Bérenger Cernon, un cheminot à l’Assemblée (H.fr-29/09/24)

Face à un gouvernement d’union des droites constitué avec l’aval du Rassemblement national, les luttes à venir s’annoncent plus intenses encore, et déterminantes pour l’avenir du pays. Bérenger Cernon entend y prendre sa part, à l’Assemblée comme dans la rue © Karim Daher / Hans Lucas

Le conducteur de train et syndicaliste CGT a été élu député FI de l’Essonne, où il a battu Nicolas Dupont-Aignan, en plus de s’imposer face à François Durovray… qui vient d’être nommé ministre des Transports.

Par Margot BONNERY.

Qui aurait cru qu’un cheminot encarté à la CGT pourrait détrôner Nicolas Dupont-Aignan ? Avec son profil atypique et « la force militante du Nouveau Front populaire », Bérenger Cernon est pourtant parvenu à renverser la table lors des dernières législatives, s’imposant face au fondateur de Debout la France dans la 8e circonscription de l’Essonne, à droite depuis vingt-sept ans.

Convaincre les électeurs du député sortant, qui avait appelé à voter Marine Le Pen en 2017 et 2022, ne faisait pas partie de son objectif. Pour gagner, le candidat de la France insoumise est allé chercher le vote de ceux qui ne croyaient plus en la politique. « Nous avons fait campagne là où le taux d’abstention était le plus fort, dans les quartiers populaires », raconte l’élu de 36 ans qui a surpris son monde : « J’étais un ovni, mon profil de cheminot a plu. »

« Ce gouvernement de perdants est illégitime »

Bérenger Cernon a également bénéficié d’une triangulaire pour l’emporter, puisqu’il a obtenu 40,52 % des voix, contre 37,48 % pour Nicolas Dupont-Aignan et 22 % pour le candidat de droite François Durovray. Mais, là encore, surprise ! Bien que battu, ce dernier vient d’être nommé ministre des Transports dans le gouvernement Barnier.

« Un ancien cheminot et un nouveau ministre des Transports… C’est presque une fable », sourit le député au sujet de ce duel, avant de reprendre son sérieux pour rappeler que « ce gouvernement de perdants est illégitime ». Il n’entend donc rien lui laisser passer, en puisant dans son expérience de syndicaliste CGT pour mener la lutte sur les services publics et sur les transports.

« À partir du 1er janvier 2025, le plan de discontinuité de Fret SNCF, orchestré par le gouvernement, va s’appliquer. Mais il en est hors de question. L’ancien ministre Clément Beaune n’est plus là, donc j’espère que le nouveau ministre prendra la question au sérieux. » Pour l’insoumis passé par le PCF, l’ouverture à la concurrence n’est pas la solution. Des moyens humains, financiers et matériels sont indispensables pour redévelopper au maximum un service de qualité répondant aux attentes et aux besoins des usagers. « Les syndicats et la mobilisation seront déterminants » dans les semaines à venir, estime Bérenger Cernon.

Conserver sa liberté d’esprit

Fils de syndicalistes et petit-fils de cheminot, le député ne pensait pas franchir un jour les portes du Palais Bourbon. Les défenseurs du monde du travail y ont pourtant toute leur place. Et l’élu promet qu’il n’oubliera pas d’où il vient, qu’il ne passera pas de l’autre côté de la barricade, là où carrière politique rime avec compromission et trahison.

Il se dit sûr, aussi, de conserver sa liberté d’esprit. « Mes parents ont toujours souhaité me protéger de ce monde. Même si on parlait d’actualité politique et syndicale, et qu’on lisait l’Humanité à la maison, ils avaient envie que je me forge ma propre opinion », raconte-t-il.

Devenu conducteur sur les lignes de RER D et R en 2008, le jeune Bérenger Cernon se syndique aussitôt. « De fil en aiguille, j’ai pris des responsabilités et j’ai été élu délégué du personnel en 2009 », relate celui qui a aussi été secrétaire du CHSCT et secrétaire général de la CGT cheminots à Paris gare de Lyon. « Même si certains s’échinent à la casser, la SNCF reste une belle entreprise. C’est un merveilleux collectif de travailleurs », fait-il valoir.

De ces dix-sept années passées à conduire des trains, Bérenger Cernon retient aussi la lutte et la solidarité entre cheminots. Surtout au cours de la mobilisation contre la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy, en 2010 : « C’était un moment particulier et intense car j’étais nouveau dans l’entreprise. On dormait tous au syndicat. Et, le matin, on tenait les piquets de grève pour expliquer les enjeux et convaincre ceux qui continuaient d’aller au travail. »

Puis il y a eu les protestations contre la réforme ferroviaire de 2014, les luttes contre la loi El Khomri en 2016 et celles contre le pacte ferroviaire en 2018. Sans oublier la réforme des retraites portée par Édouard Philippe en 2019. Bérenger Cernon s’en souvient comme si c’était hier. « Notre grève était d’une longueur hallucinante, presque un mois et demi. Même si la pandémie du coronavirus et le confinement ont permis que cette réforme ne voie jamais le jour, on s’est saignés. Sans notre mobilisation, nous n’y serions pas parvenus. Grâce aux camarades de la RATP, la région parisienne était presque à l’arrêt. »

Face à un gouvernement d’union des droites constitué avec l’aval du Rassemblement national, les luttes à venir s’annoncent plus intenses encore, et déterminantes pour l’avenir du pays. Bérenger Cernon entend y prendre sa part, à l’Assemblée comme dans la rue.

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Source: https://www.humanite.fr/politique/cgt-cheminots/berenger-cernon-un-cheminot-a-lassemblee

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