposition à la politique du nouveau gouvernement, qui s’annonce rétrograde et austéritaire. « Le gouvernement Barnier, c’est une blague. On se retrouve avec un gouvernement très à droite alors qu’au lendemain des élections, on obtient une majorité relative Nouveau Front populaire », fustige Maxime Schaud, informaticien à la SNCF, chasuble verte floquée SUD rail sur le dos.
Un vent de colère face au mépris d’Emmanuel Macron
La colère que ressent le cortège face au mépris qu’a opposé Macron aux résultats des élections anticipées n’est toutefois pas le seul motif du mouvement. « Aujourd’hui, la mobilisation vise à remettre la question sociale et le monde du travail au centre du débat », affirme Sophie Binet, secrétaire nationale de la CGT.
La responsable de la confédération rappelle que l’urgence réside aujourd’hui dans l’augmentation des salaires et des pensions, un meilleur financement des services publics et l’abrogation de la réforme des retraites.
Partout dans les défilés, le constat du désengagement de l’État dans les secteurs publics et l’inquiétant spectre d’un tour de vis austéritaire inquiètent. « Les services publics sont un élément central de notre cohésion sociale que les gouvernements n’arrêtent pas de détricoter. Lorsque je travaillais aux finances publiques, nous avions plus de 4 000 implantations des impôts où les gens pouvaient se rendre. Il y en a aujourd’hui à peine 2 000. Cela veut dire que les usagers doivent se déplacer, c’est parfois impossible en milieu rural », dénonce Dominique, retraitée et ancienne élue Solidaires.
Le secteur scolaire lui aussi en proie à l’austérité
Qu’attend-elle du discours de Barnier ? « Rien ! » s’empresse-t-elle de répondre. « Les mesurettes annoncées, comme celle d’un coup de pouce au Smic de 2 %, ne représentent en rien un changement de cap radical dans la politique libérale du gouvernement », tance-t-elle.
Au sein du scolaire aussi l’austérité guette. « On se dirige vers de nouvelles suppressions d’emplois à l’école, alors qu’on voit déjà les conséquences du manque d’agents au quotidien dans les établissements. Il y a deux semaines dans mon lycée, il y avait encore cinq postes vacants », expose Maud, enseignante d’allemand en Île-de-France syndiquée à la FSU.
Difficile de comprendre comment l’embauche de professeurs retraités volontaires, évoquée par le premier ministre, pourrait résorber ce problème de fond. L’affaiblissement programmé des services publics énerve d’autant plus que des solutions de financement existent et sont martelées depuis des années par les organisations syndicales.
« Il faut cibler ceux et celles qui profitent du système »
« On prend l’argent aux salariés pour boucher les trous du budget, mais on ne touche pas au patronat », s’agace Éric, métallurgiste dans la Loire. Murielle Guilbert, co-déléguée nationale de l’union syndicale Solidaires, acquiesce. « La distribution de dividendes représente 63 milliards d’euros rien que pour les six premiers mois de 2024, rappelle-t-elle. On est pour mieux les taxer, créer un nouvel impôt sur la fortune avec une assiette plus large. Il faut cibler ceux et celles qui profitent du système ».
Face aux revendications d’une « réforme fiscale profonde », l’effort « ciblé et ponctuel » demandé aux plus grandes fortunes évoqué par Michel Barnier lors de sa déclaration de politique générale risque de pas suffire à convaincre les manifestants.
Difficile de mobiliser autant que pour les retraites
Malgré l’énergie des jeunes, retraités et salariés présents dans les rues parisiennes, appuyée par de nombreux slogans scandés au rythme des batucadas, le cortège paraît ce mardi légèrement clairsemé. L’instant a beau être grave, il s’est avéré difficile pour les organisations syndicales de mobiliser dans des proportions similaires à celles de la réforme des retraites.
« Il faut dire qu’il y a une certaine lassitude. On a pas mal enchaîné les mobilisations, entre les salaires, l’inflation, la réforme des retraites », soupire Florian, ingénieur chercheur génie civil à EDF.
Les organisations syndicales espèrent toutefois réussir à ancrer le mouvement dans la durée. L’enjeu est de taille : peser dans les prochains débats budgétaires, notamment pour obtenir la suspension de la réforme des retraites, à l’heure où le premier ministre laisse planer la possibilité d’aménagements de la loi. L’ensemble des syndicats devrait se réunir en fin de journée mercredi pour évoquer les suites à donner au discours de politique générale de Michel Barnier.
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