Séverine Le Goff, professeure d’allemand à Plouzané, Guipavas et Guilers, se bat pour changer le regard sur cette langue dont l’enseignement est parfois menacé, dans le pays de Brest et au-delà.
Par Manon FONTAINE.
« L’allemand, soit on l’adore, soit on le déteste », soupire Séverine Le Goff, qui enseigne la langue de Goethe à des collégiens du pays de Brest depuis 2017. Et en l’occurrence, ses détracteurs semblent être plus nombreux. « En Bretagne, je note une vraie aversion pour la langue, au-delà du désintérêt. L’allemand souffre et tend à disparaître ».
En février 2024, la professeure apprend qu’il ne sera plus possible de commencer l’allemand dans l’un des établissements où elle enseigne, le collège Croas ar Pennoc de Guilers. « C’est une question d’heures disponibles, en conséquence de la mise en place des groupes de niveau à la rentrée prochaine. Et c’est l’allemand qui saute, parce que, cette année, je n’ai que huit élèves en cinquième », atteste la quadragénaire.
« Casser les préjugés sur l’allemand »
L’enseignante commence par poser un diagnostic. « Dès la cinquième, les élèves qui font allemand subissent des attaques et des critiques de la part des autres. Ça va de “c’est moche” et “ça sert à rien” à “c’est la langue des nazis” », s’indigne Séverine Le Goff.
« Je veux casser les préjugés, et il y en a beaucoup sur l’allemand. Je veux montrer qu’on peut parler d’autre chose que de la guerre, même si on traite évidemment cette période en classe. On a besoin de montrer autre chose. Même si on a la chance que des cinémas diffusent des films en VO, c’est toujours sur la guerre ou les nazis », martèle-t-elle.
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La concurrence de l’espagnol
Alors, à grand renfort d’initiations en sixième, la prof tente de leur faire découvrir tout le reste, comme le rap, la gastronomie ou les traditions de Noël. « Il faut au moins ça pour lutter contre l’évidence de l’espagnol. Dans l’un de mes collèges, j’ai réussi à intéresser 22 élèves après une initiation comme ça, souligne la Brestoise. Mais cinq d’entre eux se sont désistés, car leurs parents auraient refusé ».
Parfois, je me sens plus comme une commerciale que comme une prof
Un vrai cercle vicieux pour l’enseignante : « Comme les groupes sont plus petits, on a souvent des doubles niveaux, et peu d’heures dans chaque collège. Il y a donc très peu de postes fixes en allemand, on est sur trois à quatre établissements en même temps à la fois. En conséquence, les élèves germanistes ont rarement la chance de faire des sorties ou des voyages, et leurs enseignants changent tous les ans ».
« Un parcours du combattant »
« Parfois, je me sens plus comme une commerciale que comme une prof. Je passe tout mon temps sur la route, je transporte mes affaires dans mon coffre, car je change souvent de classe, et je dois faire la pub pour ma matière aux élèves de sixième avec des initiations, s’attriste Séverine Le Goff. Être prof d’allemand, c’est un parcours du combattant tout du long ».
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En mai, elle partira à Berlin, en Allemagne, avec ses quatrièmes de Victoire-Daubié, à Plouzané. « L’immersion, c’est ce qui donne du sens à l’apprentissage de la langue, c’est essentiel pour des citoyens européens. Et ce voyage, c’est quelque chose qui n’a pas été proposé dans ce collège depuis une vingtaine d’années ».
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