Depuis quelques jours, une nouvelle offensive se déchaîne contre la France insoumise à propos de sa proposition de loi (PPL) visant à supprimer le délit d’apologie du terrorisme du code pénal, où il a été intégré en 2014.
Par Rosalie ALBANI.
« C’est la polémique du week-end ! » annonce le journaliste de LCI qui accueille Manuel Bompard dans la matinale du lundi 25 novembre. C’est un euphémisme ! Il s’agit plutôt d’un véritable déchaînement politico-médiatique qui vise encore une fois la France insoumise.
Mardi 19 novembre, le député LFI Ugo Bernalicis a déposé une proposition de loi visant à supprimer le délit d’apologie du terrorisme du code pénal. Ce délit a été inscrit dans le code pénal en novembre 2014 par le ministre de l’Intérieur « socialiste » Bernard Cazeneuve sous la présidence de Hollande. Depuis l’annonce de ce dépôt, c’est une logorrhée haineuse et calomnieuse contre la France insoumise qui se déverse sur les réseaux sociaux et les plateaux TV reprenant à leur compte une fake news diffusée par un média d’extrême droite qui visait à faire croire que LFI voulait rendre légal le fait de célébrer publiquement des actes terroristes.
Pour le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau : « LFI dépose une PPL pour abroger le délit d’apologie de terrorisme. C’est difficile de faire plus ignoble. »
Comme à son habitude, le RN s’aligne sur le gouvernement. Caroline Parmentier, vice-présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale affirme sur son compte X que « Le RN empêchera bien évidemment cette loi de passer à l’Assemblée. »
L’ex Premier ministre Gabriel Attal juge cette PPL « ignominieuse et scandaleuse » comme « une insulte à toutes les victimes du terrorisme ». Il appelle « les alliés de LFI » à se « désolidariser ». L’ex porte-parole du gouvernement, Prica Thévenot, se vautre dans la polémique en reprenant à son compte le vocabulaire de l’extrême droite pour vilipender « l’idéologie anti-France » de « Jean-Luc Mélenchon et son groupe de députés » (voir encadré).
LFI « soutien des terroristes »
Dans sa roue, François Hollande fustige un texte qui d’une part « crée une confusion pour mieux exonérer de leurs responsabilités des personnalités qui par leurs propos utilisent la cause palestinienne à des fins provocatrices et haineuses. » Et de l’autre « heurte les victimes du terrorisme. » De là à faire de LFI un soutien des terroristes, il n’y avait qu’un pas. Franchi par l’avocat de Charlie Hebdo, Richard Malka : « Cela voudrait dire, pour LFI, vivre dans un monde où l’on pourrait dire “Les massacres du Bataclan, c’est merveilleux, assassiner des profs d’histoire-géo, c’est bien et rafler des jeunes sur les terrasses, c’est parfait” ». Mensonge grossier et honteux de la part d’un avocat qui se dit « spécialiste » sur les questions du terrorisme.
Car que dit LFI ? « Nous n’abrogeons pas le délit d’apologie du terrorisme, nous voulons seulement le remettre au bon endroit, dans le droit de presse1 » explique Mathilde Panot invitée de BFM TV le 24 novembre.
Invité sur LCI le 25 novembre, Manuel Bompard explique que « depuis 2017, un certain nombre d’associations, de personnalités, d’autorités morales » alertent sur « des dérives rendues possibles par la loi ». Le juge antiterroriste Marc Trevidic, qui avait soutenu en 2014 le passage du délit d’apologie du terrorisme dans le code pénal, dénonce aujourd’hui un usage dévoyé de la loi, dénonçant la répression des soutiens à la Palestine : « Un simple tag en soutien à la Palestine vous fait encourir la prison ». Au sujet de cette loi de 2024, l’ancien Défenseur des droits Jacques Toubon a parlé de « fiasco judiciaire ».
Une « utilisation abusive » du délit d’apologie du terrorisme pour Sophie Binet (CGT)
Depuis le 7 octobre, tous ceux qui dénoncent le génocide en cours à Gaza, exigent un cessez-le-feu et défendent la Palestine sont dans le viseur de cette loi. On se souvient que Dupont-Moretti avait appelé les magistrats à une tolérance zéro dans une circulaire ce qui avait valu à Mathilde Panot et Rima Hassan une convocation devant le procureur pour apologie du terrorisme en pleine campagne des Européennes.
Même son de cloche chez les syndicalistes. En avril dernier, le secrétaire de l’Union départementale CGT du Nord, Jean-Paul Delescaut était condamné à un an de prison avec sursis, pour « apologie du terrorisme » pour avoir dénoncé ce qui se passait à Gaza dans un tract de son syndicat.
Lundi 25 novembre, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT a elle aussi dénoncé une « utilisation abusive » du délit d’apologie du terrorisme, citant le cas de plusieurs militants CGT poursuivis, comme Jean-Paul Delescaut, alors qu’ils s’exprimaient dans le cadre de leur action syndicale : « Il faut arrêter de l’utiliser pour brider la liberté d’expression et la mobilisation sociale ». C’est ce qu’avait également dénoncé l’Onu il y a quelques mois.
Quand des dizaines de syndicalistes, de militants et responsables politiques sont poursuivis pour « apologie du terrorisme » pour le seul fait d’avoir exprimé leur refus du génocide à Gaza, quand cette qualification est utilisée pour alimenter un climat de censure et de répression, oui, il est juste de dire que la loi, modifiée d’abord par Cazeneuve, puis par Dupont Moretti, doit être remise au bon endroit. Si le mot de législateur a un sens, alors c’est le devoir et la responsabilité d’un parlementaire d’agir en ce sens.
Sondage, caricature, enquête complotiste… contre la France insoumise
Ces derniers jours, l’offensive contre LFI comme force politique de rupture et par ailleurs première force politique de France avec 100 000 membres revendiqués, s’est également déclinée sous d’autres formes : il y a eu la une calomnieuse du Figaro Magazine intitulée « La France insoumise et les islamistes, enquête au cœur de la nébuleuse qui défie la République » ou encore la dernière caricature commise par Plantu. Il y a aussi eu le sondage Ipsos commandé par le Crif pointant le fait que 20 % des sympathisants LFI sont « plutôt favorables » au départ des juifs de France pour Israël. Ça fait beaucoup…
Pour quelle raison ? Cette offensive intervient à quelques jours de la niche parlementaire de la France insoumise où l’abrogation de la réforme des retraites va de nouveau revenir sur le tapis. Depuis plusieurs semaines, fidèles à sa ligne de rupture, les militants et les députés de la France insoumise soutiennent tous les processus de lutte de classe en cours : grèves, mobilisations, piquets de grève, manifestations, etc.
La tentation est grande pour les forces réactionnaires de l’arc républicain et des médias à leurs ordres d’isoler la France insoumise qui représente pour eux une menace réelle. Le député macroniste Karl Olive, celui qui veut ficher S Jean-Luc Mélenchon et interdire la France insoumise, dénonce « le danger quotidien » que représente La France insoumise. « Chaque prise de parole de LFI dans le pays ruisselle dans nos collectivités ». Il fait certainement référence à la première place obtenue par la France insoumise dans son fief de Poissy lors des dernières élections européennes, résultat de l’activité des groupes d’action locaux. Et ce n’est pas un exemple isolé…
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A propos de l’anti-France… Prisca Thévenot, ex porte-parole du gouvernement a récidivé en caractérisant les idées de la France insoumise d’anti-France. Elle l’avait déjà fait lors des jeux Olympiques. Mais d’où vient cette expression ?L’Anti-France est une notion assez élastique qui englobe tous ceux qui ne sont pas dignes de la France éternelle, en fait de la France d’Ancien Régime. Cette notion a été popularisée par l’extrême droite au moment de l’affaire Dreyfus (à partir de 1894) pour stigmatiser et exclure les juifs, les protestants, les franc-maçons, les internationalistes, les métèques.C’est l’Action française (monarchiste, antisémite et xénophobe) entre les deux guerres puis le régime vichyste de Pétain qui systématisent cette idée (voir affiche).Macron et les siens puisent à l’arsenal lexical des antisémites et des réactionnaires fascisants, tout simplement. |
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