TÉMOIGNAGE. « Un demi-siècle de silence sur les abus sexuels et toujours rien », déplore une victime (OF.fr-11/03/25)

Les almanachs du Likès à Quimper (Finistère) avec les photos de classe de l’époque. Le frère, mis en cause par de nombreux témoignages, a exercé dans les années 1970. | OUEST-FRANCE

Victime d’un frère, en 1970, au sein de l’établissement catholique quimpérois le Likès, le Finistérien prend de nouveau la parole pour dénoncer le silence, malgré son témoignage. Il demande à l’Église de prendre la mesure de cette affaire.

Par Lucile VANWEYDEVELDT.

« J’avais 11 ans. Je revois toujours, quand je passe dans la rue, le bâtiment où était le dortoir. Le surveillant nous faisait venir dans sa chambre, le soir. Tout le monde savait ce qu’il se passait derrière les rideaux. Il mettait ses mains dans mon pyjama et me forçait à faire de même. C’est toujours dans un coin de ma tête. » Âgé de 65 ans, ce Finistérien, bien inséré socialement, ne comprend pas pourquoi le silence perdure.

« L’affaire Bétharram et celle du collège Saint-Pierre au Relecq-Kerhuon remuent des choses. J’ai déjà témoigné en 2021 mais j’ai le sentiment que depuis, rien ne bouge. Faut-il créer un collectif pour se faire entendre ? Je ne veux pas d’argent. Je demande juste à l’Église de faire son mea-culpa. »

« On ne me croyait pas »

Ces faits se sont déroulés à l’internat de l’établissement scolaire catholique le Likès, à Quimper (Finistère), en 1970. Lorsqu’elle a pris la parole, la victime a contacté l’Évêché. « On ne m’a jamais rappelé alors qu’on m’avait promis un rendez-vous. C’est ça que je n’accepte pas : un demi-siècle de silence sur les abus sexuels au pensionnat du Likès, et toujours rien. Pourtant, je pense que les victimes de ce frère, craint par tous les élèves, se comptent par dizaines. »

Ce religieux surveillait l’internat des élèves de sixième, « les plus vulnérables », et était professeur de travaux manuels. « En classe, il nous frappait avec un grand bout de bois. Il entrait dans des colères folles, personne ne pouvait l’arrêter. On était tous terrorisés. »

L’ancien collégien a recroisé, des années après, des copains de classe. « Quand on prononçait son surnom, on savait tout de suite, entre nous, de qui il s’agissait. Le dimanche soir, quand les familles nous conduisaient à l’internat, beaucoup d’enfants pleuraient. J’ai essayé d’en parler à ma mère mais pour elle, ce frère était un dieu vivant. Il cachait sa violence, c’était un grand manipulateur. On ne me croyait pas. J’étais tellement mal que j’ai redoublé ma sixième »

« Tout le monde savait »

Le calvaire a pris fin deux ans après, puisque l’ancien élève est allé dans un autre collège, en quatrième. « J’ai de bons souvenirs de cette partie de ma scolarité. Je m’en suis sorti mais je sais que d’autres camarades ont très mal fini. Ce frère a sévi plusieurs années. »

Le religieux qui aurait commis les faits est décédé en mai 2020, à l’âge de 96 ans. Il a passé plusieurs années au Cameroun en tant que missionnaire, après sa carrière d’enseignant. Il a terminé sa vie à la maison des frères des écoles chrétiennes de Kerozer à Saint-Avé, près de Vannes (Morbihan), propriété du réseau d’enseignement catholique lasallien. « Je suis persuadé que tout le monde savait, confie le Finistérien. Il a agi au su et au vu de tout le monde. »

En 2021, treize victimes étaient sorties du silence en relatant à Ouest-France des faits répétitifs de violences et d’abus sexuels dans les années soixante-dix. « Mais cette histoire reste un mystère alors que la vie de gamins a été foutue en l’air. En 2018, j’ai demandé à l’établissement les coordonnées de ce frère à qui j’aurais aimé dire des choses en tant qu’adulte. J’ai reçu une fin de non-recevoir. »

Pourquoi ne pas s’exprimer à visage découvert aujourd’hui ? « Parce que je n’ai jamais parlé de ces agissements à mes proches, pas même à mes enfants. La honte, peut-être. Et puis ce n’est pas moi qui ai le plus souffert. Aujourd’hui, je vis normalement, enfin je crois… »

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Source: https://www.ouest-france.fr/faits-divers/violence-sexuelle/temoignage-un-demi-siecle-de-silence-sur-les-abus-sexuels-et-toujours-rien-deplore-une-victime-2886ea78-fe62-11ef-889b-49069a321526

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/temoignage-un-demi-siecle-de-silence-sur-les-abus-sexuels-et-toujours-rien-deplore-une-victime-of-fr-11-03-25/


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