Acculé, le gouvernement Barnier veut faire passer son budget de guerre sociale à coup de 49.3. A l’Assemblée, les députés LFI combattent chaque jour le coup de force antidémocratique. Dans le pays, le rejet s’amplifie.
Par Pierre VALDEMIENNE .
Alors que Donald Trump poursuit les nominations aussi farfelues qu’inquiétantes aux postes clés de son futur gouvernement qui prendra effet au 20 janvier prochain1, Joe Biden a annoncé, du fin fond de la forêt amazonienne, en bras de chemise et lunettes de soleil, l’autorisation délivrée par les États-Unis d’envoyer des missiles à longue portée sur la Russie, à l’occasion du millième jour de guerre en Ukraine.
Dans la foulée, l’Ukraine a approuvé le budget 2025 avec 60 % des dépenses pour la défense et la sécurité. En réponse, Vladimir Poutine a signé mardi 19 novembre un décret élargissant les possibilités de recours à l’arme nucléaire. Le même jour, les bourses européennes ont terminé dans le rouge.
Au même moment, l’institut de sondage américain Gallup indique que, pour la première fois, plus de la moitié des Ukrainiens veulent que la guerre s’arrête le plus vite possible.
En bon serviteur zélé des États-Unis, la France par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël
Barrot, a emboîté le pas. À la question : la France pourrait-elle, elle aussi, donner son accord pour l’utilisation de telles armes, le ministre a répondu oui, « dans une logique de légitime défense » (interview à la BBC)… Une telle décision signifierait que « les pays de l’Otan sont en guerre contre la Russie », a déclaré Vladimir Poutine.
Mais où nous emmènent-ils ?
Campagne redoublée contre LFI
En France, dans une situation où le climat social est en train de se modifier sérieusement, et où le rejet du gouvernement Barnier-Macron atteint des sommets2, la pression est maximale sur la France insoumise (LFI). Il ne se passe pas un jour où LFI ne se retrouve pas accusée d’« antisémitisme », d’« apologie du terrorisme », d’« anti-France », par le gouvernement et la presse qui le soutient.
Le maire de Nice, Christian Estrosi, qui n’a jamais caché ses liens d’amitié avec Benyamin Netanyahou, en est même venu à déposer plainte contre des députés LFI au motif d’ « intelligence avec l’ennemi » !
Les mêmes ne trouvent rien à redire à comparer le Premier ministre israélien à Alfred Dreyfus3 et s’indignent que la Cour pénale internationale (CPI) lance des mandats d’arrêt à l’encontre de Benyamin Netanyahou.
Ce n’est pas le cas de tout le monde, y compris de celles et ceux qui ne partagent pas du tout le point de vue de LFI sur toute une série de questions, mais qui, sur celles-ci, ne marchent pas : le journaliste Jean-Michel Apathie, l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin, ou encore l’ancienne ministre macroniste et actuelle députée européenne, Nathalie Loiseau.
Et tout cela intervient alors que Netanyahou continue de bombarder quotidiennement le Liban et Gaza, poursuivant le génocide. Et dans une situation où, en Israël même, il est accusé, selon Franceinfo, d’avoir « falsifié des documents secrets pour justifier la guerre à Gaza » afin de « servir ses intérêts ».
L’abrogation de la réforme des retraites à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale
C’est dans ce contexte qu’intervient ce jeudi la « niche parlementaire » de LFI – ce jour où les groupes d’opposition ont la main sur l’ordre du jour à l’Assemblée. Le premier point est consacré à l’abrogation de la réforme des retraites à 64 ans de Macron et le retour à 42 annuités de cotisations.
Le Rassemblement national (RN), empêtré dans ses affaires judiciaires et confronté à une crise interne, a annoncé vouloir voter ce point. Il y a donc là, à l’initiative de LFI, une occasion d’exprimer majoritairement à l’Assemblée la volonté des 93 % d’actifs d’abroger la réforme des retraites.
En réponse, que s’apprêtent à faire la droite et les macronistes ? Obstruction. 1 000 amendements, tous plus farfelus les uns que les autres, sont d’ores et déjà déposés pour empêcher que s’exprime à l’Assemblée ce que veut l’immense majorité de la population.
Comme corollaire à cette obstruction, Michel Barnier a annoncé le recours plus que probable à un ou plusieurs 49.3 avant Noël pour faire passer le budget mais aussi la loi de financement de la Sécurité sociale, comprenant des dizaines de milliards de coupes claires dans les budgets de l’État et pour nos soins.
En procédant ainsi, le gouvernement s’expose à une motion de censure qui sera déposée par LFI en cas de recours au 49.3. Depuis plusieurs jours, le camp présidentiel fait pression sur le RN et le parti socialiste (PS) pour qu’ils
ne la votent pas. Marine Le Pen et Boris Vallaud aimeraient bien ne pas la voter mais… 67 % des sympathisants du RN sont pour (ils étaient seulement 29 % début octobre) et 73 % des sympathisants du PS aussi (sondage Ipsos) !
Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi, pour les tenants de l’ordre établi, il est absolument indispensable de taper sur LFI pour tenter d’isoler et de marginaliser la force de rupture qui défend à l’Assemblée les exigences vitales de la population laborieuse et qui appuie la résistance des travailleurs, dans une situation où le rejet, la colère sont en train de s’exprimer sur le terrain direct de la lutte des classes.
Une conjonction qui inquiète en haut lieu
Après Michelin, les salariés d’ArcelorMittal à Denain et à Reims, avec leurs syndicats, sont actuellement en grève illimitée contre la fermeture de leur usine. Chez les fonctionnaires, et particulièrement chez les personnels territoriaux, les grèves et rassemblements massifs à Nantes et à Toulouse sont une indication de l’état d’esprit.
Une intense discussion dans la Fonction publique et particulièrement dans l’Enseignement se mène à l’heure actuelle pour s’engager efficacement dans l’action de classe pour gagner et faire reculer le gouvernement.
Les fédérations de cheminots ont confirmé lundi 25 novembre leur appel à la grève illimitée à compter du jeudi 11 décembre. Tous regardent dans cette direction, en tenant compte de ce qui peut se passer avant.
Il est possible qu’une motion de censure soit déposée dans cette période. En haut lieu, une conjonction entre ce bouillonnement qui se cherche et qui ne demande qu’à s’exprimer et une motion de censure dont l’issue est cette fois-ci plus qu’incertaine pour le gouvernement, est sinon redoutée, du moins envisagée…
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