Âmes océaniques. Le secrétaire de la CGT des marins à Concarneau (Finistère), Yves L’Helgouac’h, a eu une vie bien remplie. Lui qui a navigué aux quatre coins du monde, n’aurait jamais pu deviner les avancées syndicales auxquelles il participerait avant un congrès très particulier, en 1975.
Par François SCHOCKWEILLER.
C’est une figure de l’histoire syndicale de la marine. Yves L’Helgouac’h, dit Youenn, du haut de ses 85 ans, est secrétaire de la CGT des marins, à Concarneau (Finistère).
Il a commencé sa carrière en mer à l’âge de 16 ans et a traversé l’histoire. « J’ai eu une enfance un peu difficile. Mon père étant mort en déportation, après la rafle du 30 juin 1944, à Crozon et le Porzay. Ils étaient 51 raflés dirigés vers le camp de Neuengamme, en Allemagne. »
Sur les 51, 17 seulement sont rentrés. « Avec deux enfants, c’était difficile pour ma jeune maman. »
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Il ne rate aucune commémoration. Malgré un contexte difficile, il s’en sortait « plutôt bien » au collège. « Mais je voyais les copains qui allaient naviguer dans le commerce et qui gagnaient pas mal. Je me suis dit, pourquoi pas, et donc je me suis inscrit à l’école maritime. »
Au grand dam de sa mère, qui était d’un milieu de pêcheur, avec un père mort très jeune, après un accident de mer.
Ses débuts en tant qu’apprenti machine
« J’ai embarqué lors de mes 16 ans, le 10 juillet 1956, à bord d’un pétrolier, le Porthos. » Il est alors apprenti machine, puis réalise son service militaire.
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Au total, vingt-huit mois dans l’armée en tant que mécanicien à bord de dragueurs de mine, notamment la Bétélgeuse. À la fin de son service, en 1962, il rembarque pour Mobil Oil.
« On fait plusieurs voyages dans le Golfe persique pour débarquer ensuite en France. » Les années passent et lors d’un aller-retour, il apprend, au niveau de Chypre, que le Canal de Suez est fermé en raison de la guerre. Il est dérouté vers le Texas.
Youenn naviguera ainsi aux quatre coins du monde, pour des campagnes pouvant durer sept mois et demi.
Délégué de bord
Ses premières missions pour défendre les marins, il les fait en parallèle de sa sortie du service militaire. « Je me suis retrouvé délégué de bord et deux, trois ans plus tard, suppléant au comité d’entreprise, puis titulaire. Et là, ça monte en puissance ! »
Il devient secrétaire adjoint du comité d’établissement transport maritime et délégué titulaire au comité central d’entreprise Mobil Oil.
Une rencontre avec Augustin Gruénais
Lors de son troisième mandat, il est en escale à Fos-sur-Mer pour une relève complète. « On est en juillet 1972. Je suis en train faire l’inventaire à l’atelier et on me dit “Yves on te réclame là-haut, c’est le syndicat qui veut te voir”. »
Après quelques hésitations, il finit par monter. « Il y avait le secrétaire général de la fédération, Augustin Gruénais. »
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Une fonction s’était libérée et il devait assurer le remplacement. « Je venais de me marier, j’ai demandé un temps de réflexion. Puis j’ai accepté. Je suis resté au syndicat jusqu’en 1975, dans l’intervalle, ma deuxième fille est née. »
Du commerce à la pêche
En juin 1975 se déroule le congrès de la Fédération nationale des syndicats maritimes CGT, au Havre. Augustin Gruénais vient à la rencontre d’Yves L’Helgouac’h et lui dit d’aller voir la commission pêche. Surpris, il lui indique qu’il vient du commerce et ne connaît pas ce milieu.
Augustin Gruénais insiste. « J’y suis finalement allé et le soir, à table, il me demande comment ça s’est passé. Je lui réponds que je ne comprenais rien à leur jargon, mais il me demande d’y retourner le lendemain. »
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Le dernier jour du congrès, le secrétaire général prend la parole à la tribune : « Camarades, je vous annonce que le camarade L’Helgouac’h monte à Concarneau. » Il venait d’être désigné secrétaire de la CGT des marins.
Départ pour la Ville bleue
« Je rentre à la chambre et j’annonce la nouvelle à ma femme, qui est de Douarnenez. » Il prend le poste en août 1975. À l’époque, la secrétaire administrative était la mère de Marc Bigot. Yves L’Helgouac’h travaillera avec elle pendant plus de quinze ans.
Quarante-neuf ans plus tard, le jeune mécanicien est toujours fidèle au poste, dans ses locaux au-dessus de la criée de Concarneau. Il pense néanmoins à passer le relais, mais difficile de trouver des personnes prêtes à endosser les fonctions, dans un contexte de crise majeure pour le secteur de la pêche.
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