REPORTAGE. Dix ans après la fermeture de leur abattoir, les ex-Gad se sont retrouvés ( OF.fr-4/11/23)

Jean-Luc et Dominique sont des anciens salariés de l’abattoir. Depuis, ils ont refait leur vie.

Le 31 octobre 2013, l’accord de fin de conflit était signé entre la direction de l’abattoir Gad à Lampaul-Guimiliau (Finistère) et les salariés de l’entreprise. Ce jour-là, 771 salariés perdaient leur travail. Dix ans plus tard, samedi 4 novembre 2023, les anciens collègues se sont retrouvés pour partager un repas à quelques mètres seulement de leur ancienne entreprise.

Par Amaury CAILLAULT

« N’oubliez jamais que ce combat était tout ce qu’il y a de plus digne. » Les larmes aux yeux, Olivier Le Bras, ancien leader de la lutte salariale à l’abattoir Gad, termine son discours. Devant lui, plus de 120 anciens salariés applaudissent.

Ce sont plus de 120 anciens salariés de l’abattoir qui étaient présents ce samedi 4 novembre pour se retrouver plus de dix ans après la signature de l’accord de fin de conflit.

Dix ans après la signature de fin de conflit entre la direction de Gad et les salariés, un rassemblement était organisé, samedi 4 novembre 2023, à Lampaul-Guimiliau (Finistère), à quelques mètres seulement de l’ancienne entreprise.

Dans la salle, les souvenirs d’une époque compliquée ressurgissent. Luc Milin a passé 33 ans de sa vie dans les murs de cette locomotive économique locale : « Voir que tout tombait à l’eau a été un déchirement. »

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Au cœur de la lutte salariale de l’époque pour sauver les emplois, il avait enchaîné les manifestations : « Dix ans plus tard, je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi la direction manquait autant d’humanité avec nous. J’ai passé beaucoup de temps à réfléchir à tout ça et je n’ai pas toutes les réponses. »

« On avait créé un lien spécial »

Le 31 octobre 2013, 771 salariés de l’entreprise étaient licenciés avec un plan leur permettant d’avoir accès au contrat de sécurisation professionnel (CSP).

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Luc Milin a profité du CSP pour se lancer dans une formation de crêpier : « Je n’ai pas réussi à monter ma boîte mais j’ai rebondi dans l’intérim et dans l’agroalimentaire. »

Luc Milin a travaillé pendant 33 ans à l’abattoir Gad : « J’étais persuadé que tout allait reprendre, qu’on allait pouvoir sauver la boîte. Tout ça a été terrible. »

À l’intérieur de la salle de la Tannerie, ancien QG de la lutte, les regards se croisent, les sourires s’échangent : « Beaucoup d’entre nous ne s’étaient pas revus depuis, on était plus que des collègues, on avait créé un lien spécial », explique Jean-Luc, 51 ans dont dix-sept au conditionnement, à l’abattoir Gad.

Verre à la main, il discute avec Dominique, son ancien collègue : « Ma femme travaillait aussi dans l’entreprise. Quand les deux parents se font virer, comment nourrir notre enfant ? »

Les personnes présentes ont pu partager un verre de l’amitié et un repas avant de passer l’après-midi ensemble.

À l’époque, Jean-Luc enchaîne les missions « à gauche à droite » avant de trouver un poste dans une entreprise agroalimentaire de la zone où il devient cariste : « Ça fait sept ans que j’y suis, ça m’a permis de reprendre confiance et de retrouver une stabilité familiale. »

Dominique lui se souvient de l’engouement médiatique pour l’affaire, notamment lorsqu’en septembre 2014, un certain Emmanuel Macron, nouveau ministre de l’Économie, avait dit : « Il y a Gad une majorité de femmes. Il y en a qui sont, pour beaucoup, illettrées. »

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S’il a repris un emploi de cariste depuis, cet ancien de Gad regrette : « Ça fait mal et ce sera toujours là, ces paroles nous ont heurtées pour toujours. »

« Il y a l’avant et l’après Gad »

Si les regrets et le « gâchis » animent la majorité des personnes présentent, d’autres préfèrent parler d’une nouvelle vie. « Il y a l’avant et l’après Gad » affirme David Stephan, ancien salarié. Pour lui, le licenciement était une étape à passer rapidement : « La vie continuait et je n’avais pas le temps de m’apitoyer parce qu’il fallait que je fasse vivre mes proches. »

David Stephan a passé sept ans de sa vie à l’abattoir Gad, depuis, il a signé un CDI en intérim.

Pour lui, les premières années après Gad ont été compliquées : « Les boîtes d’intérim nous ont placées dans une case d’ouvrier en agroalimentaire et elles ne nous proposaient que ça. »

Après plusieurs formations, il se détache de son métier de prédilection : « Je suis en CDI dans une boîte d’intérim depuis 2015 et je travaille dans plusieurs domaines. » Être présent aujourd’hui, dix ans après la vague de licenciement était pour lui une obligation : « Certains n’ont pas supporté cette épreuve. Ils en sont morts et si je suis là aujourd’hui c’est avant tout pour eux. »

Source: https://www.ouest-france.fr/bretagne/dix-ans-apres-la-fermeture-de-labattoir-gad-que-sont-devenus-les-771-salaries-licencies-e96fb580-7b28-11ee-bc47-f405893c2140

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